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L’influence occidentale en Libye battue en brèche par la Russie, la Turquie et les Emirats arabes unis

Les démissions d’envoyés des Nations Unies en Libye se succèdent et se ressemblent. En annonçant son départ le 16 avril, le Sénégalais Abdoulaye Bathily est le troisième chef de la médiation onusienne à Tripoli à lâcher prise, après le Libanais Ghassan Salamé (2017-2020) et le Slovaque Jan Kubis (2021). Tous se sont heurtés à l’impossibilité de promouvoir une solution politique dans cet ancien eldorado pétrolier démantelé depuis le renversement de Mouammar Kadhafi par une insurrection soutenue par l’OTAN en 2011. L’adversité à laquelle ils ont été confrontés est double : la division contrôlée du pays. par un cartel de factions armées prédatrices, bloquant tout développement, et par la cacophonie internationale paralysant toute initiative de l’ONU.

Depuis la rupture de 2011, la Libye était livrée à la rivalité entre le Qatar et les Émirats arabes unis, qui avaient pourtant fait cause commune contre Kadhafi. Le premier cherchait à promouvoir l’agenda des Frères musulmans aux couleurs de la « révolution » et le second à s’y opposer (avec l’aide des Égyptiens puis des Saoudiens) en recyclant les forces de l’ancien régime. L’affrontement a ouvert une fracture territoriale entre les provinces de Tripolitaine et de Cyrénaïque qui n’a pas encore été résolue, malgré l’accord de cessez-le-feu ayant clôturé la « bataille de Tripoli » (2019-2020).

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Ce dernier épisode militaire a marqué un tournant en élargissant le spectre des ingérences étrangères à une échelle sans précédent. Les Russes, à travers les paramilitaires de Wagner, ont soutenu l’offensive du maréchal dissident Khalifa Haftar (l’« homme fort » de l’Est) contre le gouvernement de Tripoli (Ouest), à laquelle les Turcs ont apporté une aide vitale. À l’instar du théâtre syrien, la Libye est devenue une zone de collision et de cogestion entre Moscou et Ankara, une fois le cessez-le-feu d’octobre 2020 conclu sous leur direction. Depuis, les deux nouveaux « parrains » se partagent en douceur les dépouilles libyennes, où le pétrole jaillit et où les trafics fleurissent.

Influence croissante des Émirats arabes unis

Sur le plan militaire, cette copropriété russo-turque a débouché sur la partition régionale : les forces de l’Africa Corps – qui a succédé aux milices Wagner – sont implantées en Cyrénaïque et au Fezzan (Sud) sous l’égide de Haftar, tandis que des soldats turcs sont installés en Tripolitaine avec l’accord du Premier ministre Abdel Hamid Dbeibah. Sur le plan diplomatique cependant, les deux pays ont des objectifs plus larges, labourant indifféremment la Cyrénaïque et la Tripolitaine. Moscou a rouvert son ambassade à Tripoli tandis qu’Ankara envisage d’ouvrir un consulat à Benghazi. Tout le monde lorgne sur les contrats tous azimuts.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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