« Maman, mes jambes, mes bras, pourquoi je ne les sens pas ? » : à Gaza, l’avenir brisé des enfants
Depuis un an, un tapis de bombes s’abat sur la bande de Gaza. Les rapports officiels font état de plus de 40 000 décès – probablement plus –, dont une majorité de femmes et d’enfants. Interdite à la presse internationale, l’enclave palestinienne est le théâtre d’un massacre à huis clos. Les journalistes palestiniens sont les seuls à témoigner des horreurs de cette guerre. Plus de 150 d’entre eux l’ont payé de leur vie. Ces portraits d’enfants ont été réalisés par trois journalistes gazaouis. Ils témoignent de la souffrance, de la tristesse, des vies brisées des enfants de Gaza.
Ebrahim Wahid AL-Na’na’
Dans les couloirs de l’hôpital Nasser de Khan Younès, Ebrahim Wahid Al-Na’na’ erre, les traits tirés, le visage pâle, le corps épuisé. Ebrahim a à peine 13 ans et il n’a pas mangé de la journée. Il porte des vêtements sales sur ses jeunes épaules et le poids de la responsabilité de « chef de famille » qui dépasse son âge. Sa vie a changé il y a presque un an. Le bonheur, l’amour et la joie, malgré les difficultés politiques et économiques, ont cédé la place à la guerre et à ses horreurs.
Originaire de Bani Suheila, à deux kilomètres à l’est de Khan Younès, Ebrahim Wahid Al-Na’na’ se souvient de l’ordre d’évacuation, des tracts largués par l’armée israélienne obligeant sa famille à prendre le chemin de l’exode. Il ne s’attendait pas à ce que cette zone soit affectée. Les bombardements ont commencé immédiatement, sans relâche, sur les habitations. « Ma famille et moi, sept membres au total, avons fui vers un endroit plus sûr sans connaître notre destination » dit l’enfant.
Ils trouveront refuge à 5 kilomètres de l’hôpital Nasser, dans une zone détruite par les bombes, dans les décombres d’immeubles effondrés, assis dans la rue, faute de mieux. Les écoles du quartier sont pleines, tout comme les camps de fortune et les tentes temporaires.
L’hôpital Nasser n’accepte pas de réfugiés en son sein, la famille d’Ebrahim n’a d’autre choix que de survivre dehors, par tous les temps, dans la chaleur du jour et dans le froid de la nuit. « Nous n’avons emporté avec nous que du lait et des couches pour ma sœur de 8 mois », dit le jeune garçon. « J’étais censé être à l’école, continue-t-il. Mon stylo, mon cahier, mon écriture et mon professeur me manquent… »