« Loi étrange », « zone grise »… Pourquoi y a-t-il autant d’attaques à l’arbalète outre-Manche ?

Le Royaume-Uni est sous le choc. Mardi, trois femmes de 25, 28 et 61 ans ont été tuées à l’arbalète. Kyle Clifford, le suspect du triple meurtre, a été arrêté mercredi soir après une chasse à l’homme à Londres. Ce n’est pas la première fois que les Britanniques sont secoués par un incident violent au cours duquel une arbalète a été utilisée. En 2021, le pays du thé avait suivi avec stupeur l’arrestation d’un homme de 21 ans qui projetait de tuer la reine Elizabeth II. Il avait été découvert armé d’une arbalète près des appartements de la souveraine le jour de Noël.

La notoriété du monarque, décédé en septembre 2022, a évidemment contribué à la popularité de l’anecdote. Et, cette arme « originale », comme le souligne Monia O’Brien Castro, maître de conférences à l’université de Tours, pourrait aussi être particulièrement mise en avant dans les médias. Or, « il y a eu des incidents avec des arbalètes au Royaume-Uni depuis une dizaine d’années », relève l’experte du Royaume-Uni. Au point d’inquiéter les autorités. Après plusieurs affaires très médiatisées, le gouvernement britannique a publiquement exploré la possibilité de renforcer les lois sur les arbalètes.

Entre l’arc et le fusil

« La loi est étrange car elle dit qu’il est interdit d’en faire usage en public, sauf si on a une bonne raison, c’est quand même assez flou », souligne la spécialiste du Royaume-Uni qui ajoute que ces raisons peuvent être d’ordre religieux ou coutumier par exemple. « Les demandes répétées de changement de la loi de la part de certains membres du gouvernement sont liées à ce flou », explique-t-elle. Londres a toujours pris le contrôle des armes très au sérieux et la législation s’est presque systématiquement durcie outre-Manche après une fusillade. Mais, à cheval entre le tir à l’arc et les armes à feu, les arbalètes sont dans une « zone grise », souligne Métro.

« Depuis vingt-cinq ans, on constate une augmentation des meurtres et des blessures infligées par armes à feu ou armes blanches et la loi a été révisée, convient Monia O’Brien Castro. La dernière loi date de 2019 et est extrêmement détaillée et claire, mais la loi sur les arbalètes date de 1987 et n’a jamais été mise à jour. » Il n’est donc pas nécessaire de s’identifier pour acheter une arbalète (même si elles sont interdites aux mineurs) et l’arme peut même être achetée en ligne, sur un site aussi populaire qu’Amazon par exemple.

De nombreux « avantages »

« Étant donné que la loi n’encadre ni la vente ni la possession, posséder une arbalète est beaucoup plus simple qu’une arme à feu », explique Monia O’Brien Castro. Si la spécialiste des gangs au Royaume-Uni précise qu’il est possible de se procurer une arme à feu illégalement dans le pays, elle rappelle que des « contacts » sont nécessaires. L’accessibilité est donc probablement l’une des explications de l’augmentation de l’usage de l’arbalète dans les violences outre-Manche. De plus, contrairement aux armes blanches, elles s’utilisent à distance.

En mars dernier, un homme a blessé deux personnes dans les rues de Londres avec cette arme à distance. « Il y a beaucoup d' »avantages » à utiliser une arbalète, c’est une arme qui peut être utilisée à distance, fait généralement plus de dégâts qu’une arme blanche, est silencieuse… », énumère Monia O’Brien.

Les incidents impliquant des armes médiévales ne se limitent toutefois pas au Royaume-Uni. « Il y a deux semaines, un SDF qui tirait sur des canettes avec une arbalète dans le centre de Tours a été interpellé par la police », illustre Monia O’Brien. En revanche, en France, aucun meurtre n’a encore été recensé. Et cette différence de niveau de violence pourrait bien pousser nos voisins britanniques à tirer un trait sur l’arbalète en vente libre.