« L’impression de traiter un produit plutôt que d’accompagner un être humain » : les agents sociaux du Samu tirent la sonnette d’alarme
Environ 80 agents du Samusocial de Paris se sont rassemblés devant le siège de l’association pour dénoncer une « situation de panne ». La CGT, la CFDT et SUD ont organisé une première journée de mobilisation, ce jeudi 19 septembre. Une autre journée de grève est déjà prévue, le 26. Les haut-parleurs installés pour ce premier rassemblement diffusent de la musique, mais l’ambiance n’est pas vraiment festive et la fatigue se lit sur les visages.
En cause : la dégradation des conditions de travail, qui ne permettent pas au groupe de remplir sa mission, ainsi que des salaires trop bas, empêchant certains agents de vivre correctement. Le service public chargé de lutter contre la précarité est « essoufflé »dénoncent les manifestants, qui déplorent ne pas avoir le personnel ni les moyens d’assurer un service suffisant.
115 surchargé d’appels
Libasse, aide-soignante et secrétaire de l’organisation CGT du Samusocial de Paris, déplore le départ « de nombreux agents qui étaient en poste depuis plusieurs années, car ils ne pouvaient plus assurer leur mission auprès des usagers. Nous avons beaucoup recours à des intérimaires et des précaires, ce qui pose des problèmes en termes de continuité des soins. » Un chauffeur d’assistance sociale, en poste depuis vingt-six ans, confirme qu’il ressent une « Perte de sens. Parfois, j’ai l’impression de traiter un produit plutôt que d’accompagner un être humain. »
Du fait du départ de ces professionnels toujours en CDI, l’accompagnement des personnes en difficulté est devenu beaucoup plus compliqué. « Nous avons mis en place une mission de réduction des risques pour accompagner la consommation excessive d’alcool sur certains sites, mais sans recrutement de personnel supplémentaire et sans formation… Usagersm se retrouvent face à leurs addictions sans soutien adapté », affirme Jordan Bernard, secrétaire général de la CGT du Samusocial de Paris.
Un médiateur d’un Centre d’hébergement d’urgence (CHU) explique : « Nous accueillons des gens qui ont parfois traversé les océans dans des conditions déplorables ! La charge de travail est telle que nous tombons souvent malades, nous sommes moins efficaces sur le terrain. »
La situation du 115, le numéro d’urgence sociale, est également préoccupante. Deux écoutantes chargées de répondre et d’orienter les usagers vers les services d’hébergement témoignent, micro en main devant la foule, d’être surchargées d’appels et de ne pouvoir que rarement apporter une solution : « Souvent, la seule réponse que nous pouvons donner est : désolé, nous n’avons pas de place. Ou alors nous les envoyons dans des hébergements où nous ne voudrions même pas aller nous-mêmes. » Selon les représentants syndicaux, les salariés ne restent en moyenne à leur poste que sept mois et demi en raison de la surcharge de travail.
Lucas, 31 ans, qui travaille sur la plateforme Agate (Accompagnement global pour l’accès aux droits et la lutte contre l’exclusion), parle de comportements inappropriés, parfois « Agressions verbales ou physiques des hôtes envers les utilisateurs. Il n’y a aucune traçabilité, on finit par intervenir plusieurs fois pour les mêmes raisons, dans les mêmes hôtels. »
La prime Ségur pour tous
Pour surmonter ces difficultés, les revendications des salariés sont principalement économiques. Ils réclament la mise en place de la prime Ségur pour tous, du nom de l’augmentation salariale de 183 euros net accordée aux personnels soignants et professionnels de santé, au lendemain de la crise du Covid, en passe d’être étendue à tous les services médico-sociaux. Celle-ci est pour l’instant réservée aux agents de terrain, considérés comme « face aux usagers ». Les écoutants, pourtant en première ligne, les agents d’entretien ou les travailleurs de la restauration en sont toujours privés.
Ils réclament également une augmentation de 10%, ainsi que l’introduction d’un plafond de 13%.et mois, « pour reconnaître les efforts considérables déployés par les agents. » Selon Jordan Bernard, « Certains collègues ont tellement de difficultés qu’ils vivent eux-mêmes dans des hôtels 115. » La question salariale est d’autant plus importante qu’elle permettrait de résoudre d’autres difficultés, notamment en matière d’effectifs. Libasse précise que « Moins de gens partiraient si les salaires étaient plus élevés. Et cela nous permettrait aussi de renforcer l’effectif en recrutant. Aujourd’hui, le salaire n’est pas attractif, par rapport à la difficulté du secteur. »
La direction générale a promis une rencontre avec les représentants du personnel avant le 26 septembre, date de la prochaine grève.
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