(BFM Bourse) – Dans une note récente, la banque UBS a compilé une série importante de défis que l’Union européenne doit relever pour empêcher les Etats-Unis de décoller en Bourse. Le potentiel de hausse est important, assure l’établissement.
Les signaux d’alarme se multiplient pour l’Europe. En septembre, le rapport de l’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, avait déjà alerté sur l’urgence de relancer la croissance sur le Vieux Continent, dont la compétitivité est en déclin par rapport aux Etats-Unis. L’Italien a également réitéré son observation après l’élection de Donald Trump au début du mois.
L’inquiétude des marchés est tout à fait palpable. Le Stoxx Europe 600, indice boursier paneuropéen, n’a gagné que 6,3% depuis le début de l’année lorsque le S&P 500
prend 25%. Surtout, depuis l’élection de Donald Trump, le Stoxx Europe 600 a perdu 0,2% tandis que le S&P 500 a avancé de 3,1%.
Deutsche Bank craint même que l’élection de Donald Trump ne conduise à un monde où le marché américain monte alors que tous les autres baissent, même si cela ne s’est jamais produit dans l’histoire.
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Dans une note récente, la banque UBS s’est penchée sur un ensemble de projets que l’Union européenne doit réussir pour ne pas finir par être éclipsée.
« L’Europe est confrontée non seulement à des défis économiques majeurs, mais aussi à une longue liste de défis politiques, institutionnels et géopolitiques qui nécessitent une attention urgente. Une seconde présidence Trump rend l’agenda politique de l’Europe encore plus urgent, pour l’empêcher de prendre encore plus de retard », a-t-elle écrit.
La bonne nouvelle est qu’UBS estime que si l’Europe parvient à faire avancer ces projets, le potentiel de hausse des actions est vertigineux. « Nous pensons que le Stoxx 600 pourrait générer une hausse de 60 % si les politiques de l’UE comblaient l’écart de productivité et d’innovation avec les États-Unis, en rapprochant les valorisations européennes des multiples cours/valeur comptable américains et en alignant la croissance tendancielle sur celle des États-Unis. » fait valoir l’establishment.
Sans entrer dans le détail de tous les projets, nous en expliquons certains et listons brièvement les autres en fin d’article. Soulignons au passage qu’UBS reconnaît évidemment que ces projets ne sont pas tous nouveaux et qu’il ne serait pas facile de les mener à bien.
Améliorer la productivité, l’innovation et la compétitivité
UBS cite ici plusieurs rapports déjà publiés comme celui de Mario Draghi mais aussi celui de l’ancien président du Conseil italien, Enrico Letta. «Les rapports Draghi et Letta combinent la description la plus complète des faiblesses structurelles de l’Union européenne avec des recommandations détaillées sur la manière de raviver le manque de dynamisme économique de l’Union européenne», écrit l’UBS.
Le rapport Draghi propose notamment de lancer un plan d’investissement européen par l’émission de dette, de manière à améliorer la compétitivité de nombreux secteurs, parmi lesquels l’énergie, les industries d’automatisation, la défense, l’espace ou encore les transports. L’investissement annuel est estimé entre 750 et 800 milliards d’euros. Outre l’émission de dette, des capitaux privés pourraient être mobilisés, notamment en recourant à la titrisation (transformation de dettes en titres négociables sur le marché).
Le rapport Letta d’avril 2024 préconisait d’approfondir le marché unique européen dans de nombreux domaines comme les services financiers, l’énergie ou les télécommunications, en harmonisant davantage ces marchés au niveau de l’Union. Il a également proposé d’établir un code du droit des affaires au niveau européen ainsi qu’une harmonisation européenne des politiques fiscales. Un point très intéressant : l’Italien a proposé de réformer le droit de la concurrence en ne considérant plus les marchés nationaux comme le marché pertinent mais en privilégiant le marché européen.
UBS estime également que le fait d’avoir des marchés moins concentrés (et donc plus compétitifs) qu’aux Etats-Unis est un facteur pénalisant pour les actions européennes. « La conclusion de cette analyse est que pour que l’Europe soit une compétitrice mondiale dans (plusieurs) domaines, il pourrait être utile qu’elle permette, voire accompagne, certaines entreprises de devenir des champions européens sur la scène mondiale. Pour ce faire, une plus grande concentration devrait être autorisée afin que les entreprises puissent profiter de leur taille sur la scène mondiale », écrit-il.
