Encore hésitant, Bassirou Diomaye Faye arpente les couloirs du Palais de la République du Sénégal le 2 avril. A 44 ans, il vient d’être investi président, le plus jeune de l’histoire du Sénégal, et devient le maître des lieux pour le prochain cinq ans. Il accompagne son prédécesseur, Macky Sall, au pouvoir depuis 12 ans, et qui a opposé son parti, les Patriotes africains pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), et son mentor, Ousmane Sonko, à une lutte sans merci. . « Je vous souhaite un bon séjour dans ce bâtiment », glisse l’aîné, visiblement émacié par des semaines de crise politique, à son jeune successeur.
Bassirou Diomaye Faye connaît un modeste triomphe, lui qui, onze mois plus tôt, avait été écrasé par le pouvoir mourant de Macky Sall, avant d’être élu dès le premier tour, dix jours après sa libération. Vêtu d’un costume bleu foncé et des insignes du pouvoir, il regarde, impassible, son adversaire s’éloigner vers la sortie.
Cet épilogue, après des années d’affrontement politique violent, illustre la solidité des institutions démocratiques sénégalaises. Car pendant trois ans, le pays a vacillé à plusieurs reprises, mais l’alternance souhaitée par les électeurs s’est imposée, comme une lame de fond impossible à enrayer. Une revanche pour Ousmane Sonko, nommé premier ministre par celui qu’il avait désigné pour le remplacer dans la course à la présidence.
Cette fulgurante conquête du pouvoir a été théorisée par le duo Faye-Sonko il y a tout juste une décennie. En 2014, les deux hommes sont inspecteurs des impôts et créent un groupe politique de contestation, Pastef. Ils se font connaître à travers leur discours souverainiste et populiste. Cible privilégiée : le président Macky Sall, et son jeune frère, Aliou Sall, accusés d’avoir reçu des pots-de-vin dans l’attribution de concessions gazières et pétrolières, la nouvelle manne du Sénégal. Lors de l’élection présidentielle de 2019, la formation hétéroclite qui rassemble libéraux, anciens communistes et forces conservatrices, a remporté un premier succès électoral, en remportant la troisième position, avec 16 % des voix.
Le régime craint de faiblir
Si Ousmane Sonko, leader charismatique en est le visage, Bassirou Diomaye Faye l’irrigue d’idées. C’est lui qui conceptualise le projet du mouvement, un programme souverainiste qui critique la corruption, le clientélisme, le néocolonialisme. Leur discours virulent trouve un écho auprès des jeunes et de l’élite urbaine.
Mais la « comète » a failli exploser en plein vol. Un soir de février 2021, une employée d’un salon de massage, Adji Sarr, s’est présentée dans un commissariat de Dakar. Elle accuse Ousmane Sonko de viols répétés et de menaces de mort. Il nie les faits et dénonce une ruse du régime pour lui barrer la route vers l’élection présidentielle de 2024.
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