« Mélenchon compte sur la décomposition de la France pour créer un pays sans racines »
FIGAROVOX/TRIBUNE – En apparaissant aux côtés de la députée européenne Rima Hassan, coiffée d’un keffieh, le soir du premier tour, Jean-Luc Mélenchon envoie un signal néfaste, estime la journaliste et essayiste Noémie Halioua.
Noémie Halioua est journaliste. Elle a co-écrit Le nouvel antisémitisme en France (éd. Albin Michel, 2018), écrit L’affaire Sarah Halimi (éd. du Cerf, 2018) et L’un contre l’autre – Sarcelles, du vivre ensemble au vivre séparé (éd. du Cerf). Son dernier essai : La terreur même sous nos draps (éd. Plon, 2024).
Un trophée, c’est ce que l’on exhibe dans son salon pour sentir le frisson parcourir son corps lorsque les invités du dimanche le regardent pleins d’admiration. Comme ces très rares sacs à main Hermès, exposés par des influenceurs, jonchés sur des étagères comme des œuvres d’art et abondamment affichés sur les réseaux sociaux via les caméras de leurs téléphones portables. Jean-Luc Mélenchon, lui, exhibe, au soir d’élections législatives unanimement qualifiées d’historiques, sa protégée franco-syrienne emmitouflée dans son keffieh palestinien. Que lui importe que depuis plusieurs semaines, sur fond d’idéologie décoloniale, elle multiplie les saillies antifrançaises et antisionistes, qu’elle alimente furieusement la machine à penser antijuive en France qui arme la violence qui sévit dans les rues. Que lui importe que Hassan affirme parfois que le seul État juif au monde est un « État juif »monstruosité sans nom« , parfois que celui-ci a « Des chiens dressés pour violer des Palestiniens dans les centres de détention » dans le plus grand mépris des faits. Qu’importe que Rima Hassan considère que « Ce que fait Israël à la Palestine n’est pas très différent de ce que la France a fait à l’Algérie« , égratignant au passage le pays européen qui l’a si généreusement accueillie et élue pour le représenter.
Ce dimanche 30 juin à 20h10, quelques minutes après la publication des premiers résultats des législatives, le visage furieux du leader autoproclamé de la gauche apparaît sur toutes les chaînes d’information, à l’occasion de la tenue d’un discours aussi bref qu’apocalyptique. À ses côtés, n’apparaissent sur l’image, ni ceux qui ont tout sacrifié pour l’accompagner alors qu’il lançait seul son parti politique, ni les premiers de cordée qui l’ont rejoint en prenant tous les risques, ni Raquel Garrido et Alexis Corbière, ni Danielle Simonnet, purgées comme des crapules pour avoir défié son autorité monarchique et sa radicalité sans limite.
Non, un soir d’élections législatives au pays de Molière, triomphe à sa gauche Rima Hassan, récemment élue députée européenne, qui montre par ses obsessions que le sort de la France et des Français est le cadet de ses soucis. L’image est claire : Rima Hassan est le trophée de Jean-Luc Mélenchon, un prix de guerre, à moins que ce ne soit l’inverse, qu’il soit son instrument de conquête du pouvoir futur. On ne sait pas qui sert les intérêts de l’autre, mais il y a fort à parier que dans ce cas précis il y a une forme de réciprocité. La scène n’est en tout cas pas anodine, elle donne le ton : pour le chef de la France Insoumise et ses lieutenants, le sort de la « Palestine » est plus important que celui de la France. Un clin d’œil sans doute involontaire à la chanson rap « anti-RN », qui sortira le lendemain et dont les paroles appelleront explicitement, outre à tuer Jordan Bardella et à traiter Marine le Pen et Marion Maréchal de « putes », à faire passer la Palestine de « la Seine au Jourdain », c’est-à-dire à rayer la France et Israël de la carte du monde. Une aspiration aussi belle qu’un mot de Califat.
Fini l’idéal républicain qui prônait l’adoption d’enfants venus d’ailleurs, finie l’intégration chère à Romain Gary qui promettait de faire entrer dans le destin français quiconque le souhaitait sur le seul critère de la volonté.
Noémie Halioua
Un esprit bienveillant mais naïf se demanderait pourquoi le chef d’un des plus importants partis de France n’a pas choisi d’apparaître à ses côtés, ce soir de grande audience, l’un de ces nombreux symboles d’assimilation dont notre pays peut se targuer. Pourquoi fallait-il s’enquérir d’un symbole strictement étranger, largement utilisé par les terroristes pour faire couler le sang de l’autre côté de la Méditerranée. On pourrait continuer à s’interroger sur cette capacité à évacuer systématiquement toutes racines et attaches à la France de la part du chef de La France Insoumise. Comme s’il avait honte de son pays, comme s’il fallait à tout prix l’effacer de la carte du monde, au soir de sa propre élection, comme si selon lui la France n’avait rien à offrir qui valait la peine d’être défendu ou raconté, qu’il fallait chercher ailleurs des raisons d’être fier. Exit l’idéal républicain qui prônait l’adoption d’enfants venus d’ailleurs, Exit l’intégration chère à Romain Gary qui promettait de faire entrer dans le destin français qui le voulait sur le seul critère de la volonté : il faudrait désormais, et méticuleusement, effacer des siècles de civilisations au profit d’autres plus récentes et électoralement plus prometteuses.
Il ne faut pas sous-estimer Jean-Luc Mélenchon : il agit plus en fin tacticien qu’en idéaliste. Son projet implique une victoire sur le long terme ; il compte sur la décomposition de la France et de ses défenseurs pour faire émerger un pays sans racines qui le porterait jusqu’à l’Élysée. Et il n’est pas sûr que son pari soit perdu.