Marché : Pourquoi, malgré une économie allemande difficile, le DAX 40 fait un carton
(BFM Bourse) – Le plus grand indice de la Bourse de Francfort a enregistré des progrès remarquables depuis le début de l’année, alors que la situation économique de la première économie de la zone euro apparaît morose. Cela s’explique par sa forte internationalisation et la performance de certains de ses principaux résidents, comme SAP.
Difficile de ne pas trouver ce début d’automne maussade pour l’économie allemande. Les cinq principaux instituts économiques du pays anticipent, depuis la fin du mois dernier, une contraction du produit intérieur brut de 0,1% cette année, après déjà une baisse de 0,3% l’an dernier. L’OCDE est un peu plus optimiste (+0,1%). Mais le constat est le même : autrefois locomotive de la zone euro, l’Allemagne est désormais à la traîne de ses voisins, l’OCDE tablant sur 0,7% pour l’ensemble de la zone euro.
« Le « modèle » allemand qui avait connu tant de succès dans les années 2000 et 2010 grâce à l’intégration dans le commerce mondial montre ses limites. Les coûts de production ont augmenté, notamment en raison de la crise énergétique qui a montré la vulnérabilité du mix choisi (exposition excessive au gaz russe. Dans le même temps, la Chine, qui tirait la demande de produits manufacturés, est devenue un concurrent de premier plan », explique Oddo BHF.
Les dernières annonces en Allemagne des entreprises illustrent ce marasme, notamment dans le secteur automobile. Symbole de l’industrie allemande par excellence, Volkswagen a indiqué qu’elle envisageait des suppressions d’emplois voire, fait inédit, la fermeture d’usines outre-Rhin. BMW et Mercedes-Benz ont été contraints d’abaisser leurs objectifs financiers pour 2024 (Volkswagen l’a également fait).
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Une belle surprise
Et pourtant le DAX 40, principal indice de la Bourse de Francfort, défie la gravité. Établissant de nouveaux records, l’indice augmente de 16,2% sur l’ensemble de l’année 2024, tandis que le CAC 40 perd 0,6%. Il est cependant important de rappeler que les cours du CAC 40 détachent les dividendes alors que le DAX 40 suppose que ces dividendes sont réinvestis. Mais même en prenant le CAC 40 GR (+2,35%), qui s’aligne sur la pratique de l’indice allemand, l’écart reste important.
Certes, les troubles politiques en France liés à la dissolution de l’Assemblée nationale en juin et les incertitudes politiques qui ont suivi, pèsent dans la balance. Mais cela n’explique pas tout. D’autant que le FTSE 100 (+6,7%), principal indice de la Bourse de Londres, et le SMI (+9,4%), celui de Zurich, les deux autres places fortes de la Finance en Europe, sont également distancés par le DAX 40.
« La force du DAX est une surprise positive, car elle ne peut pas refléter une économie allemande à croissance nulle et des évolutions douloureuses sur la plupart de ses marchés d’exportation », résume le cabinet de recherche indépendant Alphavalue.
Deutsche Bank voit également le DAX 40 poursuivre sa progression. Alors qu’il se situe actuellement aux alentours de 19.460 points, l’établissement le voit atteindre les 21.000 points l’année prochaine.
Comment expliquer une telle décorrélation entre l’économie allemande et la tonalité de son plus grand indice boursier ?
Les Sept Magnifiques d’Allemagne
Goldman Sachs a posé la question dans une étude publiée le mois dernier. Le premier élément de réponse n’est pas très complexe. « Le DAX a bien résisté car il n’est pas vraiment lié à l’économie allemande », résume l’establishment américain. Selon les données de la banque, seuls 18 % des revenus des sociétés indicielles sont générés en Allemagne. A titre de comparaison, le CAC 40, bien que composé d’entreprises très internationalisées, affiche un taux plus élevé de 22,7% (des revenus générés en France), selon une étude du cabinet EY.
