En étudiant le microbiote intestinal, des scientifiques français sont parvenus à montrer que la sensibilité à un additif alimentaire très utilisé, qui favorise l’inflammation intestinale chronique, varie d’une personne à l’autre, ce qui ouvre la voie à une alimentation personnalisée.
Sauces, glaces, biscuits, pain de mie, brioches, barres chocolatées, mais aussi produits allégés ou estampillés « bons pour la santé », comme l’avoine ou les amandes bio : utilisés par l’industrie agroalimentaire pour améliorer la Texture et prolonger le temps de conservation De produits, l’émulsifiant E466 -Ou carboxyméthylcellulose de sodium- est partout.
« Dans tout ce qui est allégé en gras, à partir du moment où on enlève le gras, il faut le remplacer par autre chose pour garder la texture : les crèmes fraîches 0% de matière grasse -ce qui est quand même une aberration- sont chargées d’agents émulsifiants », explique à AFP le chercheur Inserm Benoît Chassaing, à la tête d’une équipe de recherche à l’Institut Pasteur.
« De même, pour avoir la texture crémeuse du lait d’avoine ou d’amande, il faut une transformation industrielle où des additifs sont ajoutés », y compris dans les produits bio, « c’est très largement utilisé », complète-t-il.
Or, l’émulsifiant E466 est « très très négatif » pour notre microbiote intestinal, précise le chercheur, qui l’étudie depuis plusieurs années. Cet additif diminue la diversité des bactéries qui le composent et favorise l’inflammation intestinale chronique, ont démontré des études antérieures.
« Les personnes qui consomment beaucoup d’agents émulsifiants ont un risque accru de développer tout un tas de pathologies : certains cancers, maladies cardiovasculaires… Les études épidémiologiques le montrent bien », explique le scientifique.
– Prédire la sensibilité –
Publiée lundi dans la revue britannique Gut, l’étude pilotée par M. Chassaing suggère que l’additif E466 aurait un impact négatif sur le microbiote intestinal chez certaines personnes mais pas chez d’autres, et qu’il serait possible de prédire la sensibilité d’une personne à l’alimentation. émulsifiants.
« Nous ne sommes pas tous égaux face à ces additifs : certains seraient très sensibles, d’autres très résistants, et surtout, il est possible de prédire si un individu est l’un ou l’autre », résume le chercheur, qui poursuit ses recherches. , avec des nutritionnistes et des diététiciens, pour identifier les raisons de cette sensibilité.
« Et savoir si on peut convertir un individu sensible en résistant pour se protéger contre l’impact négatif de ces additifs, ça aussi on y travaille », ajoute-t-il.
Cette sensibilité a pu être observée grâce à l’analyse de la communauté microbienne de l’intestin, à la reproduction du microbiote en laboratoire et grâce à des analyses métagénomiques d’échantillons – techniques qui permettent d’étudier finement le microbiote intestinal.
En transplantant chez la souris le microbiote d’un échantillon fécal humain, il est apparu que certaines personnes ont un microbiote très sensible à l’émulsifiant E466, provoquant une forte inflammation intestinale, tandis que d’autres ont un microbiote résistant à cet additif alimentaire.
L’étude suggère ainsi qu’il serait possible de prédire la sensibilité d’une personne donnée aux émulsifiants alimentaires grâce à des analyses du microbiote.
Reste, aux chercheurs, à vérifier leur capacité à prédire cette sensibilité par une étude avec « une cohorte beaucoup plus large de malades et de malades de Crohn », précise M. Chassaing.
Les travaux futurs devront également élucider le rôle des bactéries impliquées dans la sensibilité aux agents émulsifiants, ainsi que les mécanismes responsables des variations de sensibilité d’un individu à l’autre.
Ces découvertes pourraient permettre, dans un futur proche, de « dire aux patients à risque de développer une maladie de Crohn ou chez qui elle a été diagnostiquée, après analyse de leurs selles ou séquençage de leur microbiote : +vous êtes très sensible à cet additif, c’est mieux vaut arrêter de consommer des aliments qui contiennent du + », résume M. Chassaing.
S’il est peu probable de voir l’industrie agroalimentaire renoncer au recours aux additifs, la recherche pourrait lui permettre de l’orienter vers ceux que notre microbiote tolère le mieux.
Publié le 27 janvier à 17h47, AFP