Manille et Pékin se rejettent la responsabilité du grave incident naval près de l’atoll de Sabina
Depuis plusieurs mois, Pékin exerce une pression constante pour tenter de mettre la main sur l’atoll philippin Second Thomas, situé en mer de Chine méridionale. Cela a donné lieu à de fréquents incidents navals entre les garde-côtes chinois et les navires venus ravitailler la garnison d’infanterie de marine philippine établie dans le BRP Sierra Madre, une ancienne péniche de débarquement volontairement échouée sur ce récif.
Mais l’atoll Second Thomas n’est pas le seul point de tension entre Pékin et Manille. En 2012, la Chine a pris le contrôle du récif de Scarborough, selon la même méthode qu’elle avait utilisée pour s’emparer du récif de Mischief dans les années 1990. Elle y a envoyé ses navires de la milice maritime, sous la protection de ses garde-côtes. Puis, elle a commencé à construire des structures sur pilotis, censées officiellement servir d’abris pour ses pêcheurs. Et Manille s’est bien gardée de protester trop vigoureusement pour ne pas attiser les tensions.
Mais au même moment, Pékin lorgne également l’atoll de Sabina (appelé Xianbin en Chine). Mais cette fois, les garde-côtes philippins ne se sont pas étonnés et ont confisqué des bouées qui avaient été placées à proximité du récif par leurs homologues chinois.
La situation était restée la même lorsqu’en 2021, sept navires de la milice maritime chinoise qui y faisaient escale ont été contraints de lever l’ancre après avoir été avertis par le patrouilleur philippin BRP Cabra. Depuis, alors que les tensions autour de l’atoll de Second Thomas ont fait couler beaucoup d’encre, la Chine a également accru sa pression autour du récif de Sabina.
Ainsi, en mai, Manille avait indiqué avoir empêché la Chine de construire une « île artificielle » dans la zone du récif de Sabina. Et avait précisé qu’outre le BRP Teresa Magbanua, les patrouilleurs BRP Cabra et BRP Malabrigo y seraient successivement déployés pour empêcher toute incursion des garde-côtes chinois.
Ce n’est qu’en juillet dernier qu’il a été signalé que le navire de recherche chinois Ke Xue San Hao naviguait à environ 20 milles nautiques du récif contesté. « La Chine n’a pas demandé l’autorisation de mener des opérations de recherche » dans la zone économique exclusive (ZEE) des Philippines, a déclaré à l’époque le porte-parole de la marine philippine, le contre-amiral Roy Trinidad.
🇨🇳#ChineLe navire de recherche Ke Xue San Hao a étudié les zones au sud et à l’est du banc Sabina depuis le 25 juillet, s’approchant hier à 40 nm du 🇵🇭#Philippines‘ île de Palawan.
La zone étudiée présente plusieurs caractéristiques maritimes importantes, notamment la Première Île Thomas… pic.twitter.com/qXUZzxisKf— Ray Powell (@GordianKnotRay) 3 août 2024
Auparavant, la présence du Haijing 5901, un navire garde-côtier chinois lourdement armé de 15 000 tonnes, avait été signalée au large du récif Sabina. « Le déploiement du CCG-5901 est le message le plus intimidant que la Chine puisse envoyer sans recourir à l’escalade militaire », avait alors déclaré à France24 Ho Ting Bosco Hung, spécialiste de la sécurité chinoise et asiatique à l’International Team for the Study of Security (ITSS) de Vérone.
Or, ce qui devait arriver est arrivé, ce 19 août. En effet, les Philippines ont indiqué que deux navires de leurs garde-côtes venaient d’être endommagés après une collision avec des bateaux chinois qui effectuaient des « manœuvres illégales et agressives » à proximité de l’atoll de Sabina.
La coque du patrouilleur BRP Cape Engano a été perforée. Le deuxième navire philippin, le BRP Bagacay, a été « percuté à deux reprises » par un navire des garde-côtes chinois et a subi « des dommages structurels mineurs », selon Jonathan Malaya, directeur général du Conseil national de sécurité des Philippines.
Le MRRV-4410 a subi des dommages dans la salle auxiliaire du côté bâbord, près du moteur auxiliaire bâbord, où un trou mesurant 2,5 pieds de longueur et 3 pieds de largeur a été infligé par le CCGV 21551. De plus, sur le quart tribord, le CCGV 21551 a de nouveau percuté le navire, ce qui a entraîné… pic.twitter.com/P2wVjSO2tv
— Jay Tarriela (@jaytaryela) 19 août 2024
En Chine, bien sûr, on donne une version différente de ces incidents, tout en insistant sur la responsabilité des Philippines.
« Les navires des garde-côtes philippins sont entrés illégalement dans les eaux près du récif de Xianbin dans les îles Nansha sans la permission du gouvernement chinois », nécessitant des mesures de contrôle contre les navires philippins conformément à la loi, a déclaré Pékin.
« Malgré de multiples avertissements de la part de la partie chinoise, le navire philippin 4410 est entré délibérément en collision avec le navire chinois 21551 », a déclaré plus tard un porte-parole des garde-côtes à la chaîne de télévision d’Etat CCTV. Cette dernière a également diffusé des images de ces incidents. « Nous exhortons vivement la partie philippine à cesser immédiatement ses violations et ses provocations », affirment les autorités chinoises, pour qui les patrouilleurs philippins ont « gravement violé la souveraineté de la Chine ».
Pour rappel, dans un avis rendu en juillet 2016, la Cour permanente d’arbitrage (CPA) de La Haye, saisie par Manille, avait estimé que les revendications de Pékin en mer de Chine méridionale ne reposaient sur « aucune base juridique » et que ses actions dans la région avaient « aggravé » les conflits territoriaux et causé des « dommages à l’environnement ».