Loup en Gironde. "Je ne pensais pas qu'on me croirait" : les éleveurs sont mécontents
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Loup en Gironde. « Je ne pensais pas qu’on me croirait » : les éleveurs sont mécontents

Loup en Gironde. « Je ne pensais pas qu’on me croirait » : les éleveurs sont mécontents

LLe ciel leur est tombé sur la tête. Ce n’est pas tous les jours qu’on se retrouve avec un loup dans son quartier. Ayant déjà beaucoup à faire avec les chiens errants, les éleveurs de Haute Gironde se seraient passés d’eux. Le chien est chez eux et il a tué. En l’occurrence, des moutons qui évoluaient en liberté dans les pâturages de ce secteur de marais en bordure de l’estuaire de la Gironde, au nord du département.

Révélée par « Sud Ouest » ce lundi 21 octobre, la présence du loup fait jaser à Blaye, la capitale de 5 000 habitants située à quelques kilomètres des prés où ont été retrouvées les restes mutilés du mouton qu’il ciblait. « Dans les milieux de la chasse, on parle depuis un moment des loups. Il y a trois semaines, paraît-il, un troupeau a été mangé à Mortagne, en Charente-Maritime», raconte l’employé d’un bar de la commune. Les discussions se sont bien déroulées… et la rumeur est devenue réalité.


Le secteur des marais du Blayais, où ont eu lieu les attentats, est situé à proximité de la centrale nucléaire de la Gironde.

Fabien Cottereau / SO

« La stratégie d’attaque était particulière, un chien errant n’aurait pas fait ça »

Attaques confirmées

En charge des questions relatives aux grands prédateurs, l’Office français de la biodiversité (OFB) est catégorique. Au moins deux attaques survenues en Blayais sont imputables aux loups. Une à Braud-et-Saint-Louis le 13 octobre, au sein du site ornithologique des Terres d’oiseau où paît un troupeau du Conservatoire du Littoral : quatre brebis sont mortes. L’autre, 30 kilomètres plus loin, à Cézac, le 18 octobre : là, le bilan est de trois moutons.

« Lors d’une attaque, notre attention se porte d’abord sur le mode opératoire et sur ce qui a été consommé sur les restes – au total nous disposons de 50 critères d’analyse », explique Yann de Beaulieu, adjoint au directeur régional de l’OFB. Nous avons également eu des photos du loup prises par un piège photographique à Terre d’oiseau. Tout cela a confirmé qu’il s’agissait bien du loup. »

Un loup a été photographié par un piège situé dans le domaine du parc ornithologique des Terres d'oiseau, une réserve naturelle de Haute Gironde.


Un loup a été photographié par un piège situé dans le domaine du parc ornithologique des Terres d’oiseau, une réserve naturelle de Haute Gironde.

Fabien Cottereau / SO

«Je ne pensais pas que quiconque me croirait. » Kelly Belly est vigneronne et berger au Val-de-Livenne. Son cheptel est composé d’une centaine de moutons. C’est lui qui a donné l’alerte. « Je suis parti en vacances, je suis revenu trois jours plus tard : on m’a prévenu que mon troupeau avait eu un problème », témoigne-t-il. Six de ses moutons ont été tués et quinze autres blessés le 19 août. « La stratégie d’attaque était particulière et le troupeau était vraiment dans un endroit isolé : il fallait vraiment que le prédateur le détecte et franchisse de nombreux obstacles. Un chien errant n’aurait pas fait ça. »


Kelly Belly doit désormais garer ses animaux près de chez lui pour éviter de les laisser à la merci d’un loup.

Fabien Cottereau / SO

Le berger décide alors de saisir Lydia Héraud, conseillère régionale et présidente de la Communauté de Communes de l’Estuaire. Elle contacte alors l’OFB qui décide de poser des pièges photographiques pour étudier la question. Ironiquement, c’est l’appareil photo d’un particulier qui a finalement pris la fameuse photo du loup. « C’est pour cela que nous ne pouvons pas dévoiler cette image, elle ne nous appartient pas », explique l’OFB. Et nous ne voulons pas que cela pousse les gens à s’attaquer aux loups, qui sont une espèce protégée. »


La préfecture recommande d’enclore les animaux susceptibles d’être attaqués par un loup.

Fabien Cottereau / SO

Lundi, la préfecture a demandé aux « éleveurs du secteur » de « mettre leurs troupeaux à l’abri ». A Anglade, près du Val-de-Livenne, l’éleveur Lionel Egretier n’a pas attendu cette communication pour agir. Ses 120 moutons sont parqués depuis un moment : « J’ai eu deux moutons morts en août, j’ai pris des mesures. » Il est persuadé que c’est l’œuvre du loup : « En quinze ans d’activité je n’ai pas eu d’attaque, sauf une, avec des chiens errants. » A ce stade, il envisage de vendre ses animaux.

Tradition interrompue

Kelly Belly a également parqué son troupeau chez lui. « Nous allons les nourrir ici », dit-il. Ses moutons ont besoin de beaucoup d’herbe. En été, après la fauche, ils étaient relâchés dans les marais qu’ils entretenaient en mangeant l’herbe des repousses. Avec le « retour » du loup, cette tradition est donc interrompue. Ce qui n’est pas sans affecter le berger de 40 ans, qui s’est lancé dans la vente d’agneau il y a vingt ans. Une activité qui lui procure un complément de revenu important. L’éleveur est aussi vigneron, et les vins de Bordeaux sont en pleine crise commerciale…

« Je pense que chaque animal a sa place dans son environnement mais, ici, nous n’avons pas assez de forêts pour que le loup puisse vivre »

Ce qu’il faut faire? « Attrapons le loup et relâchons-le ailleurs », a-t-il déclaré. Là, maintenant, j’ai vu ce que j’entendais aux informations sur mes collègues des autres départements. Je pense que chaque animal a sa place dans son environnement, mais ici nous n’avons pas assez de forêts pour que le loup puisse vivre. »


Dans sa ferme pédagogique de Cézac, Guillaume Nivelle possède toutes sortes d’animaux, dont certains sont appréciés des loups.

archives Marie-Christine Wassmer

A Cézac, au cœur de la ferme pédagogique Califourchon, Guillaume Nivelle a fait venir quelques-unes de ses cinquante brebis – « nos brebis et nos chèvres naines » notamment. Et, désormais, le reste de ses animaux sont mis avec des ânes et des lamas : « Je doute que le loup les attaque », assure l’éleveur.

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