l’UE adopte un texte majeur du Green Deal, soutien surprise de l’Autriche
Les États de l’UE ont définitivement adopté lundi une législation clé du Green Deal exigeant la restauration des écosystèmes endommagés, la ministre autrichienne de l’Environnement ayant défié son propre gouvernement de soutenir le texte après des mois de blocage.
La décision, soutenue par 20 Etats sur 27 lors d’une réunion des ministres de l’environnement à Luxembourg, ouvre la voie à l’entrée en vigueur de ce texte destiné à enrayer la perte de biodiversité – et dont l’impact sur l’agriculture a été débattu. Il avait déjà été validé par les députés.
Twist : l’Autriche, qui avait officiellement choisi de s’abstenir en raison des divisions au sein de la coalition au pouvoir, a finalement voté pour. Le chancelier conservateur Karl Nehammer a pris la décision. » illégal « le vote de sa ministre écologiste Leonore Gewessler, et a annoncé « introduire un recours en annulation » devant la justice européenne.
Le Belge Alain Maron, dont le pays assure la présidence tournante de l’UE, a estimé qu’il s’agissait d’un « querelle interne » à l’Autriche, la seule à compter le vote des ministres. « Pas de pause environnementale (…) c’est notre devoir de répondre à l’urgence de l’effondrement de la biodiversité »a commenté ce leader écologiste.
Une législation dont l’adoption est qualifiée de « victoire historique » par l’ONG environnementale WWF, exige la mise en place d’ici 2030 de mesures de restauration des écosystèmes sur 20% des espaces terrestres et marins à l’échelle de l’UE, et la restauration de 30% des habitats (zones humides, forêts…) en mauvais état.
D’autres dispositions visent à améliorer les critères mesurant la santé des forêts, à supprimer les barrages sur les cours d’eau, à enrayer le déclin des abeilles.
Après d’âpres négociations, notamment concernant le secteur agricole, les négociateurs du Parlement européen et des Etats se sont accordés mi-novembre 2023 sur une version très édulcorée de cette législation. « restauration de la nature »un accord ratifié fin février par les députés européens.
Mais le feu vert définitif et formel des Vingt-Sept, indispensable, s’est fait attendre, faute de majorité requise (au moins 15 pays représentant 65% de la population de l’UE) : trois États (Suède, Pays-Bas, Italie) entendaient ont voté contre et cinq (Belgique, Autriche, Pologne, Finlande, Hongrie) se sont abstenus.
Ils étaient particulièrement alarmés par les nouvelles taxes imposées aux agriculteurs, les obstacles à la puissante foresterie des pays scandinaves ou l’ingérence croissante de l’UE.
« Tournant »
Lundi, seule la ministre autrichienne a changé de position, ce qui a suffi à modifier le résultat du vote.
« Ma conscience me dit sans équivoque que lorsque le bonheur des générations futures est en jeu, des décisions courageuses s’imposent »martela Mme Gewessler, saluant « de bons compromis et des mesures équilibrées ».
« Le temps des arguties politiques et idéologiques est derrière nous »a réagi le commissaire européen à l’Environnement Virginijus Sinkevicius, rappelant que le texte reflète les objectifs adoptés lors de la COP15 Biodiversité à Montréal en 2022.
Pour la ministre espagnole Teresa Ribera, les États devaient ratifier le compromis qu’ils avaient eux-mêmes conclu avec le Parlement européen : « C’est une question de cohérence. Il serait difficile, voire dangereux en termes de crédibilité des institutions, de revenir en arrière. »elle a prévenu.
Son homologue français Christophe Béchu s’est félicité d’un vote autorisant « préserver pour les générations futures les services rendus par les écosystèmes pour garantir nos moyens de production et notre résilience ».
La fin du marathon institutionnel a été saluée comme « un tournant pour la nature et la société » par une coalition d’ONG environnementales (BirdLife, ClientEarth, WWF, Bureau européen de l’environnement), appelant les États à appliquer le texte « correctement et sans délai ».
La législation « contribuera à renforcer la résilience des mers, le plus grand réservoir de carbone, en luttant contre la pêche destructrice »en arrière depuis « discours anti-environnemental » ayant marqué la campagne européenne, fait écho Nicolas Fournier, d’Océana.
A l’inverse, la Confédération européenne des propriétaires forestiers a condamné, par la voix de son vice-président, « une législation synonyme de surréglementation et de bureaucratie (…) mettant la nature sous couverture ».
« On ne peut pas nous dire d’en haut comment gérer notre exploitation : si nous pensons aider la nature sur commande, ça ne marche pas »a réagi le principal syndicat agricole allemand.
L’impact du texte dans les zones rurales a déclenché une violente bataille politique l’année dernière, les députés européens de droite y voyant une menace pour la sécurité alimentaire. Cela a alimenté la colère des agriculteurs début 2024 malgré les vastes flexibilités introduites.