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Louer des vêtements plutôt que les acheter est-il vraiment plus bénéfique pour la planète ? – Edition du soir Ouest-France

Louer des vêtements plutôt que les acheter est-il vraiment plus bénéfique pour la planète ? – Edition du soir Ouest-France

Par Pauline MUNTEN, Joëlle VANHAMME et Valérie SWAEN.

Louer des vêtements plutôt que les acheter est une bonne idée pour l’environnement. La réalité est plus complexe, car ne pas acheter et se comporter de manière responsable ne sont pas synonymes. Loin de là.

Louer ses vêtements plutôt que les acheter serait-il meilleur pour la planète ? À l’heure où l’industrie textile est pointée du doigt pour son impact environnemental, les services de location de vêtements promettent aux consommateurs de renouveler sans cesse leur garde-robe tout en réduisant leur empreinte carbone. Mais cette solution est-elle vraiment aussi éco-responsable qu’il y paraît ?

C’est la question posée par nos récents travaux de recherche. Nous avons choisi d’examiner les effets cachés du comportement des consommateurs qui utilisent ces services de l’économie collaborative basés sur l’accès aux biens (access-based services, ou ABS), et non sur leur possession.

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Attention à l’effet rebond

Nos études qualitatives et quantitatives mettent ainsi en lumière une réalité surprenante : la location de vêtements, loin de toujours réduire l’empreinte écologique, peut au contraire inciter à une consommation accrue chez certains types de consommateurs ! En question? L’effet rebond, un phénomène qui se produit lorsque les gains environnementaux attendus sont réduits, annulés, voire inversés, par des comportements compensatoires des consommateurs.

Ces questions s’inscrivent dans un débat plus large sur les limites des solutions perçues comme écologiques et sur la manière dont les consommateurs et les entreprises peuvent réagir pour éviter les écueils d’une surconsommation qui ne dit pas son nom.

Les services basés sur l’accès reposent sur une idée simple : au lieu de posséder un bien, le consommateur en bénéficie temporairement en échange du paiement d’une contribution monétaire. La possession n’est plus un impératif. Ce changement de paradigme a été rendu possible par l’essor des plateformes numériques dans les transports (Uber), l’hébergement de loisirs (Airbnb), l’électroménager et plus récemment la mode.

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Flexibilité populaire

La location de vêtements, autrefois réservée aux occasions spéciales comme les mariages ou les galas, est désormais accessible pour un usage quotidien. Des plateformes comme Le Closet ou Coucou permettent aux consommateurs de louer des vêtements de marque pour quelques jours ou semaines, avant de les restituer pour en louer de nouveaux.

Les consommateurs apprécient particulièrement la flexibilité et la variété qu’offrent ces services. Ils peuvent ainsi suivre les tendances de la mode sans s’engager sur le long terme, tout en participant à un modèle de consommation présenté comme plus responsable. La production textile est en effet l’une des industries les plus polluantes, notamment depuis l’avènement de la fast fashion. En principe, souscrire à un service de location de vêtements devrait conduire non seulement à limiter la quantité de vêtements produits, mais aussi à prolonger leur durée de vie en les proposant à plusieurs utilisateurs successifs.

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Quand le remède devient poison

En interrogeant 31 utilisateurs de plateformes franco-belges de location de vêtements, nous avons identifié différents effets rebond qui « défont » l’idée selon laquelle il est forcément plus durable de louer ses vêtements plutôt que de les acheter.

Des effets rebond se produisent lorsque des gains d’efficacité ou des pratiques supposées durables, comme la location de vêtements, conduisent paradoxalement à une augmentation de la consommation.

La facilité d’accès, la variété et le faible coût des vêtements loués peuvent inciter à une utilisation plus fréquente du service, voire à des achats impulsifs de vêtements (certains achètent même les vêtements qu’ils ont loués !), ce qui peut annuler les bénéfices environnementaux attendus de la location par rapport à achat (effet rebond direct).

En revanche, une personne qui économise de l’argent en louant des vêtements peut utiliser ces fonds pour acheter d’autres biens ou services dans d’autres catégories de produits (produits high-tech, voyages, équipement de la maison, etc.), augmentant ainsi sa consommation totale et son empreinte écologique.

Il est crucial de comprendre que ces effets ne sont pas homogènes et varient en fonction des groupes de consommateurs et de leurs motivations psychologiques. C’est ce que montre notre étude quantitative réalisée auprès de 499 utilisateurs.

Le rebond n’est pas le même pour tout le monde

Ainsi, l’étude révèle deux groupes, parmi les cinq identifiés lors de l’analyse, représentant environ un quart des utilisateurs de services de location de vêtements, particulièrement susceptibles de présenter des effets rebond négatifs.

Le groupe des « chercheurs de stimulation et de plaisir » (7 %) se caractérise par une forte recherche de stimulation et de motivations hédonistes et est majoritairement composé d’hommes. Pour eux, la location de vêtements ne réduit pas leur consommation globale, mais au contraire, elle peut l’augmenter en stimulant leur désir de nouveauté et de diversité.

