Le rêve américain est mis à mal Piège de M. Night Shyamalan. Le réalisateur continue de montrer l’Amérique à travers le prisme de ses peurs en envoyant un assassin dans la foule d’un concert. Josh Hartnett incarne ce beau gosse gravement perturbé qui se réfugie parmi les 30 000 spectateurs avec sa fille pendant que 300 policiers le traquent.
Ce huis clos, cauchemar des agoraphobes, adopte le point de vue du meurtrier qui est à la fois un tueur en série et le père aimant d’une adorable adolescente qu’il a emmenée voir son idole sur scène. Cette chasse à l’homme permet au réalisateur de poursuivre son exploration des terreurs de l’Amérique. « Les États-Unis sont incroyablement cinématographiques », confiait-il à 20 minutes au moment de la sortie de Frappez à la cabine. J’adore ce pays et à quel point il peut devenir paranoïaque : c’est un terrain de jeu parfait pour un amateur de thrillers comme moi. Piège nous permet de redécouvrir des thèmes que le réalisateur explore depuis Sixième sens (2000). Ceux qui rendent son cinéma si attachant.
La mort lui va si bien
« Je vois des morts. » Cette phrase du jeune héros de Sixième sens a marqué à jamais la culture populaire. Fasciné par la mort, M. Night Shyamalan conjure le sort en le rendant fascinant. Le héros de Piège trop près d’elle. Nous n’oublierons pas de sitôt les suicides en sautant des immeubles Phénomènesni les psychopathes deIncassable ou de Diviser« La mort me fait peur depuis que je suis enfant, avoue le cinéaste. C’est une façon de l’apprivoiser en jouant avec elle dans mes films. Ce thème est populaire aux États-Unis où le mysticisme est profondément ancré dans la population. » Il s’en donne à cœur joie dans tous ses films ! vieux où il s’attaque à la jeunesse en faisant vieillir les protagonistes de manière accélérée, ne leur laissant qu’un seul jour à vivre.
La folie vient de l’extérieur
Si, comme le prétend Baloo, il en faut peu pour être heureux, il n’est pas nécessaire de faire montre d’un excès d’effets spéciaux pour faire flipper le spectateur. « L’Amérique a toujours eu peur des invasions et j’adore broder sur ce thème, mais je préfère laisser agir l’imagination du public car elle fait parfois mieux le boulot que moi », confie le réalisateur. Panneaux comme ceux de Frappez à la cabine sont aussi redoutables pour les humains qu’ils sont discrets à l’écran. M. Night Shyamalan laisse planer le doute sur leur existence. Il aime jouer la carte de l’isolationnisme poussé à l’extrême dans Le village dans un dénouement dont nous ne dévoilerons pas les détails. Les fins surprenantes sont aussi une marque de fabrique du réalisateur.
Le danger vient de l’intérieur
La folie du personnage principal de Piège couplé à sa gentillesse apparente le rend terriblement dérangeant comme les multiples personnalités qui se cachent dans le corps du tueur de Diviser (brillant interprété par James MacAvoy). « Le mal peut venir de n’importe où et se cacher chez n’importe qui », explique M. Night Shyamalan. « Ce côté paranoïaque est profondément ancré dans la culture et la vie américaines. » Le « tueur en série » de Piège combine deux thèmes en lui-même : sa folie intérieure le rend dangereux lorsqu’il entre dans le stade bondé, le rendant angoissant par sa présence.
Culture (im)populaire
Le cinéma de M. Night Shyamalan puise son inspiration dans la culture populaire, dont il est un fin connaisseur. La réinterprétation du mythe du super-héros tel qu’il le pratique dans Incassable et sa suite Verre Il réinvente les classiques de la bande dessinée. Il les rend d’autant plus émouvants qu’il les place à échelle humaine. « J’ai été influencé par beaucoup de films, de livres et de bandes dessinées, avoue-t-il. Je ne m’en cache pas, mais j’essaie de les adapter à mon propre style pour surprendre le public. » Cette cuisine a conquis le public depuis Sixième sensil y a près d’un quart de siècle. Piègec’est la fascination pour les tueurs en série, particulièrement développée aux États-Unis, qui sert de moteur à l’intrigue d’une chasse à l’homme époustouflante.
Terreur intérieure
La famille est l’un des piliers les plus solides de l’Amérique, un refuge qui, à l’image du pays dans son ensemble, offre un havre de paix dans un monde menaçant. M. Night Shyamalan torpille également ces valeurs rassurantes en mettant en scène un père meurtrier dans Piège« Je trouve particulièrement effrayant de rendre effrayant ce qui devrait apporter chaleur et réconfort », plaisante-t-il. « Quand vos proches se révèlent monstrueux, c’est la fin de tout sentiment de sécurité. » Ce ne sont pas les petits-enfants de La visite qui dira le contraire ! Le cinéaste les fait traquer par leur grand-mère qui ferait passer tante Danielle pour une fée des studios Disney.
Et pourtant on l’aime
Il semblerait que l’Amérique et ses habitants aient un masochisme profondément enraciné (et nous aussi). M. Night Shyamalan ne cesse de produire des films et des succès pour nourrir nos cauchemars et nous en voulons encore plus !