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Marché de la poésie : la sélection Humanité (1/2)

70 poèmes palestiniens comme autant de cris

Ils sont vingt-six, de la génération entre 1970 et 1990. Ils sont « ceux qui vivent aujourd’hui presque invisibles, inaudibles, empêchés par situation géopolitique », écrivait en 2022 Abdellatif Laâbi (prix Goncourt de poésie en 2009, prix Mahmoud Darwich en 2020), qui vient de protester contre l’annulation – enfin… annulée – de la Palestine, pays invité l’année prochaine aux 42e Marché de la poésie.

Les vingt-six qui composent ce recueil de 70 poèmes sont plus que jamais incontournables. Beaucoup y vivent,  » dans prisons ouvertes ou fermées (Gaza, Cisjordanie, Jérusalem-Est) « . Dans ce livre, on découvre des textes écrits par des poètes, dont certains sont originaires de Gaza, comme Hind Joudeh, née là-bas en 1983.

Nous ne savons pas si elle est toujours en vie. L’un de ses poèmes choisi pour figurer dans le recueil porte le titre Eau dans en attendant que les choses s’éclaircissent… Il y a autant d’hommes que de femmes qui brisent volontiers les tabous « le plus ancré dans le mentalité arabo-musulmane conservatrice. Tous illustrent avec force, au sein de cet ensemble polyphonique, « la permanence de la cause palestinienne, cette épine que les forces meurtrières cherchent à ôter de la conscience universelle ». MS

Anthologie de la poésie palestinienne aujourd’hui, textes choisis et traduits de l’arabe par Abdellatif Laâbi, rassemblés par Yassin Adnan, Points Poésie, 224 pages, 7,90 euros

Les voix se mélangent au-dessus de Gaza

Sous-titré « Gaza et le besoin de dire », ce recueil est à deux voix. Michaël Glück a publié douze recueils chez l’Amourier. Il est traduit dans une douzaine de langues. Depuis le 7 octobre, il écrit chaque jour une courte séquence sur Facebook. La Palestinienne Olivia Elias garde une trace des jours, en commençant par « 21, 28 octobre ». Jean Princivalle, l’éditeur, les a réunis. « Elle habite à Arles, lui à Montpellier. J’ai dit à Michaël « prends ta voiture, va passer chez elle… » ».

Elle dit « l’État occupant surarmé », les parents qui s’inscrivent « les noms de leurs enfants sur leur petit poignet ou leur petite cheville pour les identifier. » Lui raconte les temps de guerre qui sont une table rase,  » préparer l’occupation des colonies « . Sur la page, en italique, il est écrit «  pas d’eau, pas de nourriture, pas de carburant, pas d’électricité et pas de médicaments.

Il dit : «Ils supposent (…), ils avoir ce cynisme. Pour lui, les points de suspension signifient que ça ne finit jamais et que « dans ton champ de vision (…) c’est toujours vers vous-même lorsque vous pointez votre arme. Elle en dit de moins en moins à mesure que le jour 100 (15 janvier 2024) approche. Le blanc envahit la page, faisant écho « notre effacement ». Il met le « boules Quies écrire pour supporter le bruit de loin » et convocation « Mahmoud Celan et Paul Darwich ».

Ellipsede Olivia Elias et Michaël Glück, l’Amourier, 70 pages, 8,50 euros

Un nom pour les sans-nom

« Les mots prennent la poussière avec le temps »dit l’un des vagabonds, erratiques, comme ces blocs emportés par les glaciers, puis abandonnés, ces pierres « immémorial et déporté » qui sont l’âge du monde. Ils sont là. C’est la première preuve issue du livre de Maud Thiria.

« Assis là », « bloqué là » « bloqué là » « errant sans plus de place » : commencent ainsi plusieurs des premiers textes du recueil, poèmes d’immobilité traversés de souvenirs de danse, entrecoupés d’errances avec un promeneur, tentatives de franchissement de portes à code, lignes colorées suivies sur linoléum pastel, derniers itinéraires sur les derniers territoires.

Ce sont les mots de ces femmes – et de quelques hommes – rencontrés lors d’une résidence dans les hôpitaux de la région parisienne. « au temps du Covid » que Maud Thiria fait remonter à la surface, et c’est en leur parlant qu’elle parvient à le faire couler. La soixantaine de poèmes adressés à ces derniers « des errements de l’hôpital public » utilisez le « vous » familier et familial pour ces « anonyme » qui n’est adressé que par « pronom du sans forme » : « Nous avons bien mangé/bien pris nos médicaments. » Le vous et le nous sommes soudés en un seul « VOUS SUR l’indivisible invisible ».

