« Michel Barnier ou les limites d’un pouvoir de droite dans une France aux contre-pouvoirs de gauche »
FIGAROVOX/CHRONIQUE – Audiovisuel public, ONG, Arcom, Cour européenne des droits de l’homme… la bonne volonté du nouveau Premier ministre risque d’être mise à mal par des contre-pouvoirs politisés plus puissants que lui, analyse notre chroniqueur.
Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Chaque semaine, il décrypte l’actualité pour FigaroVox. Il a publié Journal de guerre. C’est l’Occident qui est assassiné (Fayard, 2024). Il est également président d’Avocats sans frontières.
Que mon lecteur ne prenne pas mon pessimisme pour une posture. Mais je considère aujourd’hui l’optimisme comme une bêtise ou une imposture. Je viens écrire ici que j’ai ressenti la nomination de l’honorable Michel Barnier comme un lâche soulagement.
Nous en sommes là. L’hypothèse de l’arrivée à Matignon, même fugace, d’une créature de la France Insoumise était bien un cauchemar. Nous aurions dû ce mauvais rêve à la fois à la dissolution infantile décrétée par un président puéril et au vilain tour de passe-passe organisé par Gabriel Attal et Jean-Luc Mélenchon se favorisant mutuellement au second tour.
L’auteur de cette tribune ne pardonnera jamais au premier d’avoir contribué à faire élire les plus extrémistes d’un parti d’extrême gauche composé d’un mis sur liste S, d’antisémites patentés et de partisans de l’islamisme. J’affirme que si ce parti était d’extrême droite et utilisait un thème aussi violent, il aurait encouru une dissolution que certains groupes de droite ont, pour beaucoup moins, connu. Hélas, privilège rouge oblige, cette question est trop impertinente pour être pertinente. Michel Barnier n’était pas le premier choix de celui qui a fini par le désigner. Ni même le second. Il doit sa nomination au refus d’Olivier Faure d’endosser expressément son ancien camarade socialiste Bernard Cazeneuve, dans un esprit de soumission aux Insoumis.
La conclusion qui s’ensuit est que le changement ne peut venir que d’une lutte culturelle et sociétale acharnée qui dépasse largement le domaine politique. Il s’agit d’une lutte existentielle et le temps presse.
Gilles William-Goldnadel
Il serait ingrat de ne pas l’en remercier. Michel Barnier, pour ceux qui regardent à droite sinon droit, est réconfortant. Surtout dans son évolution. Européen mais gaulliste, il est pour un Etat-nation souverain, libéré du carcan étouffant de la juridiction européenne. Rarement méprisant, il ne méprise pas ce premier parti en France qui s’appelle le Rassemblement national. De plus, il est déterminé à vouloir freiner l’immigration.
Enfin, et ce n’est pas un détail pour moi, la dernière fois que je l’ai rencontré, il m’a fait part de son attachement à Israël. Il se trouve qu’il a visité à deux reprises ce pays, attaqué et blessé depuis le 7 octobre. Mais je veux écrire maintenant mon triste scepticisme quant au succès de son entreprise. Non seulement pour des raisons strictement arithmétiques, il n’a pas de majorité acquise, ni en raison de ce que je sais des calculs partisans des partis dans cette situation particulière. Et qui incitent à tout le moins à l’inquiétude. Mais surtout parce que je ne peux sous-estimer la faiblesse contemporaine du pouvoir politique de la droite, fût-elle majoritaire. Elle doit, dans notre état d’apesanteur morale et de faiblesses individuelles, composer avec tant de contre-pouvoirs plus puissants qu’elle.
Il y a le pouvoir des médias, y compris de l’audiovisuel public. Il y a le pouvoir judiciaire. Il y a le pouvoir syndical. Il y a le pouvoir artistique et académique. Il y a le pouvoir des organisations non gouvernementales. Il y a le pouvoir de la rue et des nombreux quartiers d’immigrés. Il y a le pouvoir d’un parti qui flirte sans cesse avec l’illégalité et courtise les quartiers précités. Il y a le pouvoir des corps constitués français, le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel. J’oubliais l’Arcom. Il y a le pouvoir d’un corps constitué européen que nous avons déjà mentionné et qui s’appelle la Cour européenne des droits de l’homme. Il y a même le pouvoir des gangs.
A lire aussiSur une ligne de crête, Michel Barnier veut laisser sa trace
Or, tous les pouvoirs que je viens d’évoquer ont en commun d’être en opposition idéologique frontale avec la pensée de Michel Barnier, lui-même voué à des difficultés. Et au-delà de notre nouveau Premier ministre, en opposition avec la volonté démocratique de la grande majorité des Français résignés ou désespérés. Ces pouvoirs sont bien plus puissants que le pouvoir politique et bien plus libres d’agir à leur guise. Et je dois aussi reconnaître, à l’honneur de ces adversaires minoritaires, qu’ils font preuve de plus de militantisme et de pugnacité que la majorité qui est non seulement silencieuse mais inerte.
La conclusion qui s’ensuit est que le changement ne peut venir que d’une lutte culturelle et sociétale acharnée, bien au-delà du champ politique. Il s’agit d’une lutte existentielle et le temps presse. Les pessimistes sont actifs.