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Maxime Tandonnet, la probité et le tourment de la France

DISPARITION – Le haut fonctionnaire et historien, fidèle auteur des pages Débats de Figaro et FigaroVox, est décédé subitement d’un accident vasculaire cérébral à l’âge de 65 ans.

Il existe encore des hauts fonctionnaires qui se soucient de l’avenir de la France, et non de leur carrière. Maxime Tandonnet, récemment décédé subitement d’un accident vasculaire cérébral à l’âge de 65 ans, était de ceux-là. Inspecteur général de l’administration et historien, l’homme était un modèle d’honnêteté et d’abnégation. Étranger à toute vanité, indifférent à la publicité, il faisait penser à un clerc. À l’âge où l’on choisit une profession, ce dernier s’était résolu à servir l’État comme d’autres entrent dans les ordres religieux, renonçant aux séductions du monde et aux mobiles ordinaires. Il a également honoré l’équipe du Figaro de sa totale confiance et de sa magnifique fidélité. Les lecteurs des pages Débats de notre quotidien et du FigaroVox, auxquelles l’auteur participait depuis le premier jour il y a dix ans, ont eu l’occasion de savourer régulièrement ses textes sous-tendus par une exigence permanente d’authenticité.

Né à Bordeaux en 1958, Maxime Tandonnet est étudiant à l’Institut d’études politiques de la ville. L’IEP de Bordeaux, qui ouvre ses portes après la guerre, est alors réputé pour la qualité de son enseignement en droit public. Fort de ce bagage, complété par un master de sciences politiques obtenu aux Etats-Unis, le jeune diplômé passe le concours de secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères. Après son service militaire dans la marine, il est affecté à l’ambassade de France au Soudan de 1983 à 1985, un rude apprentissage. Le fonctionnaire découvre un pays marqué par l’héritage de siècles de traite négrière arabo-musulmane et déchiré par une guerre civile. De retour en France, il sert à la direction de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient du ministère, puis à la direction des Français de l’étranger.

La question de l’immigration

Maxime Tandonnet passe ensuite le concours interne de l’École nationale d’administration (promotion Condorcet, 1990-1992). S’il est un énarque qui, toute sa vie, démentira les critiques qu’on adresse habituellement à cette corporation (prétention, carriérisme, parisianisme, culte de la forme administrative plutôt que souci des résultats concrets), c’est bien lui. A la fin de ses études, il devient administrateur civil au ministère de l’Intérieur et intègre le corps préfectoral avec le grade de sous-préfet. Les aléas de la vie administrative le font affecter à Tours aux côtés de Claude Érignac, futur préfet de Corse qui sera assassiné, à Versailles puis à Saint-Jean-de-Maurienne.

L’expérience de Maxime Tandonnet dans la diplomatie et surtout au sein du corps préfectoral lui fait peu à peu apprécier l’importance croissante de la question de l’immigration, pour laquelle il ne porte pas d’abord d’intérêt particulier. En 1996, de retour à l’administration centrale à Paris, il se spécialise sur ces questions et se retrouve, au sein des services du ministère, en première ligne pour concevoir la position de la France dans le cadre des négociations sur la politique d’asile et d’immigration à Bruxelles. Ces nouvelles responsabilités le conduisent à travailler auprès de Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur de 1997 à 2000, pour lequel le serviteur de l’Etat éprouve un grand respect. Puis vient l’élection présidentielle de 2002 et la réélection de Jacques Chirac. Nicolas Sarkozy devient ministre de l’Intérieur. Et tout naturellement, Maxime Tandonnet contribue, avec quelques autres administrateurs civils, aux lois sur l’asile et l’immigration que l’hôte de Beauvau fait adopter.

Parallèlement, le haut fonctionnaire, de plus en plus convaincu de la paralysie du pouvoir politique en matière d’immigration, a écrit plusieurs ouvrages sur le sujet afin de susciter le débat public. Son inquiétude grandissante se lit dans les titres successifs de ses ouvrages : Le défi de l’immigration (2003), Immigration : comment sortir du chaos (2006), distingué par l’Académie des Sciences Morales et Politiques. C’est à l’occasion de la parution de ce dernier ouvrage que l’auteur de ces lignes a rencontré celui qui allait devenir un ami si fidèle. La voix de Maxime Tandonnet était douce, ses costumes discrets et il émanait de tout son être une pudeur presque déconcertante.

Nicolas Sarkozy, revenu à l’Intérieur en 2005, l’appelle à son cabinet, puis en 2007, à l’Élysée pour traiter des mêmes dossiers. «Enfin, on va pouvoir vraiment agir», espère le haut fonctionnaire. Il sera cruellement déçu. Face à la lourdeur de la machine administrative, à la bonne volonté très variable des bureaux, à la pression médiatique, au militantisme associatif, au militantisme de certains magistrats, au contrôle méticuleux de quatre hautes juridictions et à un déluge de directives européennes, l’autorité politique a tendance à baisser les bras sur ces dossiers où il est si tentant de se poser en humaniste au grand cœur. Maxime Tandonnet lui-même devient une cible pour les militants et, indifférent aux intrigues, étranger aux flatteries, il ne tarde pas à vérifier son isolement ainsi que le jugement de La Bruyère : « Tu es un homme de bien, tu ne penses ni à plaire ni à déplaire à tes favoris, seulement attaché à ton maître et à ton devoir, tu es perdu »Il a dû quitter l’Élysée en 2011 et s’est réinstallé dans le cabinet du ministre de l’Intérieur, Claude Guéant. L’homme livrera son amère expérience du pouvoir dans un livre qu’il faut lire, Au coeur du volcan – Les carnets de l’Élysée (Flammarion, 2014).

Bourreau de travail

Dieu merci, il y a aussi l’histoire et l’écriture. Sous la présidence de Sarkozy, ce bourreau de travail a publié une étude passionnante sur la manifestation interdite des étudiants parisiens au début de l’Occupation, 1940 : un autre 11 novembre (Tallandier, 2009). Puis Maxime Tandonnet donne tour à tour au public Histoire des Présidents de la République (réédité dans Tempus, 2017) et un livre qui fait allusion à une blessure corporelle, Les parias de la République (Perrin, 2017), consacré à des personnages publics irrationnellement critiqués à ses yeux, comme Jules Moch. Ce même souci de réparer les injustices de la mémoire collective l’a conduit à publier André Tardieu, l’incompris (réédité chez Tempus, 2024), belle biographie d’une figure de la droite de l’entre-deux-guerres qui inspirera de Gaulle. Il pousse ensuite la liberté de penser jusqu’à écrire, toujours avec Perrin, un livre rigoureux sur un autre grand brûlé de l’histoire politique française : Georges Bidault, l’ancien bras droit de Jean Moulin qui lui succéda à la présidence du Conseil national de la Résistance avant de devenir, bien plus tard, un paria pour s’être obstiné à défendre l’Algérie française en 1961 (sans toutefois jamais appartenir à l’OAS selon son scrupuleux biographe).

Maxime Tandonnet n’en est pas moins resté le spectateur tourmenté de la médiocrité de notre vie publique et de l’impuissance de l’État, dans nos colonnes, sur son blog et sur les réseaux sociaux. L’auteur a trouvé refuge et consolation dans l’histoire. Mais, s’il nous est permis d’émettre une hypothèse, le cœur de ce serviteur de l’État a tellement saigné du marasme de la France que son souci du bien public, malgré son amour de la vie et de sa famille, a pu affecter sa santé elle-même.

Cammile Bussière

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