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Manger bio : quels effets sur notre santé ?

Manger bio : quels effets sur notre santé ?

Dans le cadre de notre partenariat avec le Journal Le Monde et ses dossier dédié à l’alimentation biologique et ce que dit la science, Aurélie Luneau reçoit son auteur, Stéphane Foucartjournaliste de la rédaction Planète-Sciences du journal Le Monde, co-auteur d’une enquête, Les gardiens de la raison, Enquête sur la désinformation scientifique, et auteur de Le monde est une vallée, Chroniques 2013-2023, recueil de ses articles publié deux fois par mois, en dernière page du Monde pendant dix ans ;

Emmanuelle Kesse-Guyot, épidémiologiste en nutrition rattaché à l’EREN (Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle), directeur de recherche à l’Institut National de Recherche sur l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (INRAE), chercheur, co-investigateur de l’étude NutriNet-Santé.

Francis Châteauraynaud, sociologue, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et directeur de collectionqui a publié dans le recueil Que sais-je, Alertes et lanceurs d’alerte.

D’où aller, comment, sur qui ? L’enquête de Stéphane Foucart commence avec cette étude réalisée en 2017 par des chercheurs du Centre d’études biologiques de Chizé, commune du centre-ouest de la France, en Nouvelle-Aquitaine, et du laboratoire Biogéosciences. Ils se lancent dans une étude insolite sur le perdrix grise et les effets de son alimentation, bio et non bio, et après quelques semaines de comparaison, notons des effets sur le système immunitaire, sur la taille des œufs, sur l’épaisseur des coquilles, mais aussi sur leur accumulation graisseuse, leur leur plumage, leur capacité de vigilance… Et, de l’animal à l’humain, il n’y a qu’un pas…

Pourquoi une étude sur les animaux ?

Stéphane Foucart rappelle que les études animales ont un statut un peu particulier dans ces questions de toxicologie. « ECe sont notamment les études animales qui permettent la commercialisation des pesticides. C’est ainsi que nous testons les pesticides, les substances actives, avant d’autoriser leur utilisation.» Il souligne qu’il s’agit d’une étude qui est en principe assez rare, puisqu’il y a très peu d’études récentes sur ce sujet, avec ce type de protocole où on essaie finalement de reproduire les études réglementaires qui sont réalisées avec un pesticide, et on essaie de les reproduire avec les mélanges classiques de pesticides auxquels tous les humains sont exposés par l’alimentation conventionnelle. D’où un double intérêt.

Les études animales sont les premières à souligner les risques

« On peut dire assez facilement que si ces molécules vont avoir des effets particulièrement neurologiques sur les animaux, il n’y a pas de raison pour qu’une exposition quotidienne et chronique à ces molécules, même s’il s’agit de doses faibles, in fine on puisse s’attendre à ce qu’il y ait il y aura aussi des effets, mais cela a rarement été étudié jusqu’à présent« . Emmanuelle Kesse-Guyot

Grands ou petits consommateurs de produits bio et comportements alimentaires

Emmanuelle Kesse-Guyot » évoque l’étude qu’elle a menée avec Denis Lairon en 2013, où ils ont véritablement dressé un instantané des caractéristiques entre les grands consommateurs bio et les petits consommateurs bio. « Alors là on a commencé à voir un certain nombre de choses à la fois sur les comportements alimentaires, les modes de vie toutes ces caractéristiques qui vont regrouper une multitude de comportements plus bénéfiques pour la santé chez ces gros consommateurs de bio, et on a effectivement observé que ces individus Même en prenant en compte une activité physique élevée, le fait de ne pas fumer, etc., tous ces facteurs, ces personnes avaient moins d’obésité et moins de surpoids. Mais c’était une photographie d’un moment donné« .

« On ne sait pas si c’est ce régime qui provoque le surpoids ou l’obésité, ou si, à l’inverse, c’est parce que ces personnes sont en surpoids ou obèses qu’elles vont manger de cette façon. » (E Kesse-Guyot).