Progresser vers l’union bancaire et l’union des marchés des capitaux
UBS souligne que l’union bancaire n’est pas encore achevée, avec un ralentissement important depuis 2017. Ceci alors que ce lourd chantier devrait idéalement (selon elle) aboutir, par exemple, à un système européen de garantie des dépôts et à la suppression des obstacles aux échanges commerciaux. opérations bancaires frontalières.
Dans le même ordre d’idées, l’union des marchés de capitaux doit être accélérée pour permettre aux États européens de converger en matière, par exemple, de financement immobilier ou de droit aux faillites d’entreprises. UBS cite notamment une idée de l’économiste Nicolas Véron, qui propose d’amplifier le rôle de l’Esma, l’Autorité européenne des marchés financiers, en élargissant son financement et son indépendance. Ceci même si cette initiative risque de se heurter à des obstacles politiques.
La banque suisse évoque également des recommandations de la Banque centrale européenne datant de juin qui proposaient par exemple de relancer le marché de la titrisation au niveau européen, d’accroître la standardisation et la transparence des produits structurés, ou encore d’harmoniser le cadre juridique européen.
Avancer vers une politique européenne de défense
Avec le déclenchement de la guerre en Ukraine et l’élection de Donald Trump, très critique sur le manque d’investissement de ses alliés transatlantiques dans la défense, l’Europe va certainement accélérer la coopération militaire et augmenter ses dépenses.
« Nous pensons que les gouvernements européens devraient accorder une priorité accrue aux dépenses de défense au cours de la prochaine décennie, étant donné la présence d’un acteur hostile de plus en plus visible à la frontière orientale (la Russie, NDLR) et « une potentielle réallocation des ressources de sécurité américaines vers l’Asie ». , estime l’UBS.
La banque voit des leviers de coopération, notamment la création de coentreprises pour s’approvisionner en ressources et en capacités industrielles. Un exemple existant : le missile MBDA, une joint-venture entre Leonardo, Airbus et BAE Systems.
La banque pointe un défi sous la forme d’une question : « Comment l’Union européenne peut-elle surmonter les intérêts nationaux et mettre en commun ses ressources militaires en matière de R&D, d’approvisionnement et de production, et établir une puissante base militaro-industrielle ?
Autres questions importantes
L’UBS évoque un certain nombre d’autres défis. Le succès d’un nouvel élargissement européen (ou du moins de sa préparation) en est un. Actuellement, neuf pays sont candidats (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine du Nord, Monténégro, Serbie, Ukraine, Géorgie, Moldavie et Turquie). « Le calendrier du futur élargissement n’est pas clair ; un processus lent et prolongé semble probable», juge l’UBS.
En matière de politique énergétique, l’UBS évoque une nouvelle fois les problèmes de compétitivité contenus dans le rapport Draghi. Avec notamment, comme recommandations, une potentielle accélération de la délivrance des permis pour les énergies renouvelables et l’adoption de mécanismes qui découpleraient les prix de l’électricité de ceux du gaz et du pétrole.
La banque estime également que le budget européen devra être renforcé, notamment avec davantage de ressources propres, ce qui nécessitera évidemment de surmonter des obstacles politiques.
Les Européens devront également se mettre d’accord sur la définition et le contenu de la « stratégie d’autonomie » de l’Union européenne, concept vague, mais qui peut faire référence, par exemple, à l’accès aux technologies, aux composants (semi-conducteurs) et aux matières premières clés. «Nous pensons que l’automatisation et la numérisation accrues seront probablement l’un des principaux leviers pour accroître l’autonomie stratégique de l’Europe», écrit l’UBS à ce sujet.
Dernier projet cité par l’UBS : une politique migratoire pour laquelle « une approche efficace et bien coordonnée reste un ‘work in progress' » au niveau européen alors que « les frictions géopolitiques et le changement climatique suggèrent que la pression migratoire ne diminuera pas ».
Les cours ont été arrêtés après la clôture européenne vendredi soir.Julien Marion – ©2024 BFM Bourse