Sur le papier, la théorie du mastodonte Stellantis, fusion des ex-FCA et PSA, mutualisant ses outils pour gérer au mieux un portefeuille XXL de 15 marques présentes quasiment partout dans le monde, avait de quoi séduire de nombreux financiers. Et les deux premières années (2022 et 2023) du géant franco-italo-américain ont tenu leurs promesses.. Du moins en termes de bénéfices nets et de rentabilité, car en matière de gestion du personnel et de management, tout n’est pas rose. Et, à force de voir trop grand sans y mettre toutes les ressources – financières et humaines –, Stellantis fait face à ses premières difficultés majeures.
Mauvais numéros
La publication, il y a quelques jours, des résultats financiers du premier semestre 2024 ne sont clairement pas bons. Le chiffre d’affaires du groupe a chuté de 14% et ce n’est rien comparé au bénéfice, qui a chuté de 48% par rapport au premier semestre 2023.Il n’en a pas fallu plus à son directeur, Carlos Tavares, pour faire une nouvelle déclaration sur l’avenir de certaines marques. « Nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir des marques qui ne gagnent pas d’argent. Si elles ne gagnent pas d’argent, nous les arrêterons », a déclaré le dirigeant portugais. Et tous les commentateurs pointent immédiatement du doigt Maserati, seule marque de luxe perdue dans cet univers de généralistes dont certains se revendiquent premium..
Il faut dire que de son côté, Natalie Knight, vice-présidente exécutive et directrice financière du groupe, n’a pas mâché ses mots en qualifiant de « décevante » la première moitié de l’année de Maserati. Avec 6 500 ventes dans le monde entre janvier et juin, soit une chute de 50 % par rapport à 2023, difficile de dire autre chose. Il n’y a définitivement pas eu d’« effet Grecale », ce SUV de 4,86 m lancé en 2022 et concurrent du Porsche Cayenne. Et ce n’est pas le retard annoncé des futurs Levante et Quattroporte, respectivement repoussés à 2027 et 2028 au mieux, qui pourrait rassurer. Mais si une marque (vraie) de luxe comme Maserati s’accommode mal d’une mutualisation à outrance et d’une gestion basée uniquement sur la rentabilité, il n’est pas certain que Stellantis abandonne d’emblée sa diva italienne.
Maserati, un prétexte pour les autres ?
D’abord, l’actionnaire majoritaire de Stellantis, à 15 %, n’est autre que la famille Agnelli, celle-là même qui possédait Fiat-Chrysler, à laquelle appartient Maserati depuis la fin des années 1980. Le label de Bologne n’ayant pas été plus rentable sous l’ère FCA, une énième année noire n’est pas forcément un coup de massue. D’autant que désormais, le développement des voitures chez Stellantis fonctionne par programmes. Or, pour être rentable, un programme de développement doit trouver plusieurs débouchés directs auprès des marques. Chaque marque arrêtée ou projet suspendu signifie plus de coûts pour d’autres entités et programmes, et donc encore moins de rentabilité.Sans être complètement dans le vert, Maserati peut aussi servir de support aux futurs Lancia ou Alfa Romeo, les autres labels chics de Stellantis.
Si l’on ne peut être rassuré sur l’avenir de Maserati, que certains voient déjà comme un départ avec Ferrari, indépendant, les récentes déclarations de Carlos Tavares peuvent aussi être vues comme un coup de pression, un prétexte à de nouvelles économies internes. Surtout avec les sous-traitants, un des derniers leviers à actionner. Même si eux aussi finiront par râler, alors que le réseau en Europe est en difficulté et que les clients mécontents de PureTech et de l’airbag Takata se comptent par dizaines de milliers.