Marché : Nestlé se retrouve sous pression à la Bourse de Zurich après son changement de PDG
(BFM Bourse) – Le géant agroalimentaire suisse a annoncé le départ de Mark Schneider, arrivé en 2017, et qui sera remplacé par le Français Laurent Freixe. Un changement de direction qui suscite quelques interrogations.
Nestlé est à la peine en Bourse depuis quelque temps. Cinquième plus gros groupe européen par la capitalisation boursière, le groupe est en baisse de 10,4% depuis le début de l’année et de 17,7% sur un an. Son rival français Danone s’en sort bien mieux, gagnant 4% sur l’ensemble de 2024 et 16% sur un an, grâce au déploiement de la stratégie de son patron Antoine de Saint-Affrique, arrivé en 2021.
Nestlé avait perdu 5% le 25 juillet, après avoir été contraint d’abaisser ses prévisions de ventes pour l’exercice en cours, invoquant un environnement de consommation difficile.
Fallait-il un électrochoc pour remettre la machine en marche ? Le groupe suisse a en tout cas annoncé jeudi soir le départ de son PDG, Mark Schneider, qui avait pris les rênes de l’entreprise en 2017.
Le dirigeant sera remplacé le 1er septembre par le Français Laurent Freixe, actuellement directeur général de la zone Amérique latine. Arrivé chez Nestlé en 1986, le Français avait également dirigé les zones « Europe » de 2008 à 2014, puis les « Amériques ».
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Le temps était venu de changer
« Grâce à sa profonde compréhension de la culture et des valeurs de Nestlé, il a dirigé plusieurs initiatives mondiales visant à améliorer la productivité, à accroître l’efficacité opérationnelle, à simplifier les processus et à stimuler l’innovation », a déclaré Nestlé dans un communiqué.
Lors d’une conférence avec des analystes vendredi matin, le président du conseil d’administration Paul Bulcke a reconnu que ce changement pouvait être « surprenant ». « Mais nous sommes convenus que le moment était venu de changer », a-t-il ajouté, cité par l’AFP.
« Qu’est-ce qui a changé si soudainement ? Les situations sont différentes, les qualités requises aussi », a-t-il poursuivi. « Mark (Schneider) a fait du bon travail, mais je crois que Laurent (Freixe) » et ses 38 ans d’expérience dans le groupe « sont parfaitement alignés avec la stratégie ».
Le marché reste encore quelque peu maussade après cette annonce. A la Bourse de Zurich, l’action Nestlé reculait de 2,4% vendredi vers 11h, après avoir ouvert en baisse de plus de 3,7%.
Si les récentes performances boursières de Nestlé ont pu décevoir, celles de Mark Schneider à moyen terme sont plus flatteuses.
La Banque Royale du Canada note que l’action Nestlé a sous-performé son indice sectoriel, le MSCI European Consumer Staples, de 11 % au cours de la dernière année. « Mais compte tenu du contexte de surperformance de 22 % depuis la nomination de Mark Schneider à la tête de l’entreprise en janvier 2017, cela ne s’annonce pas trop mal », note la banque canadienne. « Il est vrai que nous avons entendu un certain mécontentement des investisseurs au cours des derniers mois, mais nous n’avons pas eu l’impression que cela mènerait au départ de Mark », ajoute-t-elle.
Plusieurs questions
La Banque Royale du Canada estime que le changement de PDG soulève des « questions » auxquelles la conférence téléphonique de vendredi matin n’a pas nécessairement répondu.
« La raison pour laquelle Nestlé a soudainement changé de PDG n’était pas entièrement claire », souligne l’institution.
« Nous sommes encore un peu perplexes. Le nouveau PDG, Laurent Freixe, a reconnu que Nestlé gagnait des parts de marché dans de nombreux endroits, mais qu’il voulait faire mieux. Et même si nous comprenons parfaitement qu’il n’a pas eu beaucoup de temps pour réfléchir, ses priorités en matière de croissance des parts de marché et des ventes, d’investissement dans l’entreprise et d’économies de productivité ne semblent pas radicales », a déclaré la Banque Royale du Canada.
Dans une note publiée avant l’ouverture du marché, Deutsche Bank estime que ce changement de direction risque d’être accueilli négativement par le marché. « Des points d’interrogation subsisteront quant au degré de redressement du ‘RIG’ (indicateur alternatif de la croissance des ventes de Nestlé, ndlr) au second semestre, au maintien de la fourchette de marges prévue pour 2025 et à la possibilité d’une hausse des niveaux de productivité », explique la banque allemande.
UBS, de son côté, pointe l’âge de Laurent Freixe, 62 ans, l’âge qu’avait Paul Bulcke lorsqu’il a transmis les rênes de l’entreprise à Mark Schneider. Cela pose la question de la durée de son mandat. L’institution suisse se demande, comme Deutsche Bank, si l’objectif de marge de l’entreprise en 2025 sera maintenu et si des mesures de coûts, comme une restructuration, pourraient être annoncées.
On se retrouve en novembre
«Le fait d’opter rapidement pour un candidat interne plutôt que de mener une recherche prolongée pour un CEO risque de ne pas être bien accueilli par les investisseurs», explique Alphavalue/Baader Helvea. «Pour nous, cela peut être vu comme un message ayant pour intention de stabiliser (l’entreprise, ndlr) à court terme plutôt que de (la) transformer à long terme avec de nouvelles idées», poursuit le bureau d’études indépendant.
Jefferies se montre moins sceptique, jugeant qu' »après une année de plus en plus difficile, ce n’est pas une surprise totale de voir un changement de PDG chez Nestlé ». La banque rappelle que Laurent Freixe était déjà sur les rangs pour prendre la tête du groupe en 2016, le conseil d’administration lui préférant alors Mark Schneider, transfuge du groupe de santé allemand Fresenius.
Laurent Freixe aura plusieurs occasions de détailler sa vision et sa stratégie dans les prochains mois. Le groupe publiera son chiffre d’affaires sur neuf mois le 17 octobre et, surtout, organisera une journée investisseurs mi-novembre. « Nous pensons que le temps est trop court pour que le nouveau CEO puisse présenter des plans de transformation lors de la prochaine journée investisseurs en novembre », estime Alphavalue/Baader Helvea.
Depuis la mi-2022, Nestlé souffre d’un fort ralentissement de sa croissance. « En outre, l’entreprise a souffert d’un nombre inhabituellement élevé de gros titres négatifs (pizzas surgelées Buitoni en France, contamination bactérienne de l’eau minérale européenne, problèmes de chaîne d’approvisionnement chez Nestlé Health Science, etc.) », a rappelé vendredi UBS.
Julien Marion – ©2024 BFM Bourse