Le chef des forces aériennes américaines en Europe et du commandement aérien allié de l’OTAN, le général James B. Hecker, a déclaré la semaine dernière que l’armée de l’air ukrainienne avait adopté une « approche prudente » avec les quelques chasseurs-bombardiers F-16 qu’elle avait récemment reçus. D’autant qu’elle en a déjà perdu un, avec à ses commandes l’un de ses pilotes les plus expérimentés.
« Ils ont de nouveaux pilotes, donc ils ne vont pas les envoyer sur les missions les plus risquées », a déclaré Hecker lors de la conférence Air, Space & Cyber de l’Air Force Association. Hecker a également déclaré que Kiev devait évoluer vers une approche conjointe, car l’armée de l’air ukrainienne est sous-représentée dans l’état-major général, ce qui signifie qu’elle n’a pas nécessairement son mot à dire sur la manière dont les opérations sont menées.
Quant au maintien en condition opérationnelle (MCO) des F-16 livrés, le général Hecker a admis avoir des doutes sur la capacité de la force ukrainienne à l’assurer. « Nous avons formé de nombreux techniciens ukrainiens et, d’après ce que j’ai vu, quand je parle aux instructeurs qui les forment, ils comprennent très vite », a-t-il déclaré. Par ailleurs, le projet de l’administration américaine d’envoyer des sous-traitants privés en Ukraine pour mener à bien cette tâche a été abandonné.
En outre, le général Hecker a déclaré que l’armée de l’air avait abattu « plus de 100 avions russes » et perdu « au moins 75 » appareils. « Cela empêche les deux camps d’utiliser pleinement leurs chasseurs de peur de les perdre », a-t-il noté.
Cela dit, le F-16 n’est pas forcément l’appareil le mieux adapté aux contraintes de l’armée de l’air ukrainienne. Par exemple, son entrée d’air ventrale lui impose une piste parfaitement « propre » pour décoller, ce qui nécessite de disposer d’infrastructures ad hoc. En revanche, pouvant évoluer dans des conditions basiques sans nécessiter de maintenance lourde entre les vols, le JAS-39 Gripen C/D suédois aurait dû être la priorité de Kiev. Mais ce ne fut pas le cas.
Dans une interview accordée à Voice of America le 10 juillet, le ministre suédois des Affaires étrangères Tobias Billström a déclaré que Kiev avait refusé une offre faite par Stockholm de vendre le Gripen.
« Il faut comprendre que l’Ukraine a eu la possibilité de recevoir des F-16 (…) Après tout, le F-16 est plus répandu que le Gripen. Cela n’a rien à voir avec la décision du gouvernement suédois. Une telle décision a été prise parce que l’Ukraine est arrivée à la conclusion qu’avoir deux systèmes en même temps – le F-16 et le Gripen – serait trop compliqué » à gérer, a expliqué le chef de la diplomatie suédoise. Et ce alors que la France venait d’annoncer le don de Mirage 2000-5F à Kiev… Comprendre qui peut.
Mais l’équation pourrait se compliquer encore. La Suède a depuis inclus la livraison de pièces détachées pour Gripen dans son dernier programme d’aide militaire aux forces ukrainiennes, laissant penser que ces dernières ont changé d’avis… Mieux, elles seraient également disposées à recevoir des Eurofighter EF-2000/Typhoon. C’est en effet ce qu’a déclaré Rustem Umyerov, le ministre ukrainien de la Défense, lors d’une interview télévisée le 22 septembre.
« Nous avons déjà des engagements de la part de nos partenaires sur le F-16 et le Mirage. Des consultations sont en cours pour le Gripen et l’Eurofighter », a déclaré Oumierov. « C’est une très bonne liste de plates-formes, et nous discutons de la date à laquelle elles commenceront à arriver », a-t-il ajouté, laissant entendre que des annonces seraient faites prochainement.
Reste à savoir qui pourrait fournir des Eurofighter à l’Ukraine. En Europe, seules les armées de l’air allemande, italienne, autrichienne, espagnole et britannique en disposent. Parmi elles, deux comptent retirer leurs appareils les plus anciens (ceux de la Tranche 1) : la Royal Air Force (30 unités à réduire en pièces détachées) et l’Aeronautica Militare (26 appareils).
Quoi qu’il en soit, selon Oumérov, les forces russes ont déployé jusqu’à 300 avions et 300 hélicoptères en Ukraine. « C’est pourquoi nous insistons auprès de nos partenaires sur le nombre d’escadrilles dont nous avons besoin », a-t-il déclaré. « À cet égard, nous leur expliquons pourquoi nous avons besoin de tels systèmes », a-t-il conclu.
Photo : Royal Air Force