Elle monte les marches d’un escalier de marbre vêtue d’une très longue robe noire sur laquelle coulent ses cheveux d’un noir de jais. Ses bijoux, sobres mais imposants – un collier façon chaîne en argent, des boucles d’oreilles assorties et plusieurs bagues – révèlent un style de vie confortable. Son visage, dépourvu de sourire, cultive l’image d’une femme mystérieuse.
Elle s’appelle Aurélie Bard, elle est française, et elle fait la couverture du très chic magazine lifestyle « Modern Luxury Palm Beach » paru en Floride en août 2024. A 39 ans, elle semble avoir atteint la renommée qu’elle était. recherchant le monde qu’elle a choisi pour construire sa nouvelle vie. La planète des riches qui s’offrent des maisons de rêve à Dubaï, Mykonos ou Miami. Et qui voyagent en jet d’affaires.
Grâce à son entreprise Haute Design, elle vend ses conseils en décoration d’intérieur à prix d’or à quelques personnes fortunées. Sur le site de la compagnie, on apprend par exemple qu’elle a décoré le salon privé de DJ Khaled à l’aéroport où est stationné son nouvel avion, un Global 6500. Elle a également travaillé sur le projet de rénovation du Château Allison, un somptueux bâtiment de Miami Beach. Ses activités sont très diversifiées puisqu’elle s’implique également dans les médias auprès de Haute Design Media Group dont elle a été nommée directrice de création. Un poste qui lui permet de collaborer « étroitement », lit-on sur le site, avec un certain Kamal Hotchandani, le directeur général « dynamique » de Haute Living, une autre entreprise de cette étrange galaxie.
Le 1er juillet, dans l’agence d’architecture d’intérieur Haute Design d’Aurélie Bard qu’elle a créée à Miami.
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Agé de 49 ans, Hotchandani navigue dans le Miami chic depuis bien plus longtemps qu’Aurélie Bard. Il a notamment créé un petit groupe de presse, Advanced Multimedia Group, dont la valorisation aurait atteint 40 millions de dollars. Lorsqu’ils parlent d’eux-mêmes, ces collaborateurs ne lésinent pas sur les compliments. « Le leadership visionnaire de Kamal et le génie créatif d’Aurélie se complèteront pour propulser Haute Design Media Group au sommet, lui permettant de rester un leader du design média de décoration de luxe. »
Un carnet d’adresses bien rempli
De vernissage en soirée caritative, de soirée en soirée, la jeune entrepreneuse Aurélie Bard s’est fait remarquer. Son carnet d’adresses est rempli. Son CV comporte des diplômes de la prestigieuse London Business School, un master en finance internationale et gestion des risques et un baccalauréat en immobilier et design d’intérieur.
En tant que star d’un magazine lifestyle américain. Le numéro a été publié en août.
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À ceux qui l’interrogent, elle raconte qu’elle a, par le passé, lancé une société spécialisée dans la gestion de patrimoine en France et conseillé des sociétés de distribution de prêt-à-porter. Elle aime également expliquer qu’elle a fondé une société opérant sur les marchés de l’immobilier et de la décoration intérieure en Europe et aux Émirats arabes unis. L’art d’embellir, en plus des maisons, sa réputation.
Un voyage éblouissant en Floride
Kara Franker, la rédactrice en chef du magazine « Modern Luxury Palm Beach », vante dans son éditorial celle qui a déménagé à Miami en 2023 : « En parlant de très bon goût, lisez notre sujet dédié à l’architecte d’intérieur Aurélie Bard pour découvrez son appréciation ultra-chic pour les objets de décoration les plus raffinés. Elle trace un parcours fulgurant dans le sud de la Floride avec ses projets d’influence européenne ; elle concentre ses efforts pour fournir à ses clients ce qu’ils demandent, et même plus. »
Le panneau de victoire pour célébrer un partenariat avec le magazine de luxe américain « Haute Living » au restaurant japonais Zuma, à Mykonos (Grèce), le 27 juillet.
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A la page 65 du trimestriel, est publiée une longue interview, illustrée de deux grandes photos du créateur. Les questions ne sont pas déstabilisantes, et les réponses sont toujours pleines de grandiloquence, de superlatifs et de platitudes. « Je souhaite transformer les espaces en sanctuaires intemporels, mêlant discrètement la beauté du classique à l’esprit contemporain. Je crois que chaque espace doit refléter les valeurs et les aspirations de son propriétaire. Et raconter une histoire qui leur est propre… Mes inspirations sont profondément enrichies par les textures des vêtements et par les traditions rencontrées lors de mes voyages à travers le monde. »
L’immeuble où vivait Aurélie Bard, à Issy-les-Moulineaux, dans les Hauts-deSeine, avant son départ pour la Floride.
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Soucieuse de consolider son image de professionnelle de haut niveau, elle détaille également ses fournisseurs favoris comme Luxxu, une marque de décoration portugaise avec laquelle elle affirme avoir « collaboré depuis de nombreuses années » car elle aime « leurs collections de luminaires et de meubles sophistiqués ». qui apportent une touche supplémentaire de glamour et de raffinement.
Le train de vie doré de la Française cache un passé trouble
Comme cette success story semble belle ! Un peu trop quand même. Quelque chose ne va pas. Quelque chose que personne n’a encore détecté en Floride. Le train de vie doré de la Française cache un passé trouble qui va soudain la rattraper au cœur de l’été. Dans un scénario digne des meilleurs films noirs hollywoodiens, la femme d’affaires a été arrêtée le 12 août alors qu’elle descendait d’un avion à l’aéroport de Figari, en Corse, et placée en détention provisoire six jours plus tard.
Embarquement immédiat pour cette jet-settrice qui affiche son lifestyle sur les réseaux sociaux.
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Les enquêteurs du parquet de Paris la recherchent suite à une plainte déposée en juillet par la marque de prêt-à-porter Kiabi. La société, propriété de la très secrète et puissante famille Mulliez, vient de constater que 100 millions d’euros avaient disparu de ses comptes ! Cette somme avait été placée dans une banque européenne afin de générer des intérêts, sur les conseils de la société chargée de gérer la trésorerie de Kiabi. Une entreprise dirigée par… Aurélie Bard.
Aurélie Bard dans les locaux en Floride d’Arca, entreprise de carreaux de céramique haut de gamme avec laquelle elle annonce une collaboration sous la forme d’une « fusion harmonieuse ». À Miami, le 15 juillet.
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Sincérité ou compétence suprême ?
Elle est donc soupçonnée d’être à l’origine de cette opération frauduleuse. D’autant plus que son casier judiciaire n’est pas vierge, puisqu’elle a déjà eu des démêlés avec la justice. Bizarrement, elle ne s’est jamais cachée. Cet été, elle n’a cessé de poster des photos d’elle sur Instagram, à Mykonos par exemple. Pourquoi serait-elle venue en France si elle était responsable de cette arnaque ? A-t-elle été piégée par un stratagème policier ?
Au-delà de cela, on peut aussi s’interroger sur le manque de vigilance de Kiabi. Se faire voler 100 millions d’euros par quelqu’un de sulfureux, c’est une tache. Lors de l’arrestation d’Aurélie Bard, 500 000 euros de vêtements et bijoux ont été retrouvés dans ses bagages. Candeur ou habileté suprême, son insouciance reste inquiétante.