comment le gouvernement a torpillé les négociations
Quarante-huit heures supplémentaires n’auront pas suffi. En pleine nuit du mardi 9 avril au mercredi 10 avril, organisations syndicales et patronales se sont séparées sur fond d’échec, mettant un terme aux négociations sur l’emploi des seniors demandées par le gouvernement.
Si le secrétaire général adjoint de la CFDT, Yvan Ricordeau, estime que « dès le départ, le patronat ne voulait pas de cette négociation »le président du Medef, Patrick Martin, assure que chacun « négocié de bonne foi ». « Nous étions très limités par la règle d’encadrement du gouvernement nous interdisant toute marge de manœuvre financière »a-t-il expliqué mercredi matin sur RMC.
Car s’il a officiellement donné la main aux partenaires sociaux dans cette négociation, le gouvernement aura été omniprésent dans la salle du Medef où négociaient syndicats et patronat. « Un génie maléfique plane sur cette négociation »a déclaré la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, le 20 mars, devant l’Association des journalistes de l’information sociale, accusant le gouvernement de compliquer les discussions. « en menaçant de reprendre la main sur l’assurance chômage ».
Nouvel accord en novembre
Depuis plusieurs années, l’exécutif cherche à s’immiscer dans la gouvernance de l’Unédic, l’organisme paritaire gérant l’assurance chômage. En 2019, en imposant un cadre de discussion extrêmement serré, le gouvernement d’Édouard Philippe avait déjà poussé les partenaires sociaux à l’échec d’une première discussion et décidé par décret des règles de l’assurance chômage. Durant la crise sanitaire, ses décisions ont accru la dette du système.
En 2023, dans un nouveau décret, le gouvernement impose une nouvelle réforme des rémunérations, basée sur la « contracyclicité » : moins de compensations lorsque l’économie va bien et les chances de retrouver un emploi augmentent, mais réévaluées en cas de dégradation de la conjoncture économique. situation.
Soucieux d’empêcher l’exécutif de garder le contrôle du régime, syndicats et patronat se sont mis d’accord en novembre sur une nouvelle convention de l’Unédic. Le gouvernement a cependant refusé de le ratifier, arguant que, pour une indemnisation plus favorable aux seniors, il ne prenait pas en compte le relèvement de deux ans de l’âge légal de la retraite.
12 milliards drainent l’Unédic
Il était normalement attendu des partenaires sociaux qu’ils abordent cette question des « limites d’âge » à travers l’emploi des seniors. Mais en même temps que bien d’autres sujets comme le compte épargne temps universel ou le CDI senior, alors qu’il y avait la menace, brandie par le ministre des Finances Bruno Le Maire, d’une nationalisation de l’Unédic. « Il faut négocier le pistolet sur la tempe »s’est plaint Michel Picon, président de l’U2P, représentant les Très petites entreprises (TPE).
L’échec de la négociation permettra donc à l’Etat de conserver la direction de l’Unédic, et au Premier ministre Gabriel Attal d’imposer une nouvelle réforme selon ses souhaits. Mais, à long terme, c’est le contrôle étatique définitif du régime, pourtant destiné à être égalitaire lors de sa création en 1958 par le général de Gaulle, que redoutent les partenaires sociaux.
Ces dernières semaines, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire n’a pas caché vouloir aller dans ce sens et mettre la main sur les 45 milliards d’euros de recettes de l’Unédic. La menace est d’autant plus réelle que pour financer France Travail, l’Etat s’en est déjà emparé. « Au départ, cela ne devait être valable que pour 2024. Ensuite, on a évoqué un effet rétroactif pour 2023 ; désormais, le décret précise jusqu’en 2026… On arrive à un montant total de 12 milliards d’euros”a résumé Patricia Ferrand, le 20 mars, devant la commission des Affaires sociales du Sénat.
« À ces 12 milliards s’ajoute le coût financier de cette fuite, à savoir 1 milliard d’euros »a ajouté le président de l’Unédic, Jean-Eudes Tesson (Medef), soulignant que, pour rembourser ses dettes dues au paiement du chômage partiel imposé par l’Etat pendant le Covid, l’Unédic est « obligés de réemprunter à des taux élevés ».