Au-delà de cette faible exposition à l’Allemagne, plusieurs poids lourds du DAX 40 réalisent une bonne année. « Des facteurs sectoriels spécifiques peuvent avoir contribué à sa surperformance, compte tenu du poids plus important des valeurs de croissance », a déclaré en août chez Bloomberg Aneeka Gupta de Wisdom Tree.
Dans sa note du 10 septembre, Goldman Sachs citait les « Magnificent Seven » du DAX 40, référence évidente aux Magnificent Seven de Wall Street (Tesla, Apple, Microsoft, Amazon, Meta, Nvidia, Alphabet).
Ces sept valeurs comprennent l’éditeur de logiciels professionnels SAP, l’assureur Allianz, le réassureur Muchich Re, le groupe pharmaceutique Merck, Siemens Energy, spécialisé dans les centrales électriques et les énergies renouvelables, le conglomérat industriel présent en armes Rheinmetall, et l’opérateur télécoms Deutsche Telekom. Au 10 septembre, leur croissance moyenne s’établissait à 31%, a relevé Goldman Sachs. A titre de comparaison, seules trois valeurs du CAC 40 s’approchent actuellement de cette performance : Schneider Electric (+36,1%), Safran (+34,45%) et Saint-Gobain (+26,9%).
Ces sept sociétés « combinent un mélange d’historiques de restructuration, de pouvoir de fixation des prix et de souci du rendement pour les actionnaires (avec de nouveaux programmes de rachat d’actions) », explique Goldman Sachs.
Un « champion caché »
La banque évoque également des « vents favorables » propres à chaque titre, citant, dans le cas de Siemens Energy, l’électrification de l’économie, une mégatendance. Siemens Energy enchaîne également les bonnes publications (croissance de 18,5% sur le dernier trimestre publié) et renforce son bilan, en cédant des actifs pour 3 milliards d’euros. « Le marché de l’électricité reste solide, entraînant des volumes et des prix élevés dans les divisions « Grid » (réseaux électriques) et « Gaz ». Dans le même temps, le redressement de Gamesa (la division énergies renouvelables, ndlr) semble être sur la bonne voie», juge Deutsche Bank. Le titre est en hausse de plus de 220 % pour 2024.
De son côté, Rheinmetall (+70%), qui fournit des véhicules blindés à l’armée allemande, reste la valeur de défense préférée des investisseurs en Europe, tirée par les tensions géopolitiques.
Difficile également de ne pas citer SAP (+58,5%), la plus grande capitalisation de la Bourse allemande, avec 246 milliards d’euros. L’entreprise, qui a encore publié d’excellents résultats mardi, s’expose à deux thématiques prometteuses, à savoir l’intelligence artificielle (IA) et le cloud computing. L’entreprise s’est également réorganisée en début d’année pour se concentrer sur le développement de l’IA.
« SAP s’est imposé comme le seul proxy d’exposition à l’IA » en Europe, juge Alphavalue. « La conversion de ses logiciels vers le cloud au cours des dernières années a permis à l’entreprise de se développer sur de nouveaux marchés et ce grâce à un modèle d’abonnement plus rentable. Nous pensons qu’au-delà de l’engouement actuel pour l’IA, SAP est parfaitement positionné proposer à ses clients des produits qui font peut-être moins la une des journaux mais qui sont tout aussi importants pour eux », explique la société d’investissement Walter Scott.
Même en dehors des « Magnificent Seven » cités par Goldman Sachs, d’autres groupes affichent de belles progressions dans le DAX 40. Citons Adidas (+17,8 %), qui rivalise avec son rival Nike et a augmenté ses prix à plusieurs reprises. Objectifs 2024, le motoriste aéronautique MTU (+58,3%) qui profite du dynamisme de ses services après-vente, ou encore les banques Deutsche Bank (+26,8%) et Commerzbank (+50%). Cette dernière a évidemment profité de la montée en capital de l’italien Unicredit.
Goldman Sachs souligne au passage que les valorisations des groupes allemands semblent particulièrement attractives compte tenu de leurs perspectives de croissance des bénéfices. « Pour nous, le marché actions allemand est un peu un champion caché », juge Deutsche Bank.
Julien Marion – ©2024 BFM Bourse