L’UE veut mieux exploiter sa taille face à la Chine et aux Etats-Unis – 18/04/2024 à 11:30
Les dirigeants de l’Union européenne rencontrent le roi Philippe à Bruxelles le 17 avril 2024 (POOL / Olivier HOSLET)
L’Union européenne est en train d’être déclassée par la Chine et les Etats-Unis et doit réagir rapidement pour exploiter pleinement le potentiel de son marché de 450 millions d’habitants, un projet que les dirigeants européens ouvrent jeudi à Bruxelles.
Le marché unique existe depuis plus de trente ans et a contribué à l’émergence des géants européens de la chimie, de l’aéronautique et de l’automobile. Mais il souffre d’angles morts. La finance, les télécoms, l’énergie et la défense restent des secteurs fragmentés par des réglementations nationales divergentes qui pénalisent la compétitivité.
« Il n’y a pas de temps à perdre car l’écart entre l’UE et les Etats-Unis se creuse de plus en plus », a déclaré l’ancien chef du gouvernement italien Enrico Letta, auteur d’un rapport sur l’avenir du marché intérieur discuté jeudi matin par les chefs d’État. d’État et de gouvernement de l’UE réunis lors d’un sommet à Bruxelles.
« La question fondamentale est d’éviter la fragmentation, il y a des obstacles qui existent depuis des années et des années. Il faut pousser (ce sujet) aujourd’hui car la déconnexion est là », a-t-il ajouté.
Le Vieux Continent, en déclin démographique, perd pied dans la course mondiale à l’innovation, qu’il s’agisse des batteries ou de l’intelligence artificielle.
Son industrie a été frappée par la hausse des prix de l’énergie depuis l’invasion russe de l’Ukraine. Elle cède face à la concurrence étrangère qui bénéficie de subventions massives et d’une réglementation réduite.
L’UE est embourbée dans la stagnation. Sa croissance a culminé en 2023 à 0,4%, contre 2,5% aux Etats-Unis et 5,2% en Chine.
Le chancelier allemand Olaf Scholz s’exprime au début d’un sommet européen à Bruxelles le 17 avril 2024 (AFP / KENZO TRIBOUILLARD)
« Un changement radical est ce dont nous avons besoin », a déclaré mardi l’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, régulièrement cité comme successeur potentiel d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne. et qui doit remettre un rapport sur la compétitivité cet été.
Les Vingt-Sept cherchent à définir les orientations stratégiques du prochain quinquennat qui s’ouvrira après les élections européennes de juin.
– « Un volume financier gigantesque » –
« Il existe un volume financier gigantesque, l’épargne des Européens, et aujourd’hui une partie substantielle de cette épargne sort de l’UE et n’est pas mobilisée pour soutenir l’innovation », a souligné le président du Conseil européen, Charles Michel.
Le président français Emmanuel Macron répond aux questions des journalistes à Bruxelles le 17 avril 2024 (AFP / Ludovic MARIN)
Cependant, l’Europe se trouve confrontée à un mur d’investissement. Rien que pour sa transformation écologique et numérique, elle doit investir plus de 620 milliards d’euros par an, selon la Commission. A cela s’ajoutent des dépenses militaires pour soutenir l’Ukraine face à la Russie, un effort estimé par la BCE à 75 milliards d’euros par an.
L’union des marchés des capitaux doit contribuer à briser ce « mur » en canalisant l’épargne vers l’économie réelle.
La réunion de jeudi devrait donner un nouvel élan politique à ce projet enlisé depuis 10 ans dans des débats techniques, sur fond d’intérêts nationaux divergents.
Les petits pays refusent de se voir imposer une surveillance financière européenne, notamment par la France, qui abrite l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) à Paris. L’harmonisation de la fiscalité ou du droit des faillites constitue également un casse-tête jusqu’ici insurmontable.
« Nous devons éviter de trop bureaucratiser, de trop réglementer et aussi de trop centraliser, comme le recommandent certains Etats », a déclaré le Premier ministre luxembourgeois Luc Frieden.
En janvier, à Davos, le président français Emmanuel Macron a également appelé à mobiliser des fonds publics via un nouvel emprunt européen commun, après le plan de relance historique de 800 milliards d’euros initié en 2020.
L’ancien chef du gouvernement italien, Enrico Letta, auteur d’un rapport sur l’avenir du marché unique, et le président du Conseil européen Charles Michel s’expriment lors d’une conférence de presse à Bruxelles le 17 avril 2024 (AFP / Kenzo TRIBOUILLARD)
Mais l’idée est rejetée par les pays dits « frugaux » du nord de l’Europe, comme l’Allemagne, la Suède ou les Pays-Bas, qui refusent d’être sollicités pour financer les besoins des pays plus méridionaux. endetté.
« Ce dont nous n’avons pas besoin, c’est d’une nouvelle dette européenne commune », a répété la semaine dernière le ministre allemand des Finances Christian Lindner. « Le sujet n’est pas sur la table », a déclaré un diplomate européen avant le sommet.