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Libraire, un « métier qui ne fait plus rêver »

Les libraires finiront-ils par constituer un prolétariat culturel composé d’écrivains et de travailleurs du spectacle maudits ? 2 060 € brut par mois. C’est le salaire moyen qu’ils perçoivent, selon une étude réalisée par le Syndicat français de la librairie (SLF). Une précarité des libraires qui sera, avec d’autres problématiques du secteur, au cœur des septièmes Rencontres nationales de la librairie, dimanche 16 et lundi 17 juin, à Strasbourg, capitale mondiale du livre 2024.

« C’est un métier de passion, mais il faut aussi pouvoir en vivre», constate Delphine Gratien. Avec sa sœur Évelyne, elle ouvre « La petite livretière » à Ars-sur-Moselle, 4 700 habitants. Ils en rêvaient depuis l’enfance, ou presque. Le choc du Covid les a poussés à franchir le pas. L’un a abandonné l’enseignement, l’autre a quitté la banque, pour créer ce lieu d’échange qui s’étend aujourd’hui sur 70 m2. « Les clients sont là, ils nous soutiennent, mais il y a trop de dépenses, on n’arrive pas à toucher un salaire tous les mois » confie Delphine Gratien. Les aides à la reconversion et les allocations de chômage seront bientôt épuisées. Si Delphine et Évelyne tiennent bon, c’est aussi parce qu’elles ont le soutien de leurs conjoints respectifs, installés dans des activités professionnelles plus stables. « Au pire, on retournera au salariat à temps partiel pour suivre… » déplore le libraire, heureux parmi les livres.

Pour une remise égale à celle des supermarchés

« Nous devons garantir des conditions dignes d’exercice de l’activité », affirme Guillaume Husson, délégué général du SLF, tant la paupérisation des libraires est préoccupante. Si les grandes surfaces, voire les sites de vente en ligne, sont indispensables pour maintenir en vie la filière du livre, le délégué souligne le déséquilibre créé au détriment des librairies indépendantes : « Pourtant, la loi Lang était claire : les éditeurs et les diffuseurs devaient accorder des avantages aux détaillants qui réalisent un travail plus qualitatif. Les libraires indépendants fabriquent de la dentelle. Toutefois, ce sont les grandes structures qui bénéficient des meilleures conditions. Autrement dit, nous faisons payer les plus vulnérables… »

Des solutions voient le jour, comme le pass culture pour quelque 3 000 librairies. Mais le chiffre d’affaires continue de baisser, la faute à une baisse des ventes en volume, et à une remise accordée aux libraires trop faible, inférieure à celle imposée par les grands magasins. « Nous devrions augmenter le prix des livres qui n’a pas suivi l’augmentation du coût de la vieinsiste Alexandra Charroin. Cela aurait un effet immédiat sur notre comptabilité. » Une autre piste encore serait de demander aux structures publiques comme les écoles et les médiathèques d’abandonner les réductions de 9 à 10 % et de ne bénéficier que de 5 % comme les particuliers.

Difficulté à recruter

Même analyse d’Alexandra Charroin. Librairie à la FNAC depuis douze ans, elle a renoncé au confort salarié pour reprendre « La Librairie de Paris » à Saint-Etienne avec un collègue, il y a huit ans, non sans s’endetter lourdement. Aujourd’hui, sa librairie compte vingt-six salariés. Bac + 3, voire bac + 5, ils touchent 1 300 à 1 500 € par mois : le libraire doit tenir des budgets serrés. Mais alors, qu’est-ce qui tient le coup ? « Nous travaillons au milieu de ce qui nous passionne, nous avons un travail qui a du sens, il y a des liens éphémères mais authentiques avec les clients que nous conseillons »énumère Alexandra Charroin.

Si en effet les conjoints viennent souvent en aide matérielle aux libraires mal payés, le coût du logement dans les grandes villes et l’inflation découragent de nombreux candidats. « On commence à avoir du mal à recruter, confie le libraire qui est également vice-président du SLF. Quant aux enseignants, notre métier n’est plus un rêve… » Les chiffres établis par le syndicat montrent heureusement qu’il y a encore des ressources, et des envies en tout cas : s’il y a des fermetures, parfois par manque d’acheteurs, 600 nouvelles libraires ont été créées entre 2019 et 2023, dont plus de la moitié dans des communes à moins de 20 000 habitants.

Il n’en reste pas moins que sans augmentation du chiffre d’affaires ni aides publiques, les libraires sont condamnés à réduire les horaires d’ouverture, à renoncer à l’événementiel et à réduire le nombre de références. « Il y a un défi pour l’ensemble du secteur »prévient Alexandra Charroin, qui attend de pied ferme le second semestre 2024 : si la guerre en Ukraine ou le climat social et politique ont considérablement réduit la fréquentation des librairies ces derniers mois, la rentrée scolaire, le début de la saison littéraire et la fin Les fêtes de fin d’année sont des périodes propices au retour en librairie. « Le livre reste un objet très puissant », ajoute le libraire stéphanois. C’est même le moteur qui anime les quelque 700 libraires qui se réunissent pour les septièmes Rencontres nationales de la librairie à Strasbourg.

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20 000 à 25 000 points de vente de livres sont recensés (librairies, grands magasins culturels ou généralistes)

3 500 libraires indépendants

1 livre sur 3 acheté dans une librairie indépendante

850 000 litres disponibles sur le marché du livre

64 000 nouveautés paraissent chaque année

450 millions d’exemplaires sont vendus chaque année

13 000 salariés travaillent dans le secteur

William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.

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