L’Iran fourbit sa riposte à Israël
Comment dit-on « un chien qui aboie ne mord pas » en persan ? Le régime iranien prépare sa riposte après le raid aérien, très probablement israélien, qui a tué lundi six officiers des Gardiens de la révolution à son consulat de Damas. Mais Téhéran devra calibrer très précisément sa réponse pour éviter un conflagration dans la région qui lui serait sans doute préjudiciable.
Certes, le numéro un du régime, l’ayatollah Ali Khamenei, a déclaré solennellement mardi qu’une « punition » serait infligée au régime sioniste. Et « les décisions appropriées » ont été prises mercredi lors de la réunion d’urgence du Conseil de sécurité nationale iranien présidée par le chef de l’Etat, Ebrahim Raïssi. Cette résurgence des risques géopolitiques a contribué à une hausse du prix du baril de pétrole à ses plus hauts niveaux depuis octobre jeudi.
Des funérailles à surveiller
Téhéran n’a cependant pas détaillé en quoi consisterait sa réponse, laissant les analystes, les chancelleries et les soldats israéliens spéculer sur la suite des événements. Des indices seront peut-être donnés dans les discours lors des funérailles ce vendredi des six « martyrs » iraniens, dont Mohammad Reza Zahedi, le chef des opérations en Syrie de la force Qods, bras d’intervention extérieure du régime des mollahs.
L’Iran peut d’autant moins rester les bras croisés que le raid de lundi, qui n’a pas été, comme d’habitude, revendiqué par Jérusalem, est absolument inédit, puisqu’il a touché une représentation diplomatique, annulant des dizaines de raids visant les Gardiens de la révolution en Syrie ces dernières années. Ce faisant, « Israël a franchi une ligne », a déclaré Ali Vaez, analyste à l’International Crisis Group.
Une réponse modeste
Mais le plus plausible est que la réponse iranienne reste modeste. « Il s’agira probablement pour le régime iranien dans les prochains jours de sauver l’honneur, vis-à-vis de son opinion publique comme de ses relais et alliés, mais sans prendre le risque d’une escalade », estime Antoine Basbous, directeur de l’Observatoire des pays arabes, qui s’attend à ce que Téhéran demande à l’un de ses « mandataires », comme on appelle un allié agissant discrètement en votre nom, de cibler un centre culturel, ou un consulat lié à Israël quelque part au Moyen-Orient, ou ailleurs .
« Il est probable que l’Iran fasse payer Israël, mais indirectement et à travers ses partenaires et mandataires dans la région », confirme Ali Vaez. L’Iran avait promis en décembre qu’Israël « paierait cher » l’élimination d’un général des Gardiens de la révolution à son domicile de Damas. Et puis… rien.
Peur d’une implication américaine
En tout état de cause, « des lancements de missiles balistiques iraniens directement vers le territoire israélien sont hautement improbables », estime Antoine Basbous. Cela équivaudrait à une quasi-déclaration de guerre de l’Iran à Israël, avec une probable réponse des États-Unis, ce que craignent les mollahs. Téhéran avait aussi promis une « vengeance impitoyable » après l’élimination en janvier 2020 par Washington du général Qassem Soleimani, chef de la force Qods. Il s’est finalement contenté de tirer quelques missiles vers une base américaine en Irak… après avoir discrètement averti Washington d’éviter toute victime.
De même, fin janvier, Téhéran a ordonné à ses relais en Irak de cesser immédiatement leurs opérations après un bombardement sans précédent qui a tué trois soldats américains en Jordanie. Ce qui est dans le collimateur de Téhéran, estime Antoine Basbous, qui « cherche peut-être à ouvrir un deuxième front indirect ». Dans ce pays désormais peuplé majoritairement de Palestiniens, des manifestations sont orchestrées depuis des semaines devant l’ambassade israélienne pour exiger la rupture du traité de paix de 1994…
La prudence du Hezbollah
Le Hezbollah, qui tire occasionnellement des missiles vers Israël, pourrait également augmenter le rythme et, plus important encore, la puissance ou la portée de ses tirs, mais ce n’est pas non plus le scénario le plus probable, selon les analystes. Bien qu’équipée de dizaines de milliers de missiles, dont certains ont une portée de plusieurs centaines de kilomètres, la milice chiite craint aussi une riposte israélienne. Elle n’a d’ailleurs jamais répondu de manière dévastatrice aux raids israéliens menés contre elle au Liban, notamment celui qui a éliminé en janvier un responsable de son allié le Hamas dans ses bureaux, en plein centre de Beyrouth.
Israël prend cependant des précautions, avec la suspension ce jeudi des permissions dans toutes les unités de combat, et le brouillage des signaux GPS afin de perturber d’éventuels vols de missiles iraniens ou du Hezbollah. Au grand désarroi des taxis et des livreurs de Tel-Aviv.