NATALIE HANDEL / AFP
Madeleine Riffaud, ici en 2019, est décédée à l’âge de 100 ans.
HISTOIRE – « Une héroïne est partie. Son héritage : tout un siècle de combats. » Ces mots de Humanité rendre hommage à la résistante Madeleine Riffaud dont le décès a été confirmé ce mercredi 6 novembre par son éditeur Dupuis.
« Elle était un personnage de roman dont l’existence était tissée de lutte, d’écriture, de trois guerres et d’un amour. Une vie d’une folle intensité, après une enfance dans les décombres de la Grande Guerre, depuis ses premiers pas dans la résistance aux maquis du Sud Vietnam.”a souligné le quotidien pour lequel elle était correspondante de guerre en Algérie et au Vietnam.
Le 23 août 2024, jour de son 100ème anniversaire, Madeleine Riffaud publie le troisième et dernier tome de Madeleine, résistanteses mémoires de guerre en bande dessinée, avec Dominique Bertail au dessin, et Jean-David Morvan au scénario. Ce dernier lui a rendu hommage sur Facebook en publiant une photo d’elle, âgée, posant sur un canapé.
Née en 1924 dans la Somme, cette fille unique d’instituteurs entre dans la résistance à 16 ans. Etudiante sage-femme à Paris, elle devient agent de liaison avec ses camarades communistes des Francs-tireurs et partisans (FTP) à la faculté de médecine. Elle devient « Pluie » – en hommage au poète allemand Rainer Maria Rilke – pour signifier qu’elle « n’est pas en guerre contre le peuple allemand mais contre les nazis ».
Fonds Madeleine Riffaud
Madeleine Riffaud alors journaliste, dans les années 1950.
Le massacre d’Oradour-sur-Glane, village de sa jeunesse décimé en juin 1944, provoque son passage aux armes. Le 23 juillet, elle a tiré deux balles dans la tête d’un officier nazi sur le pont Solférino à Paris. « Je regrette d’ailleurs d’avoir tué cet homme. Vous êtes ici. Vous regardiez la Seine. Peut-on être méchant quand on regarde la Seine ? Peut-être que c’était un bon gars. Mais ça… eh bien, c’est la guerre.dit-elle.
Le résistant a été arrêté presque immédiatement. Torturée par la Gestapo, elle fut condamnée à mort puis déportée. Avec un ami espion, elle saute du train en direction de Ravensbrück mais est interceptée. Grâce au consul suédois, elle est libérée le 19 août grâce à un échange de prisonniers, en pleine Libération de Paris.
Rainer reprend le combat : le 23 août, elle contribue à l’arrestation de 80 soldats allemands lors de l’attaque d’un train aux Buttes-Chaumont. Elle recevra la Croix de Guerre avec palme.
Après la Libération, elle souhaite s’engager dans l’armée mais n’a pas 21 ans. Son engagement s’arrête là. Sans nouvelles de ses amis déportés, hantée par le souvenir des prisons, elle sombre dans la dépression alors qu’elle raconte dans Nous l’appelions Rainer.
Eluard, Picasso et Hô Chi Minh…
Touché par sa détresse, Eluard la prend sous son aile, préface son recueil de poèmes Le poing fermé (1945). Il l’emmène chez Picasso qui la peint – un petit visage déterminé encadré d’épais cheveux bruns – et lui présente l’écrivain du Vercors. Atteinte de tuberculose, elle rencontre Pierre Daix, un survivant de Mauthausen, dans un sanatorium. Ils se marient et ont une fille qui est placée chez ses grands-parents par crainte de tuberculose. Ils se séparent en 1947.
« Un seul métier était alors indiqué, c’était celui du reportage de guerre pour ceux qui souffraient le plus »» a-t-elle confié une fois devenue une vieille femme presque aveugle. Cela commence à Ce soirun journal communiste édité par Aragon. Puis pour Humanitéelle couvre la guerre d’Indochine où Ho Chi Minh la reçoit comme « sa fille ». Elle se rend clandestinement en Algérie où elle échappe à une attaque de l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète). Elle dénonce les tortures pratiquées à Paris contre les militants du FLN (Front de libération nationale). Puis elle retourne au Vietnam et couvre la guerre pendant sept ans.
A son retour, elle travaille comme infirmière auxiliaire dans un hôpital parisien et dénonce dans Le linge de nuit (1974), vendu à un million d’exemplaires, la misère de l’Assistance publique. Cinquante ans plus tard, elle réitère les mêmes critiques.
Après être restée 24 heures livrée à elle-même sur une civière d’urgence, elle adresse une lettre ouverte au directeur de l’AP-HP en 2022. « Ils pensaient que j’étais trop vieux pour valoir la peine de me soigner ? » (…) Raymond Aubrac m’a demandé d’être une voix de la Résistance, je le serai. J’ai encore un peu de force, je dois la donner”.
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