Le groupe des « jeunes citadins apathiques » (18 %) présente des comportements paradoxaux : s’ils ne sont pas particulièrement motivés par le plaisir ou la stimulation, et réduisent leur consommation de vêtements grâce à la location, ils augmentent leurs achats dans de nombreux domaines. d’autres catégories de produits après avoir loué des vêtements. Ils sont également les moins économes, ce qui renforce leur propension aux comportements de rebond indirect. Il s’agit généralement d’hommes jeunes, citadins, souvent célibataires et très instruits. Ces résultats soulignent la nécessité d’aborder la diversité des comportements de consommation au sein de l’économie du partage et d’adapter les stratégies à chaque groupe de consommateurs.

Autres pistes pour une mode responsable

Bien que les services basés sur l’accès aient le potentiel de motiver des habitudes de consommation plus durables, ils peuvent également encourager des comportements qui annulent ces avantages, ou pire encore… Ce constat remet donc en question l’idée selon laquelle la location de vêtements est toujours synonyme de durabilité.

Quelles pistes pour une mode plus responsable ? À mesure que les services basés sur l’accès gagnent en popularité, il devient crucial de comprendre comment maximiser leur potentiel écologique tout en minimisant les effets rebond indésirables. Pour cela, les entreprises comme les consommateurs doivent sans doute repenser leur approche.

Les implications pour les gestionnaires et les décideurs politiques sont claires : il ne suffit pas de promouvoir la location de vêtements comme solution durable. Avec environ un quart des utilisateurs de services de location de vêtements susceptibles de présenter des comportements de rebond négatifs, il est essentiel d’identifier ces consommateurs et de leur fournir des informations et des incitations adaptées pour limiter ces effets.

Trouver d’autres incitations

Les stratégies de communication des loueurs doivent être différenciées selon les segments de consommateurs. Pour les personnes en quête de stimulation et de plaisir, des incitations de type hédonique sans rapport avec les vêtements loués, comme des concours, des jeux, des récompenses ou des cadeaux, peuvent s’avérer efficaces. Pour les consommateurs apathiques, des rappels sur les conséquences négatives de leurs comportements peuvent les amener à réfléchir davantage à leurs choix.

Les entreprises doivent veiller non seulement à mettre en avant les aspects hédoniques inhérents à la location de vêtements, car cela peut involontairement renforcer les effets rebond négatifs. Au lieu de cela, ils pourraient mettre l’accent sur les avantages écologiques et encourager la co-création de valeur avec les consommateurs pour répondre à leurs besoins tout en réduisant l’impact environnemental.

Les services de location de vêtements pourraient ainsi encourager une location plus responsable et à long terme de produits éco-conçus par des marques partageant les mêmes valeurs écologiques. Au lieu de favoriser une rotation rapide des articles, ils pourraient encourager les utilisateurs à réduire la fréquence des échanges et à limiter le nombre d’articles pouvant être loués en même temps.

Des efforts tous azimuts

Les entreprises pourraient également sensibiliser les consommateurs à l’impact environnemental de leurs choix, par exemple en fournissant des données sur l’empreinte carbone des vêtements loués, ou sur le nombre de fois qu’un vêtement loué a déjà été porté. que s’il avait été acheté.

Les entreprises du secteur de la location de vêtements devraient collaborer pour partager des informations et développer une compréhension plus approfondie des impacts environnementaux de leurs pratiques. En travaillant ensemble, ils peuvent mieux cibler les segments de consommateurs et promouvoir des pratiques de consommation plus responsables.

De leur côté, les clients jouent également un rôle essentiel dans la transformation de la mode vers une consommation plus réfléchie. Pour cela, ils doivent repenser leur rapport à la mode et à la consommation. Une première étape serait d’adopter une approche minimaliste, privilégiant la qualité des vêtements plutôt que la quantité.

Les consommateurs peuvent également opter pour des pièces « éthiques », fabriquées de manière responsable, qui allient style et durabilité. Et posez-vous la question avant de louer un vêtement : « En ai-je vraiment besoin ? », « Vais-je le porter plusieurs fois ? » Cette réflexion peut permettre d’éviter les locations impulsives et donc de réduire l’impact environnemental.

Transformer les plateformes de location de vêtements en véritables leviers de durabilité nécessite donc une volonté partagée des consommateurs et des entreprises. Ce n’est que grâce à des efforts combinés que ces services basés sur l’accès pourront réaliser leur promesse initiale : réduire l’empreinte carbone de la mode tout en répondant aux aspirations des consommateurs.

Informations sur les auteurs : Pauline MUNTEN, chercheuse et assistante marketing, Université Catholique de Louvain ; Joëlle VANHAMME, professeur de marketing, EDHEC Business School ; Valérie SWAEN, professeur ordinaire, présidente du Louvain Research Institute in Management and Organizations, UCL.

La version originale de cet article a été publiée dans La conversation.

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