« L’océan Atlantique se refroidit à une vitesse record » : comment les sceptiques du climat exploitent un titre de journal
Appuyés par un article de presse, des internautes affirment que l’océan Atlantique se refroidit.Une façon pour la sphère climato-sceptique de questionner la réalité du réchauffement climatique.En fait, il continue de faire chaud.
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Les informations examinées par les vérificateurs
Les effets du réchauffement climatique, certains ne veulent pas y croire et cherchent à tout prix de quoi nourrir leur récit. Dernier exemple en date, vous nous avez contactés mercredi 21 août sur les réseaux sociaux au sujet d’une rumeur selon laquelle l’océan Atlantique serait en réalité en train de se réchauffer. « Refroidissement à une vitesse record » Un argument qui va à l’encontre du consensus scientifique. Mais est-il fiable ? Nous avons vérifié.
Le titre d’un article est trop imprécis
Tout a commencé avec un article publié dans la presse britannique le 19 août. Ce jour-là, comme le montre cette archive en ligne, le magazine scientifique Scientifique de l’actualité, qui se présente comme « l’hebdomadaire scientifique et technologique le plus populaire au monde », affiche sur la première page de son site un article intitulé : « L’Atlantique se refroidit à une vitesse record et personne ne sait pourquoi. » Titre repris tel quel le lendemain en France par Courrier internationalun magazine hebdomadaire composé d’articles de journaux étrangers traduits en français. Cependant, comme le magazine le précise au début de son article, ce n’est pas l’océan tout entier qui se refroidit, mais une petite partie, « Atlantique équatorial oriental ».
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Et en fait, l’article s’appuie sur une note très sérieuse du blog de l’Administration nationale américaine des océans et de l’atmosphère (NOAA). Dans un communiqué, l’agence fédérale commence par rappeler que cette année encore « Une grande partie de l’Atlantique Nord a connu des températures extrêmement élevées »Les données montrent que les mesures quotidiennes de la température de la surface de la mer (SST) sont à des niveaux exceptionnellement élevés depuis début 2023 et montrent un excédent thermique causé par le réchauffement climatique.
Dans son communiqué, l’agence souligne toutefois que « Depuis le début du mois de juin, les températures de la surface de la mer dans l’Atlantique central équatorial sont de 0,5 à 1,0 degré plus fraîches que la moyenne pour cette période de l’année. » Une zone (en bleu ci-dessous) qui ne représente qu’environ un cinquième de l’ensemble de l’océan, comme le rappelle Laurent Bopp, directeur de recherche au CNRS.
C’est l’occasion pour la NOAA non pas de remettre en cause le réchauffement climatique, mais simplement de souligner que la transition entre le phénomène naturel El Niño et El Niña est particulièrement rapide. Pour rappel, le premier tend à accentuer la hausse des températures, tandis que le second provoque l’effet inverse. « Jamais auparavant, dans les données observées, l’Atlantique équatorial oriental n’a basculé aussi rapidement d’un événement extrême à un autre »écrit Franz Philip Tuchen, océanographe à l’Université de Miami, dans sa note. « Cet épisode, qui est très court, ne permet pas du tout de s’interroger sur les effets du réchauffement climatique. »conclut auprès de TF1info le directeur de recherche au CNRS spécialisé dans les impacts du changement climatique sur les océans.
Il n’en demeure pas moins que les chercheurs s’interrogent effectivement, car généralement ces phases de refroidissement s’accompagnent de vents forts qui amènent de l’eau plus froide dans les océans. « Ce n’est pas le cas, il n’y a pas eu de vents plus forts que d’habitude »se demande Laurent Bopp. Ce qui explique les questions relayées par le magazine Scientifique de l’actualité.
Les esprits des sceptiques du climat sont en émoi
Il s’agit donc d’informations sur un phénomène extrêmement ciblé, basées sur des données qui ne prouvent absolument pas une « L’océan Atlantique se refroidit à une vitesse record ». Ce qui n’a pas empêché la sphère climatosceptique de s’en emparer. Et de la détourner. A commencer par l’association des « climato-réalistes ». Sur les réseaux sociaux, ce collectif, habitué aux fausses informations, est le premier à relayer l’information. « Après quinze mois de surchauffe globale des océans, l’océan Atlantique, le deuxième plus grand océan de la planète, se refroidit plus vite que jamais »« C’est un message qui a été vu 22 000 fois », a écrit ce groupe dans un message vu 22 000 fois. Même chose le lendemain, avec une publication qui va récolter près de 10 000 vues en moins de 24 heures. Une manière pour ce groupe, dont le « comité scientifique » comprend quelques ingénieurs, mais aucun climatologue, de servir son récit. À savoir, promouvoir des idées qui vont à l’encontre du consensus scientifique sur le climat.
Ce collectif n’est pas le seul à y plonger tête baissée. Comme lui, plusieurs figures de l’extrême droite souverainiste surfent sur ce titre pour remettre en cause l’existence du dérèglement de notre planète. « Un nouveau bug dans le récit du réchauffement climatique », François Asselineau, par exemple, s’étonne. « Cela devrait inciter à la modestie ceux qui prétendent tout savoir sur le climat. »Florian Philippot ajoute. Point commun entre ces deux figures politiques : ils ont tous deux profité de la pandémie de Covid-19 pour se construire une image de défenseurs des libertés face à un « système » contrôlé par les élites. Face à leurs débâcles électorales, ils continuent désormais à chercher de la visibilité en passant de la dénonciation d’un prétendu « dictature sanitaire » à celui d’un « dictature climatique ».
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Pour les membres de cette sphère, ce titre assez imprécis devient une aubaine. La preuve qu’il y aurait une « alarmisme » ou même un « hystérie » médias.Est-ce qu’ils vont nous parler de refroidissement climatique ? ironise même un internaute. A tel point que sur la seule journée du 21 août, on comptait 1 894 messages concernant l’océan Atlantique sur X, selon l’outil d’analyse Visibrain. A titre de comparaison, en juillet 2023, lorsqu’un article avait été publié sur la canicule dans l’océan Atlantique, cette nouvelle n’avait généré que 800 publications sur l’ensemble du mois. Idem côté anglophone, où l’audience de cette rumeur est encore plus large. Certaines publications cumulent ainsi deux millions de vues et contribuent notamment à alimenter la sphère pro-Trump, candidat qui n’a cessé de contester la véracité du changement climatique.
Face au tollé suscité, Scientifique de l’actualité comme Courrier international ont décidé de changer le titre de leur article. La rédactrice en chef de l’hebdomadaire, Virginie Lepetit, reconnaît qu’il s’agissait bel et bien « imprécis »Elle remet en cause l’idée d’un sujet « observateur »rappelant que si les sceptiques du climat se sont emparés du titre, un article « c’est un tout »Au micro de TF1info, Virginie Lepetit regrette l’utilisation trompeuse des internautes et souligne l’ampleur des contenus publiés sur le sujet du changement climatique par sa rédaction. « Nous n’avons jamais remis en question la réalité du réchauffement climatique d’origine anthropique et ses conséquences. »
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