Peu connu du grand public, Bruno Barde est pourtant une figure incontournable du cinéma français. Le directeur général de Public Système, agence de communication qui, outre l’organisation du Festival du cinéma américain de Deauville, de Reims Polar et du Festival du film fantastique de Gérardmer, s’occupe de la presse de nombreux films (6 en Compétition en mai dernier à Cannes), a été contraint de démissionner de ses fonctions, après une enquête de Mediapart. Sept anciens collègues l’accusent de harcèlement et d’agressions sexuelles ainsi que d’humiliation. Il le nie farouchement, concédant un comportement malheureux et latin.
L’un des témoignages recueillis par nos confrères évoque une scène à Cannes en 2019 où il lui aurait empoigné les cuisses lors d’une projection. Une autre fois, il a mis sa main sous son t-shirt pour lui retenir le bas du dos. D’autres anciens salariés parlent de caresses sur la nuque. Bruno Barde a les mains vagabondes et l’avoue : « il est possible que je sois tactile, dans le sens où même si je pose occasionnellement ma main sur la nuque ou sur un bras, ce n’est qu’un geste d’affection ».
Pour l’instant, Hopscotch, la société mère qui reprend « très au sérieux les témoignages exprimés lors de l’enquête » par Médiapart « a décidé de mandater un organisme indépendant pour mettre en place un système d’écoute et d’accompagnement des salariés. L’effet #metoo sans doute mais aussi la crainte de mettre en péril les 50 ans du festival de Deauville, événement médiatique de la rentrée, très apprécié des stars.
La libido débordante du pouvoir
Une autre figure importante du cinéma est également mise en cause. Joachim Lafosse, cinéaste belge, qui aime filmer des sujets sensibles et tabous, les tensions et les violences intrafamiliales, est mis en cause dans une enquête de Libération. On lui doit notamment, Les Intranquilles, l’économie du couple et plus récemment, Silence. Plusieurs salariés remettent en question ses méthodes de travail depuis vingt ans.
Virginie Efira a tourné avec lui Continuer en 2019. : « C’est quelqu’un qui n’a accès qu’à une seule réalité, la sienne, incapable de se remettre en question, et une sorte de moteur viscéral à vouloir déstabiliser les autres, à générer des conflits pour se sentir vivre, et probablement créer. Il ira sur le lieu de la transgression, pour vous mettre dans tous vos états, afin que vous soyez déstabilisé, infériorisé ou en colère. »
A l’un de ses anciens collaborateurs qui préparait son premier long métrage il aurait dit : «Quand j’ai vu votre court-métrage, j’ai bandé. Devant ta longueur, j’ai envie d’éjaculer. » Une affirmation que réfute Joachim Lafosse. Devant témoins, il actionne une bouteille d’air comprimé dans l’oreille de son assistant réalisateur qui s’en sort avec « des acouphènes depuis deux ans » Ce dont le cinéaste s’excuse. J’ai fait ce geste stupide et enfantin sans aucune intention de faire le moindre mal à Valérie. Partagez simplement ma joie lors de ce dernier applaudissement. »
Plusieurs décrivent une sexualisation du tournage, des gestes inappropriés et une manière de souffler le chaud et le froid. Il semblerait qu’un message publié par le cinéaste sur les réseaux sociaux, à l’occasion de la sortie de Silence, ait été le déclencheur de la prise de parole de ces femmes. Joachim Lafosse a déclaré : « Il semblerait donc que l’on découvre la libido débordante du pouvoir ! Il est dans notre métier, du coup, une question de pouvoir, de sa jouissance possible, de son éventuel refus des limites. » La prise de conscience est là. La figure du cinéaste démiurge, maître tout-puissant sur le plateau, est en difficulté.
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