Tout le travail du poème est ici de donner un nom à l’innommé. Ainsi, dans une seconde partie, un « je » parle à nouveau, assumant la dissolution de son individualité dans un « mon nom est n’importe quoi » qui s’oppose « la violence dans le passé du langage ». Livre troublant et émouvant que ces Errer qui donne une voix à ceux-ci « orfèvres d’une chanson perdue ».

Vagabondsde Maud Thiria, Lanskine, 64 pages, 14 euros

Un écart pour écrire le monde

Aucun titre, aucun nom sur la couverture du livre. Une ligne noire sur une surface blanche. On cherche le nom de Dorothée Volut et le titre au dos du livre, Aperçu des lacunes.

Cette courbe « fermée », comme disent les géomètres, est donc un contour, elle délimite un vide, un écart, un territoire d’où quelque chose est absent, où quelque chose est – on ne sait pas – en gestation. Rien de moins fermé que cet ensemble de textes, réunis dans un ordre insolite, les plus récents en premier, et qui abordent pas à pas cette lacune, pour dessiner une forme et peut-être la combler.

Dans le village au bord du Verdon où habite le poète, on annonce que le lac va être vidé par EDF pour inspection. Elle arpente cet espace lacunaire – lacune et lac sont parents. «J’allais chaque matin sur les berges vides pour mesurer la profondeur de ce qui se trouvait au fond. « . Un pont, une forêt, le lieu d’une source. «  On a le lac qui se vide, il y aura du monde », a déclaré un villageois. Vide et plein, deux faces d’une même page.

Dorothée Volut s’attache au vide, l’attend, le cherche. « J’ai hâte de voir la place vide devant moi et le monde pour recommencer. ». Elle éteint ses phares pour écouter une histoire dans la nuit. Elle longe les falaises des gorges du Verdon, échappant de peu à une chute. Mais « J’ai écrit en me laissant tomber dans l’écriture ». Les textes et le livre photo réunis dans cet ouvrage imposent une réalité matérielle très proche, incarnée et vivante. Le vide n’est pas rien, mais le lieu où l’écriture peut donner naissance à un monde.

Aperçu des lacunesde Dorothée Volut, Éric Pesty Editeur, 104 pages, 22 euros

Destruction ou conservation, la guerre de Grand-Lieu

Au bord de ce lac appelé Grand-Lieu car il est difficile de savoir où commence l’eau et où finit la terre, deux adversaires s’affrontent. Dita Kepler, bottines à lacets, manteau léger rappelant le préféré de Marilyn Monroe, une valise en carton bouilli à la main. Ceux qui ont connu Seconde vie disons qu’elle est un avatar connu des ancêtres du métaverse. Ci-contre, Destroy Keeper, un être numérique physique du jeu vidéo vêtu d’un costume bleu, de chaussures marron, une lettre de travail à la main.

Leurs objectifs sont antagonistes. Destroy Keeper est là pour détruire les œuvres créées autour du lac. Transformez-les en octets, détruisez leurs traces matérielles. Dita Kepler est là pour les protéger.

« Donnez-moi les masses, les masses, les marteaux, les chauves-souris. /Que j’écrase et frappe, qu’avec le trébuchet j’envoie un amas de pierre sur l’essence du texte », dit Destroy Keeper, le gardien de la destruction, parce que « Conserver est contraire à la loi naturelle. Je lutte contre la prolifération des œuvres, espèces envahissantes de mon néant ».

« On t’entend chuchoter, Dita, même de loin. » Difficile de rapporter ce qu’elle dit, un montage de textes d’auteurs qui se sont succédé en résidence à Grand-Lieu, et que les lecteurs de Humanité ont croisé dans ces chroniques, Delphine Bretesché, Hélène Gaudy, Sylvain Coher, Kossi Efoui, Anthony Poiraudeau et d’autres, des œuvres et des textes dont la conservation et l’effacement posent question. Pour en parler, il fallait une forme puissante et forte qu’Anne Savelli et Joachim Séné ont su trouver.

La boucle impossiblede Anne Savelli et Joachim Séné, Joca Seria, 70 pages, 14,50 euros

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William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.

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