Mégatsunami au Groenland : cette vague de 200 mètres qui a fait vibrer la Terre pendant 9 jours
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Mégatsunami au Groenland : cette vague de 200 mètres qui a fait vibrer la Terre pendant 9 jours

Mégatsunami au Groenland : cette vague de 200 mètres qui a fait vibrer la Terre pendant 9 jours

Il y a un an, un glissement de terrain déclenché par le changement climatique a secoué la Terre pendant neuf jours au Groenland.
Jamais auparavant les scientifiques n’avaient observé un mécanisme aussi inhabituel.
Anne Mangeney, co-auteure d’une recherche publiée ce jeudi dans la revue Science, nous en dit plus sur ce phénomène.

Une séquence d’événements en cascade sans précédent. En septembre 2023, un mégatsunami frappait le fjord isolé de Dickson, situé sur la côte est du Groenland, détruisant au passage une base militaire. Cette vague, de plus de 200 mètres de haut, avait été générée par un gigantesque glissement de terrain lui-même à l’origine d’un signal sismique déconcertant, enregistré dans le monde entier pendant neuf jours. Une équipe de chercheurs s’est penchée sur ce mécanisme, jamais observé auparavant, et au cœur de recherches publiées ce jeudi dans la revue Science.

« Il n’y a jamais eu de vague aussi régulière et aussi longue auparavant », résume à TF1info Anne Mangeney, co-auteure de l’étude, de l’Université Paris Cité, Institut de Physique du Globe de Paris. La chercheuse évoque « un signal sismique extrêmement rare » et souligne que « C’est pourquoi il était si difficile de déterminer son origine. »

Selon le communiqué de presse accompagnant la publication de cette étude, « Le signal était complètement différent des enregistrements sismiques riches en fréquences des tremblements de terre ; il ne contenait qu’une seule fréquence de vibration, ressemblant à un bourdonnement monotone. »

« Personne n’avait la moindre idée de ce qui causait ce signal. »

Autant de particularités qui ont motivé la constitution, en l’espace d’un mois environ, d’un groupe multidisciplinaire impliquant une collaboration inédite de 68 scientifiques issus de 40 institutions de 15 pays, combinant données sismométriques et infrasons, mesures de terrain inédites, images terrestres et satellites, et simulations d’ondes de tsunami. Cette équipe de chercheurs a également utilisé des images de l’armée danoise, qui a débarqué dans le fjord quelques jours après l’enregistrement du signal sismique, pour capter la face effondrée de la montagne et le front du glacier, ainsi que les cicatrices laissées par le tsunami. C’est au fil des mois que l’énigme concernant l’origine de ce mystérieux signal sismique s’est dissipée.

L’étude a révélé que le glissement de terrain provenait de l’effondrement d’un sommet de montagne qui se trouvait auparavant à 1,2 km au-dessus du fjord. « La diminution de la hauteur de ce mur est liée au changement climatique qui fait fondre les glaciers », explique à TF1info Anne Mangeney, qui précise que le glacier concerné « a perdu 30 mètres au cours des dix dernières années. » Le volume de matière effondrée a dépassé les 25 millions de m3, soit assez pour remplir 10 000 piscines olympiques. C’est ce mouvement d’une grande masse d’eau qui a généré des vibrations à travers la Terre, secouant la planète et émettant des ondes sismiques observées à l’échelle mondiale.

« Ce tsunami a remis en cause les modèles numériques classiques »

Les prédictions, obtenues à l’aide de nouveaux modèles mathématiques, ont montré que l’eau oscillait d’avant en arrière toutes les 90 secondes, la même période d’oscillation observée dans les ondes sismiques. « Notre étude de cet événement met en lumière de manière surprenante les interconnexions complexes entre le changement climatique dans l’atmosphère, la déstabilisation des glaces glaciaires dans la cryosphère, les mouvements des masses d’eau dans l’hydrosphère et la croûte solide de la Terre dans la lithosphère », explique le co-auteur Stephen Hicks de l’University College de Londres.

« Ce tsunami unique a mis à mal les modèles numériques classiques que nous utilisions jusqu’à présent pour simuler la propagation d’un tsunami sur quelques heures seulement. Nous avons dû atteindre une résolution numérique sans précédent pour capturer cet événement de longue durée au Groenland », a déclaré Anne Mangeney ajoute, considérant que « Cela ouvre de nouvelles perspectives dans le développement de méthodes numériques pour la modélisation des tsunamis. »

Le risque d’un mégatsunami augmente

« Je suis heureux que nous ayons prouvé que la source des vibrations était l’oscillation de l’eau, même si je suis un peu triste que certains des candidats imaginatifs dont nous avons discuté lors de notre brainstorming, tels que « alien slow party » ou « nouveau volcan », aient été écartés », « , explique le co-auteur Thomas Lecocq de l’Observatoire royal de Belgique.

Les experts soulignent un autre aspect intéressant de cette étude : il s’agit des tout premiers glissements de terrain et tsunamis observés dans cette partie du monde, mais aussi d’un signal sismique d’une durée sans précédent. « Jamais auparavant, nulle part sur Terre, nous n’avons enregistré directement l’oscillation de l’eau pendant des jours après un événement unique d’une durée de quelques minutes seulement – dans ce cas, un glissement de terrain », il continue. « Aucun événement de ce genre n’a jamais été observé à l’est du Groenland », ajoute Anne Mangeney, qui évoque « des vagues liées à des glissements de terrain dans les lacs notamment, mais qui ont duré au maximum deux ou trois jours au plus. » Et pour avertir : « Nous craignons malheureusement que le changement climatique ne génère ce type d’événements là où il n’y en avait pas auparavant. »

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Le fjord Dickson, où les événements mentionnés ci-dessus ont eu lieu en septembre 2023, se trouve sur une route fréquemment empruntée par les navires de croisière visitant les fjords du Groenland. Heureusement, aucun navire de ce type ne se trouvait dans la zone le jour du glissement de terrain et du tsunami. « S’ils avaient été là, les conséquences d’un tsunami de cette ampleur auraient pu être dévastatrices », concluent les auteurs de l’étude.


Audrey LE GUELLEC

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