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Mégabassins, haies, fermes… Pourquoi le projet de loi d’orientation agricole est jugé trop peu ambitieux sur le plan écologique

Alors que les députés ont commencé à débattre, élus écologistes et défenseurs de l’environnement dénoncent un texte qui freine la transition agroécologique.

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Des militants contre un projet de mégabassin, le 11 mai 2024, près de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).  (MAXIME FRAISSE / HANS LUCAS / AFP)

Plus de production, moins d’écologie ? Les députés ont commencé mardi 14 mai l’examen du projet de loi d’orientation de l’agriculture à l’Assemblée nationale. Censé apaiser la colère du secteur agricole qui a éclaté durant l’hiver, le texte contient des mesures pour favoriser notamment la formation et la transmission des exploitations. Mais les défenseurs de l’environnement estiment qu’il manque d’ambition écologique. « LE Le gouvernement s’est fixé comme objectif la résilience de notre agriculture face aux changements climatiques. Mais là, nous avons un texte vide et dangereux concernant les violations du droit de l’environnement. »dénonce auprès de franceinfo la députée écologiste Marie Pochon, dont le groupe a défendu une motion préliminaire de rejet. Franceinfo détaille les mesures les plus contestées.

Un projet de loi accusé de faciliter la construction de mégabassins

Les opposants au texte craignent une multiplication des projets de méga-bassins, ces réservoirs d’eau puisés dans les nappes souterraines puis utilisés pour irriguer les terres agricoles. L’article phare du projet de loi prévoit en effet de consacrer « agriculture et pêche » comme étant « d’intérêt général majeur ». Pour ses détracteurs, cette notion est un appel au juge administratif pour faciliter certains projets lorsqu’ils sont mis en balance avec un enjeu écologique. La secrétaire nationale des Écologistes-EELV, Marine Tondelier, y voit un moyen de « favoriser l’installation de mégabassins » et de « fermes industrielles ».

Mais pour le ministre de l’Agriculture, cette disposition serait une façon de maintenir un « équilibre » entre environnement et agriculture, sinon, « à la fin, nous sacrifierons notre agriculture ». « On avait donné le sentiment, tantôt au niveau national, tantôt au niveau européen, que c’était l’agriculture qui souffrait »affirmait Marc Fesneau au micro de franceinfo début mai.

Un mégabassin, à Mauzé-sur-le-Mignon dans les Deux-Sèvres, le 22 septembre 2021. (DELPHINE LEFEBVRE / HANS LUCAS / AFP)

Autre mesure pointée : le« accélération du contentieux » en cas de recours contre des projets de stockage d’eau ou de construction de bâtiments d’élevage. Cette réduction des délais serait « au détriment des associations et des riverains qui auraient moins de temps pour se rassembler, s’organiser et argumenter sur les risques environnementaux », affirme Greenpeace dans un communiqué. Dans son avis, le Conseil d’Etat a également mis en garde le législateur sur le « risques de constitutionnalité »lorsque la Défenseure des droits estime, dans sa sienne (en PDF)qu’il y aurait un « atteinte injustifiée au droit de recours ».

Marc Fesneau s’est défendu de vouloir promouvoir « grandes fermes » à travers le projet de loi. « Ils ne sont pas gros (fermes) évidemment, mais il faut produire, élever des bâtiments »en prenant comme exemple la production avicole. « On ne va pas nourrir les gens avec un poulailler de 50 poules »il a illustré.

La peur de voir l’enlèvement des haies facilité

Lors des manifestations qui ont éclaté durant l’hiver, les agriculteurs ont dénoncé des démarches administratives trop lourdes, citant en exemple la réglementation sur les haies. Le projet de loi prévoit de simplifier la législation autour de ces rangées de plantes. L’enlèvement des haies doit faire l’objet d’une demande auprès des autorités, mais l’absence de réponse dans un délai fixé par décret vaudra autorisation.

« Il peut y avoir des milliers de demandes d’un coup que les préfectures n’auront pas le temps de traiter dans les délais, et les agriculteurs pourront donc tailler la haie », s’inquiète le spécialiste Jacques Caplat, de l’association Agir pour l’environnement. Cependant, ces murs verts rendent de précieux services, notamment l’Office de la Biodiversité énumère les vertus : « conservation de la biodiversité, protection des animaux de ferme, stockage de carbone, régulation des crues… »

Interrogé par La Nouvelle République le 10 mai, Marc Fesneau voit plutôt cette mesure comme un « message de confiance adressé au monde agricole, dont l’activité sera libérée des normes et contraintes devenues superflues (…) sans sacrifier nos exigences de protection de la santé humaine, de protection de l’environnement et de productions de qualité ». Le ministère de l’Agriculture a également annoncé début mars une enveloppe de 110 millions d’euros annuels supplémentaires à partir de 2024, afin d’atteindre l’objectif de « 50 000 kilomètres » haies plantées « d’ici 2030 ».

Des moyens pour la transition agroécologique jugés insuffisants

Le projet de loi mentionne certainement « la transition agroécologique et climatique de l’agriculture et de l’alimentation ». Mais pour les défenseurs de l’environnement, le texte devrait inclure davantage de moyens pour accélérer la transition vers l’agroécologie, une forme d’agriculture qui s’appuie sur les ressources naturelles disponibles. « C’est l’agriculture biologique, l’agriculture nourrie à l’herbe, le système de culture diversifié, illustre Jacques Caplat. Pour aller dans ce sens, il aurait fallu fournir des outils fonciers. Comment les immenses exploitations agricoles, dont les agriculteurs vont prendre leur retraite, vont-elles modifier leurs cultures ?

« Il faut pousser les nouveaux entrants vers les fermes agroécologiques. »

Marie Pochon, députée écologiste

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Si l’ONG Climate Action Network salue l’ambition affichée sur ce sujet dès l’introduction du texte, elle considère également qu’il « ne donne pas à la politique d’installation-transport un objectif clair d’orientation en faveur de la transition agroécologique » Et «devrait permettre de mieux orienter les financements d’installation et d’investissement, en priorité vers les systèmes les plus durables».

Après avoir examiné le texte en commission, les rapporteurs issus des rangs de la majorité présidentielle ont également insisté dans leur rapport sur « en tenant compte des objectifs de transition agroécologique » sur le chantier à entreprendre pour « faciliter le transfert des terres ». Ces questions seront à nouveau débattues en séance publique jusqu’au 28 mai, jour du vote solennel du texte.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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