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Michel Barnier, le négociateur du Brexit qui aspire à devenir prophète dans son propre pays

Nommé Premier ministre jeudi, Michel Barnier, 73 ans, a négocié avec succès les conditions du Brexit et devra désormais user de toutes ses qualités diplomatiques pour diriger un gouvernement minoritaire à l’Assemblée et tenter de devenir enfin un prophète dans son pays.

Acclamé à Bruxelles pour ses talents de négociateur, au point que son nom a circulé pour succéder à Jean-Claude Juncker en 2019 à la tête de la Commission européenne, ce Savoyard, membre du parti de droite Les Républicains (LR), s’est forgé une réputation de « pragmatique ».

« C’est un homme d’Etat. Un homme de consensus et de négociation comme il l’a prouvé lors des négociations sur le Brexit, ce qui est essentiel dans la période que nous traversons. »Le député LR Vincent Jeanbrun a déclaré à l’AFP, convaincu qu’il parviendrait à réunir « bien au-delà de son camp ».

« Méthode Barnier »

« Il est l’une des rares personnalités politiques à pouvoir justifier d’une solide expérience aux niveaux territorial, national et européen. »se réjouit la sénatrice LR Agnès Evren, qui évoque une « Méthode Barnier » OMS « allie respect de l’interlocuteur et solidité des convictions ».

Des qualités qui ont certes séduit Emmanuel Macron, qui cherche une personnalité capable de déjouer une majorité de censure à l’Assemblée, mais qui ont été pour l’instant davantage applaudies à Bruxelles qu’en France et même dans sa famille politique des Républicains.

Il représente « Tout ce que les Français ne veulent pas. C’est stratosphérique, déconnecté et ça va continuer ou finir de tuer la droite. »déplore un parlementaire LR auprès de l’AFP.

Il a également mordu la poussière en 2021 au premier tour de la primaire LR pour désigner le candidat de la droite à la présidentielle de 2022.

Longtemps positionné sur une ligne centriste du gaullisme, Michel Barnier avait alors amorcé un virage à droite inattendu, sans toutefois parvenir à convaincre les militants qui lui préféraient Valérie Pécresse. Il avait plaidé pour une « moratoire » trois à cinq ans en matière d’immigration.

Vieux loup de la politique française, il entre en politique en 1973. Une longue carrière qui fait dire au député RN Jean-Philippe Tanguy qu’il est « fossilisé de la vie politique ».

Des décennies à arpenter les couloirs du pouvoir, à Paris et à Bruxelles, où ce grand homme aux cheveux blancs s’est forgé une réputation d’écoute, d’argumentation et de conviction.

« Derrière une apparence lisse se cache une personnalité torturée. C’est un homme inquiet qui a besoin de conseils. Il puise sa force dans une équipe de collaborateurs en qui il a une totale confiance. »explique un de ses proches.

Michel Barnier a siégé dans plusieurs gouvernements de droite en France dans les années 1990 et 2000, avec différents portefeuilles (Affaires européennes, Environnement, Agriculture, Affaires étrangères…), a été commissaire européen à deux reprises, chargé des Politiques régionales et du Cadre financier (1999-2004), puis chargé du Marché intérieur et des Services (2009-2014).

UN « habitant des montagnes »

Marié et père de trois enfants, Michel Barnier rappelle volontiers qu’il est un « habitant des montagnes »une manière de transformer en atout ce qui, en France, peut constituer un handicap : ne pas faire partie de l’establishment parisien et ne pas être diplômé de l’ENA mais, dans son cas, de l’Ecole supérieure de commerce de Paris.

Michel Barnier, le négociateur du Brexit qui aspire à devenir prophète dans son propre pays

Dans son bureau de Bruxelles, il montrait volontiers à ses visiteurs une photo de lui posant aux côtés du triple champion olympique de ski Jean-Claude Killy, avec lequel il avait organisé avec succès les Jeux olympiques d’hiver de 1992 dans sa ville d’Albertville.

Une autre le montrait lors de la libération de la journaliste Florence Aubenas, otage en Irak, obtenue alors qu’il était responsable du Quai d’Orsay.

Sa carrière européenne n’a pas toujours été couronnée de succès. Jean-Claude Juncker l’a battu en 2014 dans la course à la présidence de la Commission européenne lors du congrès du Parti populaire européen (PPE, droite).

Sa nomination comme négociateur du Brexit en 2016 lui a permis de rebondir et d’affiner sa stature internationale.

« On aurait pu avoir bien pire que le pragmatique et expérimenté Barnier »a commenté Syed Kamall, chef de la délégation du Parti conservateur britannique au Parlement européen, qui a même jugé l’anglais de Michel Barnier « suffisamment bon pour lui permettre de traiter directement avec ses interlocuteurs ».

New Grb1

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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