Les perspectives de l’économie mondiale commencent à se préciser. L’OCDE a révisé à la hausse ses prévisions de croissance mondiale du produit intérieur brut (PIB) de 2,9% à 3,1% pour 2024. Et ce, alors qu’en 2023, l’activité économique avait marqué le pas (3,1%) par rapport à 2022 (3,4%). La croissance devrait donc stagner entre 2023 et 2024, au lieu de ralentir. « Dans un contexte difficile, l’économie mondiale a fait preuve d’une résilience remarquable »a déclaré Mathias Cormann, secrétaire général de l’OCDE, lors d’un point presse à Paris ce jeudi.
Plusieurs raisons justifient « cet optimisme ». « L’inflation a considérablement diminué dans les pays développés. Cette baisse de l’inflation est le résultat d’une politique monétaire restrictive, de la baisse des prix de l’énergie et d’une moindre pression sur les chaînes d’approvisionnement. Les revenus réels des ménages continuent de se redresser dans les pays développés. Ce qui signifie que les ménages profitent mieux de la croissance économique.»il a continué.
Cependant, malgré ces prévisions plus optimistes, l’OCDE a souligné lors de sa présentation le risque d’une reprise à plusieurs vitesses entre les différentes régions du monde. Surtout, la croissance en 2024 et 2025 devrait être nettement inférieure à la moyenne de la période 2013-2019 (3,4%).
Reprise « faible » dans la zone euro en 2024
Sur le Vieux Continent, l’économie est toujours à la peine. Le spectre de la récession tant redoutée l’automne dernier semble être passé. Mais les incertitudes demeurent largement dans le contexte d’un resserrement des politiques budgétaires dans l’ensemble de la zone monétaire. En effet, les nouvelles règles de l’Union européenne dans ce domaine sont entrées en vigueur le 30 avril après d’âpres négociations. L’OCDE ne prévoit donc qu’une légère accélération de la croissance dans la zone euro entre 2023 (0,5%) et 2024 (0,7%). L’organisme a toutefois revu très légèrement à la hausse sa projection (+0,1 point) par rapport à février dernier.
Par ailleurs, plombée par la hausse spectaculaire des prix et la politique monétaire restrictive de la Banque centrale européenne (BCE), la zone euro continue de ralentir. Et particulièrement en Allemagne. Après avoir plongé dans la récession en 2023 (-0,1%), le pays devrait voir sa croissance s’accélérer légèrement en 2024, à 0,2%. Plus de deux ans après le déclenchement du conflit en Ukraine, l’industrie allemande continue de payer un lourd tribut à sa dépendance à l’égard de l’énergie russe. Ainsi, le découplage entre l’économie allemande et russe risque de nuire gravement au modèle économique défendu par la coalition au pouvoir. A cela s’ajoutent la politique budgétaire restrictive qui devrait peser sur les perspectives d’investissement outre-Rhin ainsi que le ralentissement chinois.
Lire aussiAllemagne : « l’homme malade de l’Europe » table sur un redressement économique au printemps
Une croissance légèrement meilleure que prévu en France
En France, la croissance économique devrait faire un peu mieux que prévu en 2024 (0,7% contre 0,6% en février). L’activité ralentirait néanmoins par rapport à 2023 (0,9 %), avant de repartir à la hausse en 2025 (1,5 %). En raison d’une politique monétaire plus accommodante attendue en juin et d’une baisse de l’inflation, les économistes s’attendent à un rebond de la consommation privée à partir du second semestre. En revanche, l’investissement (formation brute de capital fixe, FBCF) serait en baisse (-0,6%) cette année. De son côté, le gouvernement table désormais sur une croissance du PIB de 1% (après 1,4% initialement prévu).
Avec un chiffre de croissance meilleur que prévu au premier trimestre 2024, l’objectif du gouvernement pourrait être atteint selon plusieurs économistes. Les coupes budgétaires annoncées d’environ 20 milliards d’euros en 2024 et 20 milliards d’euros en 2025 pourraient toutefois peser sur la croissance.
À lire aussiPourquoi la trajectoire de croissance de 1% promise par le gouvernement est possible
Quant à l’Italie, l’activité stagnerait à 0,7% en 2024 contre 1% en 2023 avec une demande atone. Pour l’Espagne, l’OCDE n’a pas fourni de chiffres sur les perspectives de croissance.
Les États-Unis, moteur de la croissance mondiale
L’économie américaine tire la croissance mondiale à la hausse. Dans ses dernières prévisions, l’OCDE table sur une très légère hausse du PIB, de 2,5% à 2,6% entre 2023 et 2024, avant un éventuel ralentissement en 2025 (1,8%). La légère accélération attendue en 2024 est une bonne nouvelle pour le président démocrate Joe Biden, à quelques mois de l’élection présidentielle prévue en novembre prochain.
Face à Donald Trump, le chef de l’Etat compte sur son bilan économique pour revenir pour un second mandat à la Maison Blanche. L’Inflation Reduction Act (IRA) et le Chips Act ont stimulé les investissements industriels aux États-Unis et relancé la machine à l’emploi après les années sombres de la pandémie. Mais les effets des différents plans de relance du chef de l’Etat s’estompent.
Par ailleurs, de nombreuses incertitudes planent sur la politique monétaire de la FED. Initialement prévu pour le premier semestre, le scénario d’une baisse des taux en 2024 est de plus en plus débattu compte tenu de la persistance de l’inflation. Une incertitude qui pèse sur le camp démocrate américain à quelques mois du scrutin.
Lire aussiMalgré le rebond de l’inflation, la Fed maintient ses taux inchangés et exclut une hausse
La Chine freine
Enfin, en Chine, les indicateurs économiques sont au rouge. Après avoir grimpé à 5,3% en 2023, la croissance du PIB devrait ralentir en 2024 à 4,9% et 4,5% en 2025. Durement touchée par les mesures strictes de confinement après la pandémie, l’économie chinoise peine à se relever. Le secteur immobilier est toujours secoué de toutes parts par une crise sans fin.
Sur le plan monétaire, la Banque centrale chinoise a assoupli sa politique avec une série de baisses de taux. Cet assouplissement devrait permettre au secteur privé de retrouver un certain élan, mais l’économie chinoise reste plombée par une démographie atone et des gains de productivité atones.
Lire aussi« L’Europe est dans une impasse face à la Chine » (Benjamin Bürbaumer, Sciences-Po Bordeaux)