L’OTAN veut une application plus stricte de ses normes pour la production d’obus de 155 mm
Même s’ils sont censés répondre à la même norme OTAN (STANAG 4425), les obus d’artillerie de 155 mm utilisés par les Alliés ne partagent pas forcément les mêmes spécifications. Et ce n’est pas sans conséquences au niveau opérationnel, comme le démontre une enquête de terrain menée par l’US Army War College auprès de trois des huit groupements tactiques multinationaux déployés sur le flanc est de l’Alliance.
Les commandants de ces derniers ont expliqué que « les politiques nationales empêchaient l’échange de munitions », ce qui « pouvait entraver l’interopérabilité en temps de guerre et nuisait sans aucun doute à l’efficacité opérationnelle en temps de paix », ont observé les auteurs de l’étude.
La norme fixée par l’OTAN a une portée générale… car elle offre suffisamment de latitude aux industriels des pays membres pour leur permettre de définir leurs propres spécifications en la matière. C’est ce qu’avait déploré en octobre dernier l’amiral Rob Bauer, le chef du comité militaire de l’OTAN. Et il avait fait un parallèle avec les fabricants d’imprimantes.
« Un fabricant ne s’enrichira pas avec les imprimantes qu’il fabrique, mais avec les cartouches d’encre qu’il vend. (…) Si vous produisez des munitions qui ne conviennent qu’aux armes que vous fabriquez, vous obligez les utilisateurs à vous les acheter », explique l’amiral Bauer. Ce qui expliquerait en partie l’augmentation du prix d’un obus d’artillerie, passé de 2 000 euros pièce avant le début de la guerre en Ukraine à 8 000 euros aujourd’hui.
Selon l’amiral Bauer, quatorze pays de l’OTAN se sont écartés du STANAG 4425… ce qui signifie qu’il existe « quatorze types différents de munitions de 155 mm ».
Pourtant, tous les obusiers de 155 mm en service dans les pays de l’OTAN peuvent théoriquement tirer n’importe quel obus de ce calibre… mais à condition que leurs opérateurs disposent de tables de tir tenant compte de leurs spécifications pour ne pas perdre en précision. Or, souvent pour des raisons politiques, ce n’est pas le cas.
« Derrière toute cette affaire de munitions se cachent des intérêts commerciaux très importants. Les entreprises gagnent de l’argent grâce au fait que les munitions ne sont pas interchangeables et peuvent dominer leur marché intérieur », a déclaré à Reuters une source du secteur. Il en va de même pour les obus de 120 mm, qui sont tirés par des chars lourds.
L’Otan veut également mettre un terme à cette situation, mise en évidence par l’aide militaire apportée à l’armée ukrainienne. Ainsi, lors de son prochain sommet, qui se tiendra du 9 au 12 juillet à Washington, elle entend appeler les alliés à augmenter leur production de munitions… et à revenir à une application plus stricte de ses normes pour que les projectiles soient « interopérables » sur le champ de bataille.
« L’Ukraine a montré que notre standardisation est bonne sur le papier mais pas sur le terrain », a déclaré à Reuters un responsable de l’OTAN. « Un monde dans lequel il existerait un seul obus standardisé de l’OTAN, où chaque allié produirait la même chose, serait un monde beaucoup plus simple pour les commandants militaires, qui n’auraient aucun doute sur le fait que tout le monde utilise les mêmes munitions », a-t-il expliqué plus tard.
L’OTAN souhaite par ailleurs s’assurer que les fabricants partagent plus largement les spécifications des munitions qu’ils produisent et simplifient les tables de tir.
Reste à savoir ce qu’en penseront les pays membres et les industriels concernés… D’autant qu’il existe différents types d’obus de 155 mm en fonction des effets que l’on souhaite obtenir. De plus, les aspects technologiques doivent également être pris en considération. Mettre tout le monde sous le même toit pourrait rendre la concurrence encore plus féroce… et faire baisser les prix.
Photo : EMA