L’historien Patrick Weil s’en prend à Marine Le Pen
GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
Marine Le Pen photographiée lors de la conférence de presse de Jordan Bardella, lundi 24 juin (illustration).
POLITIQUE – Il est toujours dangereux d’invoquer l’histoire. D’autant plus lorsqu’il s’agit de l’utiliser à des fins politiques. Marine Le Pen vient d’en faire l’expérience, tandis que Jordan Bardella promet la fin de la loi foncière en cas de victoire aux législatives du 7 juillet.
Sur le réseau social X, le leader du RN s’est insurgé contre ceux qui – comme HuffPost entre autres — rappeler que le système est hérité du XVIe siècle, et que sa suppression constituerait une rupture majeure dans la philosophie du droit français.
» Nouvelle fake news : « la loi sur les sols date de 1515. Non, le décret de 1515 ne visait que… l’héritage. Notre version de la loi du sol date de 1889 et avait pour seul but de garantir que les enfants d’immigrés, notamment italiens, puissent être appelés au service militaire et mobilisés pour se venger de l’Allemagne. Il n’y a donc que 130 ans et pour cause que la gauche aura du mal à prendre le relais « , a-t-elle déclaré jeudi 27 juin.
« Double imprécision »
Une vision très partielle de l’histoire que Patrick Weil, politologue et historien spécialiste des droits des immigrés, a corrigé sur le même réseau social, pointant un « double imprécision » commis par Marine Le Pen. » Avant la Révolution, c’était toujours à l’occasion de l’héritage que se déterminait la définition du statut français. C’est une décision du Parlement (tribunal de Paris) en 1515 qui créa le droit simple du sol, » a répondu le chercheur, qui a autrefois fait campagne à gauche.
Et le spécialiste poursuit : « Depuis 1791, le droit du sol est inscrit dans la Constitution ou dans la loi. En 1889, elle fut renforcée, non pas pour fournir des soldats, mais pour imposer l’égalité devant le service militaire et assurer notre souveraineté menacée par les enclaves étrangères en Algérie et dans le Sud-Est.
N’en déplaise à Marine Le Pen, la suppression de ce pilier républicain tourne effectivement le dos à des siècles de tradition. C’est ce que souligne également Serge Slama, professeur de droit public à l’université de Grenoble. Sur le même réseau social, il souligne que Raymond Boulbès, « qui a écrit le code de la nationalité de de Gaulle » à la Libération considérait que droit foncier et droit du sang étaient indissociables dans un régime républicain. Ce qui donne, dans le texte « la qualité du français, une fois définitivement établie – qu’elle trouve son origine dans le jus sanguinis ou dans le jus soli – est et demeure indivisible « .
Dans une chronique publiée par Le monde le 22 juin Patrick Weil a mis en garde contre le changement de paradigme que cette mesure induirait : « ce droit foncier républicain, progressif et conditionnel, est si fondamental pour notre identité nationale que même le régime de Vichy l’a maintenu dans le projet de réforme de la nationalité qu’il avait préparé. « . En cas de victoire le 7 juillet, Jordan Bardella compte bien aller bien au-delà.
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