L’orgueil de Netanyahu façonne son avenir et celui de ses multiples adversaires
« Celui qui sème la violence récolte la vengeance. » Cette maxime résume à elle seule l’ère Netanyahu. Non pas que nous devrions absoudre le Hezbollah et le Hamas de leurs responsabilités dans la violence régionale, mais le Premier ministre israélien fait un pas en avant en frappant sur de multiples sols étrangers sans penser à l’avenir. Sous son mandat, Israël s’est imposé comme un rempart contre le « croissant chiite » qui s’étend de Téhéran à Beyrouth, en passant par Bagdad, Damas et Sanaa. Mais chaque frappe israélienne, chaque raid militaire alimente un cycle de haine qui éloigne Israël de la sécurité durable qu’il prétend rechercher.
Des enfants de la guerre aux combattants de demain
M. Netanyahu semble ignorer une réalité : sa politique de représailles systématiques produit l’effet inverse de celui escompté. Chaque destruction sème la haine dans l’esprit des jeunes Palestiniens et Libanais qui grandissent au milieu des ruines et du deuil. Elle forge ainsi les combattants armés de demain, jeunes témoins impuissants des violences qui ravagent leur famille et leur foyer. Psychologiquement préparés à une vengeance qu’aucun cessez-le-feu ne peut apaiser, ils deviennent les futurs ennemis de l’État israélien.
Il est impensable qu’un territoire aussi petit que le Liban ou Gaza puisse subir plus de 1 000 frappes quotidiennes sans que cela n’ait un effet radical. Chaque missile scelle le sort de ces jeunes, transformés en futurs opposants résolus, prêts à prendre les armes pour venger leurs proches disparus. Ce terrain fertile pourrait bien donner naissance à de nouvelles milices, comme le Hezbollah ou le Hamas, prêtes à défier Israël. Ces groupes se régénèrent comme des chardons dont les tiges sont coupées, mais qui, inévitablement, repoussent plus épineux, plus robustes, défiant ceux qui tentent de les éradiquer.
Cycle de vengeance transgénérationnelle
Mais cette dynamique ne s’arrête pas là. Les enfants qui grandissent en voyant leurs maisons détruites et leurs familles décimées sont les véritables héritiers de ce conflit. M. Netanyahu façonne également les militants de demain qui poursuivront une lutte que leurs parents n’ont pas pu gagner. Mais cette colère ne se limite plus aux habitants des zones bombardées. Cela s’étend aux diasporas qui, impuissantes, alimentent l’activisme mondial. Ces « combattants venus de loin » transformeront cette indignation en une farouche opposition internationale.
Dans le même temps, le Liban se prépare à un bouleversement démographique sans précédent. Près d’un million de chiites fuient le Sud bombardé, rejoignant les rangs des près de deux millions de réfugiés syriens et palestiniens déjà présents –
même si le contingent des premiers, qui avait atteint près du quart de la population à son apogée, a probablement été fortement réduit depuis le début de l’offensive israélienne. Cette « marée humaine », composée de personnes déplacées par la guerre et de réfugiés sur leurs propres terres, va provoquer un « grand déplacement », bouleversant le fragile équilibre communautaire du pays. Ces combattants déplacés prendront différentes formes : certains rejoindront des milices armées, d’autres combattront sur des bases diplomatiques, sociales ou humanitaires, résistant à l’injustice qui les a déracinés.
Le désir de vengeance qui naît dans les ruines de Gaza, Beyrouth ou Nabatiyé dépasse les frontières du Moyen-Orient. Elle s’étendra aux diasporas juives, vues par certains extrémistes comme complices d’un État oppresseur. Par son orgueil excessif, Benjamin Netanyahu crée involontairement de nouvelles cibles vulnérables, exposées à une recrudescence des attaques antisémites en Europe, alimentées par la colère. Son obstination à remodeler le Moyen-Orient par la seule force le plonge dans une erreur stratégique similaire à celle des États-Unis après le 11 septembre, qui n’a fait qu’engendrer le désordre et la montée du terrorisme.
Mais au-delà des pertes humaines, le Premier ministre israélien scelle aussi le destin économique de son pays. Avec la fermeture de 46 000 entreprises et la réticence croissante des firmes internationales à investir dans un pays synonyme de conflit permanent, le rêve de faire d’Israël la « Silicon Valley » du Moyen-Orient s’évapore. Netanyahou crée ainsi malgré lui des « combattants économiques » : des investisseurs, des multinationales et des partenaires commerciaux qui, à travers désinvestissements et embargos, priveront Israël des ressources nécessaires à sa survie.
Désastre politique de l’arrogance
Enfin, le dirigeant israélien a franchi un nouveau seuil d’arrogance en exigeant du secrétaire général de l’ONU le retrait immédiat des 11 000 soldats de la FINUL stationnés au Liban, tout en le déclarant persona non grata. Cette exigence est l’image d’un dirigeant convaincu de pouvoir réécrire à sa guise les règles diplomatiques de la scène internationale, décidant de qui entre et de qui sort. Son cynisme culmine lorsqu’il exige que « les forces de la FINUL soient mises hors de danger », alors que c’est justement son armée qui les met en danger. Cette arrogance forge les futurs opposants diplomatiques de demain : les États et gouvernements occidentaux, sous la pression d’électeurs conscients des droits de l’homme et de la cause palestinienne, qui pourraient revoir leur soutien à un Israël devenu indéfendable.
Sur les campus universitaires les plus prestigieux d’Europe et d’Amérique du Nord, se forme déjà une nouvelle génération de futurs décideurs et « combattants intellectuels », ni palestiniens ni libanais, mais engagés dans la défense des droits de l’homme. L’idée selon laquelle Israël est en train de devenir un paria mondial n’est plus une hypothèse, mais une réalité qui émerge peu à peu, portée par ces futurs dirigeants qui orienteront leur politique étrangère en opposition à l’État juif.
Si Israël persiste sur cette voie, il se condamne à un cycle sans fin de violence et de rébellion, piégé dans une spirale dont il ne pourra pas sortir. La vengeance façonnera les relations d’Israël avec ses voisins pendant des décennies. En fin de compte, Israël se retrouvera face à des vagues successives d’opposants, forgés dans les flammes d’un orgueil démesuré qui, au lieu de garantir la sécurité, ne laisse dans son sillage que destruction, haine et un avenir que personne, ni à Tel Aviv ni ailleurs, ne peut espérer. en ressortir indemne.
Anthony TRAD, Master en conflits à la London School of Economics and Political Science (LSE)
Sébastien BOUSSOIS, Chercheur en sciences politiques associé au CNAM et directeur de l’Institut géopolitique européen (Bruxelles)
NB : Cet article a été modifié le 19/10 pour corriger une faute de frappe au nom d’un des auteurs.
« Celui qui sème la violence récolte la vengeance. » Cette maxime résume à elle seule l’ère Netanyahu. Non pas que nous devrions absoudre le Hezbollah et le Hamas de leurs responsabilités dans la violence régionale, mais le Premier ministre israélien fait un pas en avant en frappant sur de multiples sols étrangers sans penser à l’avenir. Sous son mandat, Israël s’est établi en…