Mais que se passe-t-il à la frontière entre la Finlande et la Russie ?

Chantage envers les êtres humains. La Russie est accusée de laisser passer des migrants sans papiers sa frontière commune avec la Finlande afin de déstabiliser ce pays qui a rejoint l’Otan en avril dernier. En réponse, Helsinki a fermé certains de ses points de contrôle.

Si Moscou nie ces accusations, la Pologne, qui accuse la Russie et la Biélorussie d’être à l’origine de l’augmentation du nombre de migrants tentant de rejoindre l’Union européenne via sa frontière, a apporté son soutien au gouvernement finlandais. Retour sur les accusations qui secouent la Laponie finlandaise.

Afflux de migrants sans papiers

Depuis une semaine, la frontière de 1 340 kilomètres entre la Finlande et la Russie a vu arriver de plus en plus de migrants illégaux. Ils viennent de Russie pour rejoindre l’Union européenne. « Selon les rapports des gardes-frontières finlandais, le nombre de demandeurs d’asile a augmenté ces derniers mois à la frontière orientale » du pays, a déclaré la ministre finlandaise de l’Intérieur, Mari Rantanen.

Ce nombre reste « relativement faible mais il a sensiblement augmenté sur une courte période », a-t-elle ajouté, précisant « des évolutions dans les nationalités des arrivées ». Il y a davantage de migrants en provenance du Moyen-Orient et d’Afrique, a déclaré Mikko Lehmus, chef de l’unité d’analyse des gardes-frontières finlandais.

Fermeture des postes frontières

L’augmentation du nombre de passages a incité Helsinski à décider de fermer quatre postes frontaliers. Après cette annonce, une soixantaine de demandeurs d’asile se sont présentés vendredi dernier aux quatre points de passage frontaliers du sud-est de la Finlande avec la Russie, quelques heures avant leur fermeture à minuit.

La Finlande a fermé à minuit ces quatre postes, soit la moitié de ses points de passage frontaliers avec la Russie. Les quatre postes frontaliers devraient être fermés jusqu’au 18 février 2024, tandis que quatre autres postes frontaliers resteront ouverts dans le nord de la Finlande.

La Russie sur le banc des accusés

Avant, la Russie « ne laissait pas ces migrants venir en Finlande sans les papiers nécessaires, selon Jussi Vainkka, un garde-frontière au poste frontière de Nuijamaa. C’est le principal changement que nous avons constaté. Petteri Orpo, le Premier ministre finlandais, a déclaré jeudi que la Finlande s’était « préparée à différents types d’actions, d’actes malveillants de la part de la Russie, la situation n’est donc pas une surprise ».

Il a ainsi estimé que la Russie laissait délibérément les migrants franchir la frontière malgré l’absence de papiers valides, suggérant qu’il s’agissait d’une tentative de déstabilisation de son voisin. « Cela semble être une décision délibérée », a-t-il déclaré. « Le message du gouvernement est clair, nous voulons assurer la sécurité de nos frontières. » La Commission européenne a soutenu la décision d’Helsinki, dénonçant une « exploitation honteuse » des migrants par Moscou.

Démenti de Moscou

Moscou s’est défendue lundi, affirmant qu’elle ne cherchait pas à exploiter les passages de migrants illégaux. « Nous n’acceptons pas de telles accusations », a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, assurant que « les gardes-frontières russes respectent pleinement toutes leurs instructions de service ». Il a dit « regretter profondément » la décision finlandaise de fermer partiellement la frontière, déplorant qu’Helsinki ait adopté une « position purement russophobe » au lieu de maintenir les « très bonnes relations pragmatiques » qui existaient autrefois avec Moscou.

Le Kremlin a néanmoins promis en avril de prendre des « contre-mesures » après l’adhésion de la Finlande à l’Otan, qualifiant l’élargissement de l’alliance occidentale d' »attaque contre la sécurité » de la Russie.

Des tours gratuits

Au poste frontière de Nuijamaa, Yasser Alu, demandeur d’asile, a déclaré à l’AFP qu’il était originaire de Syrie et qu’il était arrivé de Russie à vélo. « Je suis arrivé à Moscou puis je suis allé à Saint-Pétersbourg et puis je suis arrivé à ce poste frontière », a-t-il raconté, affirmant avoir été « aidé par quelqu’un » pour rejoindre la Finlande. « Nous ne payons pas » ce voyage, dit-il.

« Nous avons rencontré un fonctionnaire ici en Finlande qui nous a demandé d’où nous venions, nos noms et nos passeports », ajoute le demandeur d’asile. « Ensuite, nous prendrons nos affaires et attendrons les prochaines étapes », a-t-il déclaré.

Soutien de la Pologne

Le président polonais a promis lundi de « soutenir politiquement » la Finlande. Selon Andrzej Duda, il s’agit « d’une attaque hybride » comparable à celle vécue par la Pologne à sa frontière avec la Biélorussie. Depuis 2021, Varsovie accuse la Russie et la Biélorussie d’être à l’origine de l’augmentation du nombre de migrants tentant de rejoindre l’Union européenne via sa frontière.

« Malheureusement, nous avons plus de deux ans d’expérience dans la défense de notre frontière contre la pression migratoire », a déclaré le président polonais à la presse lors de sa rencontre avec le chef de l’Etat finlandais Sauli Niinisto à Varsovie. « La Finlande peut compter d’une part sur le soutien politique absolu de la Pologne et d’autre part sur le partage d’expériences », a promis Andrzej Duda.

CdS avec l’AFP