#MeToo : à Morlaix, le tourneur Wart Music ciblé par des accusations dans Mediapart
Cette enquête met en lumière qu’outre le DJ Arnaud Rebotini, mis en cause par sept femmes, « l’agence d’artistes d’influence » gérait les carrières des groupes de musique électronique Gargäntua et Salut c’est cool. Des groupes dont les membres ont également été accusés de violences sexuelles. Mediapart met également en avant les interrogations de deux experts concernant les « méthodes utilisées » par le directeur artistique de Wart, Joran Le Corre, accusé d’avoir voulu « dissimuler » ces artistes.
Selon eux, il aurait « minimisé les violences en parlant de rumeurs » lors de la procédure visant le chanteur de Gargäntua à l’automne 2023.
« On a ressenti ça comme un sursaut de pression »
Contactée ce mardi par Le Télégramme, l’une de ces experts, Mélanie Goyeau, co-directrice du cabinet Agogé Conseil, basé à Tours, réitère ses propos : « Nous sommes un cabinet de conseil. Nous faisons de la prévention, des conseils et parfois des enquêtes. Dans cette affaire, nous enquêtions, pour le compte de la Fracama (le centre des musiques actuelles de la région Centre-Val de Loire, NDLR), sur Armand Carré, le chanteur du duo Gargäntua. Et, en décembre 2022, nous avions interviewé Joran Le Corre. Notre enquête a duré deux mois. Joran Le Corre nous a rappelé pendant l’enquête. Nous avons ressenti cela comme une explosion de pression. Il a remis en cause notre enquête, nous a dit qu’elle était incriminante, qu’il n’y avait pas d’anonymat… Toutes choses qui sont inexactes : nous avons proposé à l’accusé de nous parler. Il a refusé. Nous avons respecté la confidentialité et transféré un rapport anonymisé à Fracama.
«Nous comprenons ce qui se passe dans cet environnement»
Mélanie Goyeau se souvient de son ressenti de l’époque : « Quand on a reçu cet appel, on s’est dit : on comprend ce qui se passe dans ce milieu. Peut-être qu’un artiste qui dénonce de tels faits pourrait subir ce type de pression. Mais c’est vraiment notre interprétation. Mediapart indique que « Joran Le Corre semble avoir travaillé en coulisses pour que (la) mise en examen (de l’un des membres du groupe Salut c’est cool en juin 2021) ne soit pas connue ».
Les trois artistes exclus du catalogue
Ce lundi 1er avril, Joran Le Corre, que la rédaction a tenté de contacter, était injoignable. Mais Eddy Pierres, directeur de Wart Music, a réagi à ces accusations. « Notre position est très claire. Wart écoute les victimes de violences sexuelles, dont nous ne minimisons pas la voix. Et nous le serons encore davantage. Nous faisons campagne pour la tolérance zéro. C’est notre priorité. Même si nous avons des marges de progression et avons su donner des signes contradictoires sur ce sujet complexe. » Et d’expliquer que les trois artistes en question ont été exclus du catalogue des artistes de Wart. « Quoi qu’il arrive, ils ne reviendront pas, poursuit Eddy Pierres. Le dernier, Arnaud Rebotini, a été exclu de Wart avant même la publication de l’article de Mediapart. Et c’est irrévocable. Nous laissons désormais travailler les personnes concernées pour que les victimes soient écoutées, soutenues, accompagnées.
Le directeur de Wart ajoute : « Nous continuons à travailler sur la méthodologie, à suivre et mettre en œuvre des formations sur le sujet, pour être plus pointus, plus pointus, plus réactifs dans la protection des victimes. Nous retravaillons également notre charte interne, qui doit être perfectionnée pour sécuriser davantage nos pratiques de prévention. Cet épisode nous apprend à être plus fermes », conclut Eddy Pierres.
Réunion de crise
Ce mardi 2 avril, une réunion de crise a été organisée dans les locaux du Wart, au SEW, à Morlaix. Et ce afin de déterminer quel message faire passer en interne aux équipes et artistes que le tourneur accompagne.
Car cette affaire ternit l’image d’une association présente à Morlaix depuis 1997 et qui est devenue, au fil du temps, un acteur incontournable de la culture dans la région. Une association qui se bat surtout depuis des années, sur le terrain, contre les violences faites aux femmes. Notamment en invitant La Lanterne à tenir un stand lors du festival Panoramas dont la prochaine édition est prévue du 4 au 6 avril 2025.
Le soutien de Morlaix Co
Du côté des artistes, les premières réactions ne se sont pas fait attendre. Le groupe Candeur Cyclone a annoncé dimanche soir sur Instagram qu’il ne collaborerait plus avec Wart. Est-ce que d’autres suivront ? Pour le moment, ce n’est pas la voie à suivre. Wart peut en tout cas compter sur le soutien de Jean-Paul Vermot, maire de Morlaix et président de Morlaix Co, financier du festival Panoramas (mais pas de l’activité tournage). « Nous avons contacté aujourd’hui (ce mardi, NDLR) la direction de Wart, qui nous a confirmé ne plus travailler avec les artistes incriminés dans l’article de Mediapart. La communauté de Morlaix a mené, conjointement avec Wart, des actions contre les violences sexistes lors des manifestations morlaixiennes de cette association. Cette ligne de conduite reste intangible pour tous les événements soutenus par la communauté. »