Le groupe Michelin a annoncé mercredi à Clermont-Ferrand la mise en place d’un salaire « décent » supérieur au SMIC pour ses 132 000 salariés dans le monde. De quoi mettre le gouvernement au pied du mur pour « écarter » la France comme le promettait Gabriel Attal.
C’est une annonce qui n’est pas passée inaperçue. Tandis que Carlos Tavares, PDG du groupe automobile Stellantis, a une nouvelle fois suscité cette année une vive polémique sur son salaire faramineux – 36,5 millions d’euros annuels –, Florent Menegaux, PDG du groupe Michelin – qui a indiqué percevoir un salaire fixe de 1,1 million d’euros plus « une prime variable de 150 % maximum (soit 1 650 000 euros) », s’estimant « extrêmement bien payé » – a donné un tout autre visage aux grands patrons français.
Le groupe pneumatique a en effet annoncé mercredi 17 avril à Clermont-Ferrand la mise en place d’un salaire « décent » et d’un « socle de protection sociale universelle » pour ses 132 000 salariés dans le monde.
« Un engagement logique » pour le PDG de Michelin
Ce salaire décent garantit une rémunération équivalente au « salaire vital » tel que défini par le Pacte mondial des Nations Unies, a annoncé Michelin. Le PDG de Michelin a également été élu l’an dernier président du Réseau France Global Compact pour une durée de trois ans, la branche nationale du Global Compact des Nations Unies dont la vocation est de structurer des actions concrètes autour de dix principes universels relatifs aux Droits de l’Homme, aux normes internationales. et les dix-sept objectifs de développement durable des Nations Unies. Le salaire décent doit permettre à « chaque salarié de subvenir aux besoins essentiels » d’une famille de quatre personnes (alimentation, transport, éducation, frais de santé) mais aussi de constituer une épargne de précaution et d’acquérir des biens de consommation.
« C’est un engagement logique envers tous les salariés du groupe (…) Vous consacrez du temps à votre développement et à celui de l’entreprise et en échange nous vous donnons les moyens au moins pour une famille de quatre personnes – deux parents et deux enfants – qu’un seul salaire leur permet d’envisager un logement, de la nourriture mais aussi des loisirs, un peu d’économies, etc. », a déclaré Florent Menegaux.
Plus payé à Paris qu’à Clermont-Ferrand
En France, cela représente 39 638 euros par an pour un salaire brut à Paris, 25 356 euros à Clermont-Ferrand, où se trouve le siège du groupe. C’est plus que le salaire minimum qui s’élève à 21.203 euros brut. Au Brésil, le salaire « décent » de Michelin est de 37 347 réaux (pour un salaire minimum de 16 944 réaux) et en Chine de 69 312 yuans (salaire minimum de 29 040 yuans). « En moyenne, le salaire décent représente entre 1,5 fois et 3 fois le Smic », précise Florianne Viala, directrice des rémunérations du groupe.
D’ici fin 2024, les 132 000 salariés de Michelin, dont le chiffre d’affaires était de 28,3 milliards d’euros en 2023 pour un bénéfice de 2 milliards, bénéficieront également d’un « socle de protection sociale universelle » qui se compose d’un congé maternité d’au moins 14 semaines et d’un congé paternité d’au moins 14 semaines. quatre semaines payées à 100%. En France, certaines entreprises, dont le groupe pharmaceutique Sanofi ou Abeille Assurances, proposent un congé paternité plus long, de dix à quatorze semaines.
Attal dit travailler sur le sujet
En estimant que « le salaire minimum n’est pas un salaire décent », le PDG de Michelin met au pied du mur le gouvernement dont le Premier ministre, Gabriel Attal, lors de sa déclaration de politique générale du 30 janvier, avait déclaré vouloir « de -souligner « la France sans donner de détails pour y parvenir. Interrogé jeudi soir sur BFMTV au sujet de l’initiative de Michelin, Gabriel Attal a déclaré travailler sur « un système qui rende moins coûteuse pour les patrons et les salariés l’augmentation des salaires, surtout quand on est proche du Smic ». Je pense que « l’essentiel est évolution salariale. Quand tu démarres une carrière, tu peux commencer au Smic, l’important c’est que ton salaire augmente. »
Qualifiant les propos de Florent Menegaux de « très intéressants », le Premier ministre, tout en estimant qu' »évidemment le niveau de vie n’est pas le même selon le territoire où l’on habite », s’est dit défavorable à la mise en place d’un salaire minimum régionalisé. .
« Stop aux politiques sociales à bas coûts »
L’initiative de Michelin a en tout cas relancé le débat. « Un salaire décent, je ne sais pas ce que ça veut dire. On sait en économie que si on augmente trop le SMIC, ça détruit des emplois et ça se retourne contre les concernés. Il faut qu’il y ait un lien entre performance et salaire à travers la notion de productivité », a argumenté Christian de Boissieu, vice-président du Cercle des économistes. « Dé-emcardiser, pour la CFDT, c’est arrêter les politiques sociales à bas coûts d’entreprises qui se nourrissent entièrement d’aides publiques », a jugé hier Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT.
Selon le baromètre de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), pour les Français, en 2022, un salaire décent serait de 1 983 euros par mois, soit environ 42 % de plus qu’un Smic à 1 400 euros.