Depuis 1960, la population du Maroc a triplé et l’âge moyen du mariage des femmes est passé de 18 à 25 ans. Le royaume a donc entamé une transition démographique qui a tous les allures d’une révolution, menée à marche forcée puisque l’État l’a soutenu. politiquement et même juridiquement encadré avec la Moudawana, un code de la famille promulgué en 2004 sous l’impulsion de Mohammed VI. S’il a gravé dans le marbre certains droits des femmes – interdiction du mariage des mineurs ou de la polygamie – dans la pratique, les décisions des magistrats autorisent encore de larges écarts à ces principes, suscitant la colère des associations de défense des droits des femmes et des enfants. Soucieux d’accompagner et d’encourager les métamorphoses de la société, le Roi a annoncé sa volonté de réformer la Moudawana en 2022. Bien qu’il soit encore en débat, ce projet cristallise les tensions qui traversent la société marocaine, poussant les modernistes à l’écart pour réclamer plus de liberté et l’égalité, qu’il s’agisse de l’héritage, de la garde de l’enfant ou des relations hors mariage, et de l’autre, les conservateurs pour crier à la déliquescence des mœurs. Un débat qui met en lumière l’écart toujours plus grand entre les canons du Maroc traditionnel idéalisé par certains et la réalité d’une société en pleine mutation, où les femmes travaillent, vivent seules et vivent des histoires d’amour hors mariage.
Comment la société marocaine a-t-elle accompli cette transition démographique spectaculaire en quelques décennies seulement ? Que dit le débat autour de la réforme de la Moudawana sur la place des femmes dans la société marocaine ? Et enfin, comment les acteurs de la vie politique et de la société civile abordent-ils aujourd’hui le sujet ?
Focus – Les « fils du péché », premières victimes des abandons d’enfants
Avec le Dr Chakib Guessous, socio-anthropologue et médecin.
En raison d’un cadre juridique rigide et d’une vision sociale discriminatoire à l’égard des enfants nés hors mariage, les jeunes mères en difficulté sont poussées à abandonner leur progéniture. Selon l’association Insaf, environ 70 d’entre eux sont abandonnés quotidiennement.
Références bibliographiques
Leila Bouasria, co-auteure de l’ouvrage collectif Un regard sociologique sur les usages de certaines dispositions de la Moudawana réalisée avec des étudiants du Laboratoire de recherche sur les différenciations socio-anthropologiques et les identités sociales (LADSIS)
Chakib Guessous, Soumaya Naamane Guessous, Grossesses de la honte – études sur les mères célibataires et leurs enfants au Maroc. Éditions Afrique Orient Eds, 2013.
Références sonores
Fatima Tamni, députée de la fédération de la gauche démocratique – Comme si (2023)
« Nouveau code de la famille au Maroc » – TV5 Monde Infos (2024)
Le leader du parti islamiste PJD Benkirane défend le modèle traditionnel du couple et de la famille au Maroc – PJD TV (2023)
Déclaration du ministre de la Justice Abdellatif Ouhabi sur la polémique actuelle autour des actes de mariage à présenter à l’hôtel – Comme si (2024)
Références musicales
Oums – ‘ Ntya » (2022)