« Nous n’avons pas pu établir un niveau de preuve suffisamment élevé car l’étude est transversale, c’est-à-dire qu’on ne sait pas dans quel sens elle travaille. On ne sait pas si c’est ce régime qui provoque le surpoids ou l’obésité, ou si à l’inverse, c’est parce que ces personnes sont en surpoids ou obèses qu’elles vont manger de cette façon. Donc pour cela, il nous faut des études longitudinales qui permettront de suivre des personnes qui, au départ, sont en bonne santé, d’enregistrer leur alimentation et ensuite de voir ce qui se passe.« . Emmanuelle Kesse-Guyot

La question des principes de précaution

François Châteauraynaud revient sur un moment qui fut important à la fin des années 90, en Europe notamment, en France aussi : « la question des principes de précaution ». « Que fait-on quand on a des doutes sérieux sur les dangers, les risques, les menaces, etc., que les preuves seront longues à obtenir et qu’il y a des désaccords en général entre plusieurs coalitions d’acteurs ? Le processus de précaution avait été instauré, a-t-il ajouté. a même été inscrit dans le préambule de la Constitution, permettant d’agir sans délai, c’est-à-dire de prendre des mesures transitoires, de lancer précisément la recherche, de financer la recherche et d’organiser le débat public, afin de savoir qui, in fine, est concerné. C’est-à-dire, dans ce cas, tout le monde.

De l’arsenic dans le riz, du mercure dans le thon, bref, des pesticides dans tout ?

« Il y a des alternatives, il y a des chercheurs qui progressent, il y a aussi des collectifs. Nous sommes dans une société encore démocratique. Il existe des contre-pouvoirs. Vous avez des ONG de toutes sortes. Il existe des associations de patients. On parle du diabète, ils s’organisent aussi. Il existe des associations environnementales, dont un certain nombre, dont certaines sont très impliquées dans ces questions. Il y a longtemps qu’il y a des associations de consommateurs, c’est aussi une vieille histoire. Tous ces acteurs jouent donc un jeu assez complexe, plus ou moins bien relayé par les médias, selon qu’il y a des scandales. On a de l’arsenic dans le riz je pense, du mercure dans le thon, bref, des pesticides dans les choses. Et puis ça ressort, ça y est, et il y a un choc. François Châteauraynaud

On ne parle pas la bouche pleine !

29 minutes

Bibliographie

  • Les gardiens de la raison : enquête sur la désinformation scientifique – Stéphane Foucart, Stéphane Horel, Sylvain LaurensLa Découverte, coll. Cahiers gratuits, 2020
  • Le monde est une vallée : chroniques 2013-2023 – Stéphane Foucartpréface de Jil Silberstein, Buchet Chastel, 2023
  • Alertes et lanceurs d’alerte -Francis ChâteauraynaudPUF, coll. Qu’est-ce que je sais ?, 2020
  • Rôle de la nutrition dans la prévention des maladies chroniques : un enjeu de santé publique – Mathilde TouvierCollège de France, coll. Leçons inaugurales du Collège de France, 2023 ( texte intégral en ligne)
  • Agriculture durable, Volume III : Environnement, nutrition et santé – sous la direction. de Marie-Luce Demesteer et Virginie Mercierpréface de Jacques Foyer, Presses universitaires d’Aix-Marseille, coll. Institut de droit des affaires. Droit économique et développement durable, 2020
  • Manger et se taire : une nutritionniste face au lobby agroalimentaire – Professeur Serge HercbergHumensciences, coll. Débat, 2022
  • Le pouvoir de notre assiette : transition agricole, alimentaire et territoriale : le scénario Afterres -Solagropostface Serge Hercberg, Frédéric Le Manach, Xavier Hamon, Utopie, coll. Ruptures, 2023

Bibliographie : Vanessa Chang

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