Cela pourrait être l’un des sujets d’étude du personnage fictif Edmond Wellsl’entomologiste de la Trilogie des fourmis de Bernard Werber. Sauf que cette histoire est bien réelle et se déroule à Corte, dans le laboratoire de chimie des produits naturels de l’Université de Corse.
Depuis plusieurs années, une poignée de scientifiques étudient ces petits insectes afin de développer une solution pour arrêter leur invasion inexorable.
« Nous avons un programme soutenu par Odarc (Office de l’agriculture et du développement rural de Corse, ndlr) dont le seul but est de trouver des solutions contre ce tapinoma magnum, explique le directeur du laboratoire, Alain Muselli. Nous travaillons sur deux pistes : un insecticide naturel et une solution à base de phéromones.
Une solution à base de plantes sauvages locales
La première approche est la plus avancée. Elle repose sur la capacité de certaines molécules contenues dans les plantes à exterminer les petites fourmis noires qui sentent le beurre rance. « Nous travaillons à partir de plantes sauvages locales, le scientifique continue. Nous avons une collection de 250 extraits que nous testons petit à petit. L’idée est de développer quelque chose de naturelune alternative aux produits phytosanitaires. »
Autrement dit, un produit qui ne nuit pas à l’environnement et qui est à base d’huile essentielle ou d’hydrolat. Aujourd’hui, les chercheurs parviennent à produire un insecticide qui agit en moins de 30 minutes sur des individus enfermés dans une boîte de Petri.
Une demande d’invention a déjà été déposée, une première étape avant le développement d’un brevet. « Nous souhaitons protéger nos résultats et trouver d’autres partenaires pour mûrir et développer ce projet. »
« Parlez » aux fourmis et guidez-les vers un produit toxique
La deuxième étude concerne directement la façon dont les fourmis communiquentà savoir les phéromones : cette substance chimique qu’ils déposent au sol ou qu’ils laissent s’échapper dans l’air. « On pourrait leur proposer un message pour les orienter vers un produit toxique »explique Alain Muselli.
Si les chimistes de Corte ont identifié, à ce jour, toutes les molécules produites par le tapinome en Corse, il faut maintenant tester leurs effets sur le comportement des insectes.
Il leur faudrait, en quelque sorte, établir un dictionnaire. « C’est très complexe, pour chaque molécule il y a une dimension qualitative mais aussi quantitative. Il faut trouver l’adéquation parfaite pour diffuser le bon message. »
L’aspect économique A toutes ces recherches s’ajoute la question : faut-il extraire les molécules de la nature ou les produire de manière synthétique ? Des liens ont été noués avec l’Institut de Recherche et de Biologie des Insectes de Tours afin de faire avancer plus rapidement ces études.
Quoi qu’il en soit, il reste difficile d’imaginer pouvoir utiliser ces solutions au quotidien. avant cinq à dix ans. « Nous sommes déjà loin derrière la situation, concède le réalisateur en constante recherche de financement. Une thèse devrait débuter en 2025 si tout se passe bien. »