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Maud Ventura, ici en octobre 2021, à Paris.
LITTÉRATURE – Vous êtes fan de Taylor Swift, Billie Eilish, Dua Lipa, Selena Gomez ou Chappell Roan ? Vous adorerez détester Cléo Louvent. Superstar planétaire aussi tyrannique que déterminée, elle est l’héroïne de Célèbrele nouveau roman de la (vraie) nouvelle star des librairies Maud Ventura, qui paraît ce jeudi 22 août aux éditions L’Iconoclaste en pleine rentrée littéraire.
C’est au milieu de nulle part, sur l’île la plus déserte, que nous rencontrons Cléo Louvent. Sur place : zéro réseau ni moyen de communication. Pas un seul fan en vue. Comment Cléo, sa guitare pour seule compagne, s’est-elle retrouvée là ? Qu’espère-t-elle vraiment y trouver ?
Son projet d’être » belle, riche et célèbre » (autant que Céline Dion) est déjà atteinte. Ses disques se vendent par millions. Ses tournées mondiales battent des records. Cléo Louvent peut être fière d’avoir bâti un empire. Par ses propres moyens, qui plus est. Elle a toujours écrit elle-même ses textes et gère son image et son corps mieux que n’importe quel coach.
Une étoile polarisante
Mais à quel prix ? Alors que le public l’adore, Cléo Louvent, en privé, se montre arrogante, orgueilleuse, détestable, voire carrément problématique avec ses équipes. Persuadée d’être la plus intelligente, elle est exigeante avec les autres mais surtout avec elle-même. Et quand cela ne suffit pas, elle se mutile.
Mais la méga star est incapable de ressentir autre chose que de l’ennui. Son premier tube l’illustre bien : il s’intitule Je ne ressens rien. Et personne, pas même ses meilleurs amis ou son nouveau petit ami, ne peut la comprendre. A-t-elle vraiment dû attendre d’être sur une île déserte pour être seule au monde ?
Brillant monologue intérieur teinté de cynisme et d’humour noir, Célèbre de Maud Ventura dresse le portrait d’une pop star polarisante, loin de l’image consensuelle et bienveillante des figures actuelles de l’industrie musicale. Je ne crée pas de personnages agréables à vivre, avoue son auteur à HuffPost. Une bonne héroïne n’est pas une héroïne sympathique ou un modèle. J’aime explorer les défauts car nous avons tous des côtés sombres. »
« Dans l’esprit de Taylor Swift »
Ce nouveau roman, truffé de références pointues à la pop culture et au star system, balaie les idées reçues que l’on se fait en imaginant une fiction sur le sujet. Pas de banale descente aux enfers sur fond de toxicomanie, par exemple. Je suis entrée dans la tête de Taylor Swift. Que ferais-je si je ne pouvais plus sortir normalement dans la rue ? » demande le romancier de 31 ans.
Son livre – fruit d’une enquête rigoureuse qui l’a conduite à la rencontre d’une poignée d’agents, de producteurs, d’attachés de presse et de stars – est né d’une fascination qu’elle porte depuis son plus jeune âge pour le petit monde des célébrités.
Pourquoi Selena Gomez la touche-t-elle autant ? Comment elle et ses pairs ont-ils atteint une telle notoriété ? Maud Ventura s’est lancée dans ce travail pour mieux explorer les raisons de cette obsession, longtemps refoulée car parfois jugée superficielle par l’opinion publique.
En réalité, « s’intéresser à la célébrité, elle a dit, C’est aussi s’intéresser à l’art, à la création, à notre rapport à l’argent, aux autres, ou encore à la morale. Au nom de quoi créer une grande œuvre peut-il m’autoriser à être odieux ? Quelle différence y a-t-il entre l’intransigeance et la persévérance ?
Oprah Winfrey aime
Maud Ventura n’est pas étrangère au succès. Son premier roman, salué par la critique, Mon mari, a été un véritable succès. Il s’est écoulé à près de 400 000 exemplaires depuis sa sortie en 2021. Traduit en 15 langues et vendu par milliers aux États-Unis, il est notamment tombé entre les mains de la star du talk-show Oprah Winfrey.
Un succès évident ? J’aimerais avoir l’assurance de Cléo à ce sujet, mais ce n’est pas le cas. »ironise l’écrivain, soulignant un effet boule de neige dans l’excitation qui a entouré ce précédent roman, l’histoire d’une femme obsédée par l’idée de garder la flamme vivante dans sa vie de couple. Elle reste réaliste : » Le destin d’un livre est unique. C’est souvent un moment, une date.
Elle ne s’attend pas à ce que ses œuvres la guident au même niveau que sa nouvelle héroïne. Les écrivains ne seront jamais vraiment célèbres. Et c’est un cadeau, Maud Ventura remet les choses en perspective. La plupart des auteurs à succès restent anonymes, à quelques exceptions près, comme Amélie Nothomb. Ce n’est pas le cas des actrices ou des pop stars, qui sont l’incarnation même de ce qu’elles créent. »
Le supporter de Milan Kundera
Diplômée de l’ENS de Lyon, puis d’HEC Paris, Maud Ventura a appris son métier loin des métiers de l’image. Passée sur France Inter après ses études, avant de revenir cet été animer une émission quotidienne, l’ancienne rédactrice en chef des podcasts de NRJ est une amoureuse de la radio mais se dit prise par un « coup de tonnerre » pour une écriture plus jeune, lors d’un séjour à New York.
Loin de l’écriture académique « vrai, précis et fiable » ce que lui demandait sa thèse sur Blaise Pascal, elle découvre les joies de la fiction. J’ai réalisé que je pouvais écrire n’importe quoi, mentir, partir d’un élément de la vie réelle et le modifier à ma guise.elle se souvient. Quelle liberté totalement folle d’écrire n’importe quoi et personne ne me blâmera ! »
Mais » dans ce grand mensonge « , reconnaît-elle, il y a du vrai. Milan Kundera, une fan de Kundera, cite Kundera comme l’une de ses sources d’inspiration L’art du romanun essai fondateur de l’écrivaine tchèque sur son approche de l’écriture. Celle qui pensait détenir les clés de la vérité grâce à ses études de philosophie découvre dans la fiction » un accès fragmentaire lié à un personnage ou à une scène, quelque chose de serré dans cette vérité précaire » Son amour du romantisme était né.
Comme Milan Kundera, Maud Ventura considère que chaque écrivain propose de voir dans ses récits sa propre vision du monde. La sienne ? Je le découvre moi-même. Un roman fixe un point. Un deuxième dessine une ligne. Un troisième forme un triangle. Pouvons-nous en reparler dans dix livres ? »
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