Mer Rouge : la Russie envisage de fournir des missiles antinavires supersoniques aux rebelles houthis
De retour à Norfolk après neuf mois passés au Moyen-Orient, le groupe aéronaval constitué autour du porte-avions USS Dwight D. Eisenhower (Carrier Strike Group 2 – CSG 2) connaît une activité intense, notamment depuis décembre 2023, date de son engagement dans la coalition « Guardian of Prosperity », lancée par les États-Unis pour protéger le trafic maritime contre les attaques lancées depuis le Yémen par les rebelles Houthis (liés à l’Iran).
En février, le commandant des forces navales américaines au Moyen-Orient, l’amiral Brad Cooper, a décrit les opérations en mer Rouge comme la « plus grande bataille livrée par la marine américaine depuis la Seconde Guerre mondiale ». En témoigne le bilan dressé à l’occasion du retour du CSG 2 aux États-Unis. Au cours de son déploiement, il a tiré 155 missiles sol-air et 135 missiles de croisière Tomahawk, tandis que les F/A-18 Super Hornet de l’USS Eisenhower ont utilisé 60 missiles air-air et largué 420 munitions air-sol lors de raids lancés pour dégrader les capacités militaires des Houthis au Yémen.
Mais ce n’est qu’une partie des munitions consommées, sachant que d’autres navires ont participé à la sécurisation de la mer Rouge et du golfe d’Aden, que ce soit dans le cadre de la coalition « Guardian of Prosperity » ou de l’opération navale européenne EUNAVFOR Aspides, au sein de laquelle les frégates de la Marine française ont tiré une vingtaine de missiles sol-air Aster.
Cela dit, au début du printemps dernier, l’intensité des attaques des Houthis, qui utilisaient des munitions télécommandées (ROM), des missiles balistiques, des missiles antinavires et des drones de surface chargés d’explosifs, a diminué. « Nous ne savons pas exactement quels étaient leurs niveaux de stock au début de leur campagne, il est donc difficile de savoir exactement où se trouve leur arsenal. L’Iran est probablement en train de les reconstituer », avait déclaré à l’époque un responsable militaire américain.
Mais cette accalmie n’a pas duré… Ayant pu compter sur l’Iran pour se ravitailler en munitions, comme l’ont démontré, preuves à l’appui, les renseignements militaires américains (DIA – Defense Intelligence Agency), les Houthis ont depuis intensifié leurs actions… au point qu’il ne se passe guère de jour sans qu’une nouvelle attaque contre le trafic maritime en mer Rouge ne soit signalée. Cette semaine, ce sont effectivement deux pétroliers qui en ont été victimes, dont le CHIOS Lion (battant pavillon libérien) qui, endommagé par un drone de surface « suicide », perd la cargaison de pétrole qu’il transportait.
Depuis le lancement de leur campagne en mer Rouge, les Houthis ont endommagé au moins trente navires (dont certains n’avaient aucun lien avec Israël, les États-Unis et le Royaume-Uni) et en ont coulé deux.
Cela dit, les rebelles yéménites ne se contentent plus de s’attaquer au trafic maritime (quitte à provoquer des catastrophes environnementales dont les populations locales sont les premières victimes). Le 19 juillet, ils ont revendiqué une attaque contre Tel-Aviv (Israël) avec un drone d’un nouveau type baptisé « Jaffa ». En échange, le ministre israélien de la Défense Yoav Galant a promis de faire « payer de manière décisive et par surprise quiconque tenterait de nuire à Israël ».
Un autre pays est d’ailleurs directement touché par les attaques des Houthis : l’Égypte. En effet, les revenus de l’Autorité du canal de Suez ont chuté de 23 % au cours de l’année écoulée, à 7,2 milliards de dollars (contre 9,4 milliards de dollars lors de l’exercice précédent).
Les Houthis du Yémen affirment que leurs opérations « vont s’intensifier et ne s’arrêteront pas ». pic.twitter.com/8BphdDYM3F
— Rapport de conflit (@clashreport) 19 juillet 2024
Quoi qu’il en soit, outre le soutien de l’Iran, les Houthis pourraient bientôt compter sur celui de la Russie. C’est en effet ce que rapportait le Wall Street Journal le 19 juillet, sur la base d’informations des services de renseignement américains. En effet, Moscou envisagerait de leur fournir des missiles antinavires supersoniques, probablement des Yakhonts (la désignation d’exportation des P-800 Oniks), capables d’atteindre des cibles à 300 km de distance. A noter que, selon Reuters, le Hezbollah, la milice chiite libanaise, aurait déjà réussi à s’en procurer.
Pour l’instant, aucun transfert d’armes n’a été effectué. Mais deux responsables américains ont confirmé au quotidien que des émissaires houthis avaient été aperçus à Moscou… Et que la livraison de ces missiles, si elle devait avoir lieu, « emprunterait des routes de contrebande iraniennes ».
Toujours selon le Wall Street Journal, l’administration américaine mènerait une opération « diplomatique » impliquant un « pays tiers » pour tenter de persuader Vladimir Poutine, le chef du Kremlin, « de ne pas se joindre à l’Iran pour fournir des armes aux Houthis ». Il s’agirait vraisemblablement de l’Egypte, dont les responsables contactés par le journal n’ont pas souhaité dévoiler l’identité.
Pour rappel, en juin, M. Poutine avait évoqué la possibilité de fournir des armes « aux régions du monde où seront frappées des installations sensibles de pays » fournissant une aide militaire à l’Ukraine.
Par ailleurs, dans une lettre confidentielle adressée à Lloyd Austin, le chef du Pentagone, le général Erik Kurilla, le « patron » du commandement américain pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale (US CENTCOM) a estimé que les opérations menées dans la région « ne parvenaient pas à dissuader les Houthis de lancer des attaques contre des navires en mer Rouge » et que, par conséquent, une « approche plus large serait nécessaire ».