Après sa nomination à l’Enseignement supérieur et à la Recherche, plusieurs positions controversées du député LR ont été exhumées. Le premier fardeau du gouvernement Barnier ?
Quelle rigueur scientifique, quelle compréhension du fonctionnement de la science et de la recherche peut-on légitimement exiger d’un ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ? La nomination du député LR Patrick Hetzel à ce poste laisse penser que les critères de sélection sont pour le moins assez laxistes. Il n’a pas fallu longtemps aux différents observateurs du parcours pourtant discret du député de la 7e circonscription du Bas-Rhin pour dénicher quelques positions problématiques.
Le premier « boulet » à refaire surface sur les réseaux sociaux, suite à sa nomination, est sa défense publique du recours au traitement à l’hydroxychloroquine promu par Didier Raoult, datée du 2 avril 2020. Plus précisément, une lettre adressée au Président de la République, dans laquelle il déclare que « L’hydroxychloroquine, disponible en vente libre en France depuis quarante ans, a prouvé empiriquement son efficacité »et affirme qu’il est préférable d’attendre des preuves de haut niveau avant d’autoriser son utilisation. « incompatible » avec la situation de crise de l’époque. En termes de preuves « efficacité empirique », Tout incitait déjà, au contraire, à la plus grande prudence. Ainsi, comme nous l’écrivions huit jours plus tôt, les premiers essais chinois achevés n’avaient pas permis d’identifier le moindre effet bénéfique sur l’évolution des patients. De même, toute personne dotée d’un minimum de compétences en lecture critique d’articles scientifiques pouvait identifier les failles méthodologiques béantes des deux productions pro-hydroxychloroquine des équipes de Didier Raoult, parues mi-mars et fin mars. Près d’un mois plus tôt, des chercheurs – rattachés à l’IHU de Marseille – avaient également appelé à la prudence face au peu de résultats obtenus en éprouvette, rappelant combien l’hydroxychloroquine avait, à de nombreuses reprises, échoué à démontrer son intérêt clinique en usage antiviral.
Dans son plaidoyer pour le recours au traitement prôné par Didier Raoult, Patrick Hetzel ajoute un argument proprement effarant à la méconnaissance du dossier : « Les médecins généralistes sont aujourd’hui privés de médicaments curatifs, alors qu’ils sont autorisés (décret du 24 mars) à utiliser le clonazépam injectable pour mettre fin à l’asphyxie de leurs patients, mais aussi à leur vie. » Le député a ensuite relayé le canular sur « l’euthanasie au Rivotril » (le nom commercial du clonazépam), qui a depuis été déconstruit par plusieurs médias, dont Vérifiez les actualités.
Une obligation vaccinale critiquée
D’autres prises de position controversées de Hetzel ont également été mises en avant sur les réseaux sociaux. Parmi elles, l’expression de l’hostilité du parlementaire à l’égard de l’obligation vaccinale, mi-2021, avec l’argument selon lequel les essais de « phase III » n’étaient pas finalisés. Un argument qui avait suscité l’exaspération du ministre de la Santé, Olivier Véran : « Sortir des arguments sur un vaccin qui est en phase III, comme si c’était un vaccin (pour lequel il n’y a) pas de recul… Je vous dis, c’est votre droit parlementaire, (mais) je ne trouve pas cela très responsable. Le vaccin est éprouvé. (…) On entend tout et n’importe quoi sur ce vaccin : regardez ce que dit la science, regardez ce que disent les données des laboratoires, les données des organismes publics français, européens, américains et internationaux sur ces vaccins. » Et le ministre a proposé « les mois de déclin » qui étaient disponibles pour « Des milliards de personnes vaccinées » dans le monde entier.
Autre prise de position notable de Patrick Hetzel, datant de novembre 2023 : son appel à la suppression de l’article 4 de la loi contre les dérives sectaires, prévoyant la création de délits à l’encontre des personnes provoquant « abandon ou abstention de soins » Ou « l’adoption de pratiques qui exposent clairement la personne à un risque grave ou immédiat pour sa santé. » A l’appui de cette suppression, un argument étonnant sur « Qu’est-ce que la science » : « « Très souvent, au moment où ils émergent, les changements de paradigme permis par les avancées scientifiques sont le fait d’individus qui, au sein de la communauté scientifique, sont minoritaires. Il faut donc être très prudent pour éviter le développement d’un dogme qui serait celui d’une science officielle : ce serait tout à fait dangereux. » L’article 4 ne décourage cependant en rien l’évaluation rigoureuse d’hypothèses scientifiques plausibles, ni la recherche sur des thérapies émergentes pour lesquelles il existe un ensemble de présomptions légitimes.
À la rescousse de l’homéopathie
Le nouveau ministre de la Recherche fait également partie de ceux qui souhaitaient retarder la fin du remboursement de l’homéopathie, afin « donner le temps à la concertation pour éviter un déremboursement hâtif et mal évalué des médicaments homéopathiques »Dans un projet de loi cosigné fin 2020 par l’actuel ministre, la demande d’un moratoire prolongeant de deux ans le remboursement de l’homéopathie à 15% est justifiée par la nécessité de poursuivre « négociations sur les plans de protection de l’emploi pour les sociétés pharmaceutiques spécialisées dans la production de médicaments homéopathiques » et de préserver « plusieurs centaines d’emplois » dans un secteur « sérieusement affaibli par (deux) années de dénigrement »Un choix de vocabulaire que l’on pourrait considérer comme surprenant, dans la mesure où il est ici question d’un constat scientifique – à savoir que la pratique n’a jamais, depuis près de deux cent trente ans, démontré une quelconque efficacité au-delà des seuls effets regroupés sous le nom « effet placebo ».
A côté de ces positions, qui reflètent un rapport assez particulier à la science, aux données de la science et aux méthodes de production du savoir scientifique, Hetzel est aussi critiqué sur d’autres fronts : opposition au mariage pour tous, à la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes et les femmes seules, au dernier projet de loi sur la fin de vie, ou encore à la constitutionnalisation de l’avortement. Il est aussi l’un des architectes de la – très controversée – loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) sur l’autonomie des universités.