L’Ukraine parviendra-t-elle à éviter le défaut de paiement ? Il ne lui reste plus qu’un mois pour parvenir à un accord avec ses créanciers privés. Une négociation particulièrement difficile sous la pression de la guerre.
Au lendemain de l’offensive russe, plusieurs fonds, dont l’américain Black Rock et le français Amundi, ont accepté volontiers un moratoire sur les remboursements. Ils sont alors devenus des alliés de l’Ukraine, mais ils sont restés des financiers, ils avaient besoin de revenus à court terme pour satisfaire leurs clients, ceux qui leur confiaient leur argent. Le moratoire expirant le 1er août, ils voulaient récupérer leur mise, et il n’était pas question pour eux de la reporter une seconde fois, comme l’a demandé l’Ukraine. Ce qu’ont accepté les créanciers bilatéraux, c’est-à-dire les Etats. En plus du nouveau moratoire, Kiev leur a demandé d’effacer 60 % de cette ardoise de 20 milliards de dollars. Au maximum, ils renonceraient à seulement 20 % de leurs créances.
L’aide occidentale insuffisante ?
L’Ukraine est désormais assurée de recevoir une aide conséquente de ses alliés. Les 50 milliards de dollars promis en juin par le G7, plus le prêt américain de 60 milliards finalement voté par le Congrès, lui donnent un peu de répit, mais cet argent n’a pas encore été versé et sera destiné aux dépenses militaires. L’Ukraine a donc un sérieux problème immédiat pour équilibrer son budget. Elle manque de liquidités selon le FMI. Donner la priorité aux créanciers dans cette crise de trésorerie signifie sacrifier les salaires des fonctionnaires, ou les dépenses sociales, ou encore les dépenses militaires. Impensable pour le président Zelensky. La dette publique de l’Ukraine a augmenté de 50 % depuis le début de la guerre, elle représentera l’équivalent de son PIB d’ici la fin de l’année.
Les créanciers choyés en temps de guerre.
Techniquement, il ne se passera pas grand-chose si l’Ukraine est contrainte de faire défaut parce qu’elle ne s’est pas financée sur les marchés depuis le début de l’offensive russe. Mais en termes de réputation, cela aurait un très mauvais effet. Un pays en guerre soigne généralement ses relations avec ses créanciers. Il est très rare qu’il fasse défaut, note l’universitaire Patrick Shea dans une analyse publiée par The ConversationLa Russie l’a fait en 2022 mais il s’agissait d’un défaut technique, provoqué par les sanctions occidentales. Dans les années 1980, l’Irak, alors en guerre avec l’Iran, avait lui aussi fait défaut. Ces deux pays disposent de ressources abondantes, le pétrole, qui rassurent les prêteurs. Ce n’est pas le cas de l’Ukraine. Au contraire, elle voit son économie se rétracter à cause de la destruction de ses infrastructures ciblées par l’armée russe. Son PIB a perdu un quart de sa valeur en deux ans. Pas très rassurant pour les créanciers qui, en temps de paix, basent leurs prêts sur des perspectives de croissance.
Le contribuable américain à la rescousse ?
L’Ukraine dit vouloir trouver une solution dans les prochaines semaines. Mais à ce jour, aucune solution ne semble satisfaisante. On voit mal les Etats occidentaux payer pour l’Ukraine, cela signifierait que les contribuables américains ou européens renfloueraient un créancier privé. Une option politiquement indéfendable. Mais si l’Ukraine fait défaut, cela signifie que les Etats alliés de l’Ukraine font désormais supporter au secteur privé le coût de la guerre. Pas vraiment rassurant sur la solidité de leur soutien.