« L'hypocrisie insupportable de ceux qui s'indignent des propos d'un député LFI après avoir fait alliance avec le NFP aux législatives »
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« L’hypocrisie insupportable de ceux qui s’indignent des propos d’un député LFI après avoir fait alliance avec le NFP aux législatives »

« L’hypocrisie insupportable de ceux qui s’indignent des propos d’un député LFI après avoir fait alliance avec le NFP aux législatives »

FIGAROVOX/TRIBUNE – L’essayiste et historien Maxime Tandonnet dénonce l’hypocrisie d’une partie de la classe politique, notamment d’Ensemble, qui s’est rapproché de la gauche aux législatives et crie aujourd’hui au scandale après que Thomas Portes a exigé « exclusion des Jeux Olympiques » Athlètes israéliens.

Maxime Tandonnet est essayiste et historien. Il a notamment publié « André Tardieu. L’incompris » (Perrin, 2019), récemment réédité dans la collection « Temps  » (poche).


Une étude récente d’Odoxa Le Figaro publié le 21 juillet montre que 89% des Français estiment que «les partis politiques ne sont pas honnêtes » Neuf Français sur dix : le rejet de la classe politique par le peuple fait l’objet d’un quasi-consensus ! Les bonnes consciences s’indigneront, verront dans ce résultat impressionnant le signe d’une montée du populisme ou des théories du complot, bref, de l’instinct primitif du « vile multitude » comme le disait Adolphe Thiers en 1851.

Or, neuf dixièmes des Français ont toutes les raisons de porter ce jugement. Car depuis la dissolution de l’Assemblée, la classe politique nationale (à quelques exceptions près) se complaît dans une hypocrisie digne de Molière.

Venons-en aux faits : plusieurs grands élus et personnalités de haut rang de l’ancienne majorité macroniste et du Parti socialiste s’offusquent de la déclaration (évidemment insupportable) de Thomas Portes, député de La France Insoumise, exigeant « exclusion des Jeux Olympiques » Les sportifs israéliens. Ils qualifient cela d’abject et de honteux et beaucoup vont même jusqu’à demander la dissolution de la LFI…

Pourtant, trois semaines plus tôt, les mêmes partis et individus s’étaient alliés sans complexe à la même LFI sous la bannière du Nouveau Front populaire lors du premier tour, le 30 juin. Puis, lors du second tour, le 7 juillet, sous l’impulsion notamment du Premier ministre Gabriel Attal, l’ancienne majorité macroniste avait signé, sans le moindre état d’âme, des accords de retrait avec LFI et ses alliés dans le cadre d’un « front républicain » destiné à contrer la poussée électorale du Rassemblement national.

Au fond, qui est capable d’expliquer pourquoi le RN mérite plus aujourd’hui qu’il y a deux ans le statut de pestiféré ? Et plus que LFI ? Personne n’est capable de justifier cette mise à l’écart par des arguments rationnels…

Maxime Tandonnet

Pas plus tard que samedi 20 juillet, l’ensemble de la classe politique dite respectable, dans son obsession d’établir un cordon sanitaire avec le Rassemblement national, a collaboré main dans la main avec LFI pour le partage des hautes fonctions à l’Assemblée nationale. La classe politique s’est clairement entendue en pleine collusion avec LFI pour le partage des six vice-présidences, dont deux pour LFI, deux pour l’ancienne majorité macroniste et deux pour la droite républicaine. Un modèle du genre…

Pourtant, la déclaration de Thomas Portes, largement diffusée le 20 juillet au soir, aussi scandaleuse soit-elle, justifiant les appels à la dissolution de LFI, n’a apporté aucune information nouvelle sur ce parti. L’antisionisme de LFI était parfaitement connu de l’ensemble de la classe politique. Chacun savait que plusieurs dirigeants de ce parti, en soutien au Hamas, avaient spontanément refusé de qualifier de terroristes le massacre de civils, femmes et enfants, la torture et les enlèvements du 7 octobre 2023. En fustigeant aujourd’hui LFI, en le rediabolisant au prix d’une contorsion phénoménale, après avoir empoché un maximum de sièges et de fonctions grâce à l’accord avec ce parti, la classe politique dite « respectable » a atteint les sommets de la malice et de l’hypocrisie.

Quant au cordon sanitaire renforcé autour du Rassemblement national, privé des deux vice-présidences dont il disposait lors de la précédente législature, il participe de la même apothéose d’hypocrisie. Au fond, qui est capable d’expliquer pourquoi le RN mérite plus aujourd’hui qu’il y a deux ans le statut de pestiféré ? Et plus que LFI ? Personne n’est capable de justifier cette ostracisation par des arguments rationnels… Alors pourquoi un parti qui a obtenu plus d’un tiers des voix (y compris ses alliés) au premier et au deuxième tour des législatives est-il interdit de postes de responsabilité à l’Assemblée nationale, encore plus qu’en 2022, alors qu’il a augmenté sensiblement le nombre d’élus ? La vraie raison est simple : le cordon sanitaire permet à d’autres partis, de LFI à la droite républicaine, de se partager les fonctions et les postes de haut niveau libérés grâce à la malédiction du RN (et de ses alliés) qui pèserait autrement lourd avec 143 députés. Derrière la prétendue question de principe ou de valeurs se profile un arrangement médiocre ou un calcul d’affaires dont LFI tire pleinement parti avec ses deux vice-présidents sur six et plusieurs secrétaires alors que la gauche est désormais majoritaire au bureau politique.

Comment ne pas voir, ne pas sentir, à quel point la mise au ban du RN profite à ce parti sur le long terme, à travers un phénomène d’identification de la France populaire qui se sent bafouée par la classe politique dite « acceptable ».

Maxime Tandonnet

Et les véritables parias, les pestiférés, ce sont onze millions d’électeurs du RN, quelles que soient les bonnes ou mauvaises raisons de leur vote, qui se retrouvent traités en parias ou bannis du suffrage universel et réduits au rang de cette « vile multitude » que Thiers, en 1851, a voulu priver du droit de vote. Comment ne pas voir, ne pas sentir, à quel point la mise au ban du RN profite à long terme à ce parti, à travers un phénomène d’identification de la France populaire qui se sent méprisée par la classe politique dite « acceptable ».

Par ailleurs, ces manœuvres auxquelles se livrent tous les partis dits respectables, y compris malheureusement la droite républicaine, ne peuvent qu’alimenter le dégoût et le rejet de la politique qui touchent une immense majorité de citoyens, neuf sur dix selon le sondage précité, bien au-delà des électeurs du RN. Mais n’est-ce pas finalement le but recherché : plonger la démocratie parlementaire dans le chaos et l’abjection, cultiver la nausée à son égard pour nourrir la tentation césariste du sauveur providentiel sur les ruines de la démocratie et des libertés françaises ?

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