La semaine prochaine, en principe, on devrait savoir qui, de Kamala Harris ou de Donald Trump, est élu pour quatre ans à la tête des Etats-Unis. Donald Trump brigue un second mandat, quatre ans après avoir perdu celui face à Joe Biden. Et Kamala Harris, si elle était élue, deviendrait la première femme, et la première Afro-Américaine élue à ce poste, dans ce pays.
franceinfo : Pourquoi la France se passionne-t-elle autant pour cette élection américaine ?
Jean Viard : Tout d’abord, l’Amérique est notre enfant, car une grande partie de ses habitants viennent d’Europe. Et en même temps, il est un peu notre tuteur, notre parent, c’est une position très ambiguë. Nous l’aimons tous les deux et nous ne l’aimons pas, et en même temps, c’est un pays tellement créatif. Regardez le cinéma, la technologie, etc. Là, nous avons une élection qui est d’une grande importance car nous sommes à la limite des régimes antilibéraux dans toutes nos grandes démocraties. Ce qui me rapproche le plus de l’ex-président Trump est Orbán, en Hongrie, chez moi.
Nous pouvons clairement constater que nos démocraties vacillent parce que le monde a bifurqué et changé. Et dans cette bifurcation, dans un monde numérique, plus vous êtes grossier, mieux cela fonctionne. Donc vous avez des gens qui s’entendent bien, notamment Trump, et de l’autre côté, vous avez une dame, qui est une fille de la société civile, qui a été procureur, ce n’est pas toujours une politique professionnelle, et c’est une femme.
Et donc l’idée que le pays le plus puissant du monde est dirigé par une femme est aussi énorme parce qu’elle est énorme pour toutes les femmes, et puis on voit que les régimes autoritaires, chinois, russes et autres, sont dirigés par des hommes au caractère viril. , genre de combat. Tout cela est en question en ce moment.
Et quelles conséquences, quel impact ces élections ont-elles sur la France ?
C’est paradoxal parce que l’Amérique est en train de se fermer, mettant toute sa puissance dans l’utilisation du dollar, ils investissent des milliards, nous vivons une gigantesque révolution industrielle, non seulement liée au réchauffement climatique, liée à l’IA, liée à beaucoup de nouvelles technologies. Aujourd’hui, l’industrie est en train d’apprendre à y faire face : on voit bien avec le soleil, avec le vent, etc., donc on est dans cette transition, et ils ont les moyens, ils avancent. Ils ont pris 10 points de PIB depuis 2019. L’Europe en a pris un peu plus de 4, et la France, un peu plus de 3.
Ils ont été deux fois plus rapides que nous en matière de développement, et même en matière de développement dans les domaines énergétiques innovants. Donc c’est une leçon pour le monde, et soyons honnêtes, ce sont les régulateurs de la paix, les Américains, c’est la plus grande armée du monde, c’est un pays qui est intervenu dans de nombreux endroits, beaucoup d’Américains ont été soldats depuis la guerre civile. Guerre.
C’est ça l’enjeu, c’est un grand pays de paix et de guerre, car on dit toujours que les chinois sont très nombreux, c’est indiscutable, mais leur armée n’a jamais combattu, ce n’est pas une armée de combat, et donc le pouvoir des États-Unis, même s’ils ont tendance à abandonner l’Europe, même s’ils ont tendance à trouver que le véritable sujet du monde est leur confrontation avec la Chine, au fond, ils restent le pouvoir régulateur.
D’un autre côté, cela nous oblige, nous Européens, quel qu’en soit le résultat, à réellement construire une unité économique, politique et militaire. Et alors, est-ce qu’on va y arriver ? Cela joue sur nous, cela joue sur l’Ukraine, cela joue sur leur capacité à réguler le conflit israélo-palestinien, à développer un discours équilibré et innovant sur les droits et le respect de ces deux populations. Il y a tout cela en jeu. Et je pense que pour le monde, cette élection va être une date importante.
Les Français ne votent pas à cette élection, mais ils ont une candidate favorite, il s’agit de Kamala Harris. Selon un sondage, seuls 13 % des Français souhaitent une victoire de Donald Trump. Pourquoi, à votre avis ?
L’Amérique, c’est un peu les Européens, qui sont sortis au XIXème siècle des codes de la religion, des codes du local, etc. On le voit bien dans les westerns, il n’y a pas de règles. Et nous, en Europe, avons des codes qui nous protègent partout. La commune, la région, la nation, l’Europe, les religions, les syndicats : nous sommes très protégés.
Kamala Harris, c’est un peu le modèle européen : un peu plus de protection, la santé pour tous, alors qu’il y a plein d’Américains qui n’ont pas de protection sanitaire, c’est énorme, surtout les pauvres sont monstrueux. Nous considérons fondamentalement les Démocrates comme le modèle social européen. Et puis je pense que c’est une femme. Et je pense que Trump est tellement vulgaire qu’il ne nous plaît pas beaucoup.