Il lui suffirait d’utiliser son droit de veto pour que l’accord retourne dans le vide juridique. Mais les pays membres de l’Union européenne, favorables à la ratification du traité (Allemagne et Espagne notamment), pourraient certainement contourner le droit de veto français en scindant l’accord, séparant une partie commerciale d’un côté, et un parti politique de l’autre. d’autre part afin d’accélérer le processus. Le vote serait soumis au Conseil de l’Union européenne et validé à la majorité qualifiée. Si elle imposait son veto maintenant, la France risquerait de se mettre en difficulté avec les autres États membres de l’UE, tant sur le plan économique que politique.
Le risque de perte d’influence de la France : bien positionner ses pions au sein de l’Europe
C’est du moins ce qu’a suggéré le président Emmanuel Macron le 17 novembre à Buenos Aires : « Paris ne signera pas tel quel « . Par là, il insinue que la France s’opposera à l’accord tant que des normes adéquates ne seront pas imposées. Cela ouvre également une brèche pour ceux qui souhaitent bloquer l’accord et rallier d’autres pays. Bien que la France soit fermement opposée à la ratification du traité, elle recherche des alliances et se montre prudente, car elle se sait très isolée au sein de l’Union.
Pour éviter que le volet commercial d’une éventuelle scission soit accepté et appliqué provisoirement comme le CETA (accord avec le Canada), la France doit constituer une minorité de blocage avec 4 pays représentant 35% de la population de l’UE. Elle ne peut pour l’instant compter que sur la Pologne et l’Italie. L’Irlande et l’Autriche ont émis des réserves mais préfèrent ne pas dévoiler leurs cartes trop tôt, au risque de perdre de leur influence plus tard. Ces alliances doivent se former avant que la proposition de scission n’arrive (à grande vitesse).
Est-ce perdu d’avance ?
L’Union européenne étant également isolée dans un contexte géopolitique mondial tendu, il y a – pour l’instant – peu de chances que l’accord ne soit pas ratifié. La France espère donc imposer des garanties pour protéger son agriculture, notamment au regard de ses normes environnementales et sanitaires. Elle souhaite mettre en place des clauses miroir strictes. Dans ce contexte, on comprend mieux pourquoi la France ne bloque pas immédiatement. Le Mercosur est non, ou sous conditions.
Rappelons qu’en cas de scission, la France ne peut pas imposer son droit de veto sur la partie commerciale. Mais il reste un petit espoir que l’accord soit présenté dans son intégralité sans scission. La France pourrait alors s’opposer seule à la ratification.
Il s’agit d’un véritable imbroglio juridique, stratégique et diplomatique. Pour une fois, les manifestations agricoles pourraient jouer en faveur de la France, comme moyen de pression. « Regardez ce qui se passe chez moi ; Je n’ai pas le choix ; attendez-vous à la même chose à la maison.
Le Brésil se taille la part du lion
La course à la ratification et les conséquences pour notre agriculture occupent le devant de la scène. Mais tapi dans l’ombre, le Brésil se frotte les mains. En effet, le pays est à la fois membre du Mercosur (bloc économique sud-américain fondé en 1991 comprenant l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay et représentant plus de 80% du PIB sud-américain), mais également membre des BRICS+ (Brésil, Russie, Inde). , Chine, Afrique du Sud ainsi que les Émirats arabes unis, l’Égypte, l’Éthiopie et l’Iran), représentant environ 26 % du PIB mondial.
En tant que deuxième exportateur mondial de produits agricoles et agroalimentaires, le Brésil serait le grand gagnant si le traité était ratifié en décembre. Elle bénéficierait ainsi d’échanges privilégiés avec l’Union européenne, en complément de ceux avec les pays du Mercosur et des BRICS+.
Par ailleurs, la Russie a annoncé fin octobre à Kazan le développement d’une plateforme privilégiée d’échange de céréales entre ses pays membres (BRICS+) où le Brésil exercerait une forte influence grâce à sa puissance agricole. Une sorte de marché commun donc. Le Brésil serait donc sur tous les fronts pour exporter ses produits.
Il est toutefois peu probable que la Russie perçoive d’un bon oeil ce rapprochement entre le Brésil et l’Union européenne. Elle pourrait interpréter ce renforcement économique comme un rapprochement significatif avec l’Occident. Le Brésil deviendrait alors le point d’équilibre entre l’Ouest et l’Est, entre médiation et ambiguïté.