Divertissement

L’extrême droite corrompt les jeux vidéo

Dans ce nouveau numéro de la newsletter #Règle30, l’éditorial aborde les liens dangereux entre l’extrême droite et les jeux vidéo en ligne.

Vendredi dernier, Squeezie a fait une chose rare parmi les stars du web : il a exprimé une opinion politique. Le vidéaste a partagé un long message sur Instagram et TikTok pour dénoncer la montée de l’extrême droite en France, et appelé à la bloquer lors des élections législatives. Son texte a été largement relayé par les médias et autres influenceurs. Jordan Bardella a répondu très rapidement, également via son compte Instagram.  » J’ai deux hypothèses sur cette agitation de notre ami Squeezie », écrit le président du Rassemblement national.  » Le premier : 1 Vs 1 sur Rust mal digéré à l’époque, après avoir pris un mauvais quickscope ? »

La dernière phrase fait référence à la série de jeux vidéo Appel du devoir. C’est volontairement incompréhensible : Jordan Bardella veut signaler qu’il maîtrise les codes élitistes des gamers. En une quinzaine d’années, le jeu vidéo est devenu un sifflet pour chien commun à l’extrême droite. Un coup de pied, plus ou moins discret, pour attirer les joueurs vers ses idées meurtrières, ou pour les renforcer.

Jeu Call of Duty Modern Warfare.  // Source : ActivisionJeu Call of Duty Modern Warfare.  // Source : Activision
Jeu Call of Duty Modern Warfare. // Source : Activision

Liaisons dangereuses

De nombreux facteurs expliquent ces connexions dangereuses. Les gamers sont perçus comme jeunes et masculins, donc potentiellement sensibles au discours de l’extrême droite, qui aime surfer sur un prétendu déclassement masculin dans la société. Le jeu vidéo occupe également une place médiatique particulière, au premier plan de nombreuses pratiques de communication : forums, live streaming, réseaux sociaux, Discord, etc.

Squeezie, l’un des influenceurs les plus puissants de France, a débuté sa carrière en parlant de jeux vidéo sur YouTube. On suppose, à juste titre, que les jeunes hommes détiennent les clés du Web. L’extrême droite a donc tout intérêt à attirer leur attention.

Un message partagé par MisterMV sur son compte Twitter/X, l'un des rares gros streamers à s'être exprimé publiquement sur le sujet.  // Source : Capture d'écranUn message partagé par MisterMV sur son compte Twitter/X, l'un des rares gros streamers à s'être exprimé publiquement sur le sujet.  // Source : Capture d'écran
Un message partagé par MisterMV sur son compte Twitter/X, l’un des rares gros streamers à s’être exprimé publiquement sur le sujet. // Source : Capture d’écran

Les illustrations concrètes de ce phénomène sont nombreuses : les extrémistes qui recrutent des adolescents sur Roblox, les références vidéoludiques de l’attentat islamophobe de Christchurch, la mainmise de l’extrême droite française sur des forums comme JVCOM, l’influence du Gamergate sur l’arrivée au pouvoir de Donald Trump aux Etats-Unis… Pourtant, parler d’extrême droite et de jeux vidéo suscite toujours un certain malaise chez les gamers, parfois plus soucieux d’alimenter les clichés médiatiques que d’affronter la réalité. Par exemple, la semaine dernière, un lecteur m’a poliment critiqué pour avoir rogné sur les raccourcis en combinant les deux sujets dans l’un de mes éditoriaux.

J’espère que les joueurs ouvriront les yeux

Je le réaffirme donc, avec respect et urgence : l’extrême droite corrompt les jeux vidéo. Réfléchir à ces liens ne signifie pas nécessairement dire que tous les joueurs sont racistes, même s’il ne faut pas minimiser ces problèmes. Il s’agit d’examiner les idées véhiculées par ses contenus et ses entreprises, de reconnaître l’attrait de ce média pour les militants politiques, et d’entendre le silence de certaines personnalités du jeu vidéo face à cette reprise, comme si elle ne les concernait pas.

 » Il est impératif pour nous de limiter la présence de l’extrême droite tant dans nos vies que dans les jeux vidéo que nous créons et consommons. », écrit le groupe Ni Nos Vies, Ni Nos Jeux, qui rassemble plusieurs collectifs d’acteurs contre la montée de l’extrême droite en France.

Ces derniers jours, les discours de personnalités a priori loin de la politique se sont multipliés : artistes, sportifs, YouTubeurs, etc. » Se mobiliser sur internet peut parfois faire craindre de perdre des audiences ou des sponsors, tant les créateurs de contenus hésitent à s’exprimer. », explique la tribune du collectif Stream Populaire, qui organise une série d’événements sur Twitch pour mobiliser autour du Nouveau Front Populaire.

 » Aujourd’hui une précision s’impose : les seuls sponsors et les seuls abonnés que l’on peut perdre sont ceux qui tolèrent le pouvoir d’extrême droite. » Espérer que les joueurs ouvrent les yeux et s’impliquent à leur tour n’est pas déplacé. Lorsque votre culture devient un outil de communication pour la montée du fascisme, c’est exactement le problème.

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Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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