« Make Europe Great Again » : la Hongrie d’Orban en tant que président de l’UE inquiète Bruxelles
« Environ 40 % des décisions souhaitées par l’UE sur l’Ukraine sont bloquées », a déclaré fin mai à Bruxelles le ministre lituanien des Affaires étrangères Gabrielius Landsbergis.
Depuis, les choses ont un peu avancé, Budapest ayant finalement accepté d’ouvrir officiellement les négociations d’adhésion avec Kiev, qui débuteront mardi. Mais l’aide militaire de l’UE à l’Ukraine de 6,6 milliards d’euros est toujours bloquée. Et la prochaine présidence hongroise n’a apparemment pas l’intention de lever son veto.
« Notre devise renvoie à l’idée d’une présidence active et citoyenne, au fait que nous sommes plus forts ensemble, tout en respectant notre identité. »
« Rendre sa grandeur à l’Europe »
« Nous avons besoin de clarté » sur le sujet, a déclaré cette semaine l’ambassadeur hongrois auprès de l’UE, Balint Odor, en présentant les priorités de son pays pour les six prochains mois. Il s’est ensuite voulu rassurant : « Ce sera une présidence comme une autre, nous agirons en médiateur impartial », a-t-il promis mardi à Bruxelles.
Pourtant, le slogan choisi par Budapest pour ses six mois de présidence montre la couleur : « Make Europe Great Again ». Une formule qui n’est pas anodine à Bruxelles où le slogan de l’ancien président américain Donald Trump – « Make America Great Again (MAGA) » – sent le soufre. « Provocation totale », résume Andreas Bock, expert de la Hongrie au groupe de réflexion du Conseil européen pour les relations internationales (ECFR). « Ce slogan montre où Orban veut conduire l’UE, vers l’autocratie », a protesté l’eurodéputé allemand Daniel Freund (Verts, écologistes).
Mais, pour Budapest, il ne faut pas y faire allusion.
« Notre devise fait référence à l’idée d’une présidence active et de terrain, au fait que nous sommes plus forts ensemble, tout en respectant notre identité », a déclaré mardi le ministre des Affaires européennes Janos Boka. Interrogé sur les liens de l’ancien président américain avec le mouvement MAGA, il a répondu par une plaisanterie. « À ma connaissance, Donald Trump n’a jamais voulu rendre l’Europe forte », a-t-il déclaré.
« Les Hongrois s’efforceront d’être super professionnels »
La présidence tournante du Conseil des ministres de l’Union européenne permet au pays qui la détient de contrôler l’ordre du jour des réunions des 27. Il s’agit d’un pouvoir important mais pas absolu, ont souligné plusieurs diplomates européens. « On peut comparer ce rôle à celui d’une personne organisatrice d’un dîner, qui veille à ce que les convives se réunissent en harmonie, puisse exprimer leurs différences pendant le repas, avant de repartir en bons termes et avec un objectif commun », résume le chapitre consacré à la présidence tournante sur le site du Conseil de l’UE. Mais la Hongrie jouera-t-elle vraiment le jeu ?
« Les Hongrois s’efforceront d’être super professionnels », estime un diplomate européen familier des négociations entre les 27. D’autant que leur présidence aura un agenda bien moins chargé que la précédente. « Dans les prochains mois, les institutions européennes se concentreront sur la répartition des postes et la nomination de la nouvelle commission, ce qui réduira l’activité législative », souligne Andreas Bock.
Cela n’empêchera sans doute pas Viktor Orban, qui aime être au centre de l’attention, de tenter de « laisser sa marque » durant ces six mois, selon le diplomate. « On peut s’attendre à une présidence du Conseil de l’UE avec quelques accents hongrois », résume Andreas Bock.
La question des fonds bloqués par Bruxelles risque de planer sur ces six mois. L’UE gèle actuellement quelque 19 milliards d’euros destinés à la Hongrie dans le cadre de diverses procédures, liées aux manquements reprochés à Budapest en matière de droits des personnes LGBT+, de demandeurs d’asile et de lutte contre la corruption.
